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Le flex office : vers la lutte des places dans les entreprises ?

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Par RTBF La Première via

Il devient de plus en plus rare d’avoir son bureau à soi. Désormais de plus en plus d’entreprises passent au flex office. Un changement qui avait déjà été initié avant le Covid, mais qui se généralise depuis que le télétravail s’est installé dans nos vies. Un bouleversement aussi dans la vie des salariés et des entreprises. Comment continuer à être heureux et productif dans un lieu impersonnel ? Après la lutte des classes, place à la lutte des places ?

La chercheuse et docteur en sciences de gestion Delphine Minchella, est l’auteure d’Espaces de travail, aux éditions Dunod, un livre dans lequel elle se penche aussi sur tous les enjeux de pouvoir qui se jouent dans les open spaces. Qui aura la meilleure place ? Comment montrer qu’on est le chef ?

Il est important de "bien distinguer l’open space du flex office", souligne Delphine Minchella.

  • Un open space, c’est un grand plateau où il n’y a pas de cloison et où l’on travaille à côté de ses collègues. L’inconvénient majeur est le bruit. Les études montrent clairement qu’il nuit à la productivité et à la santé des travailleurs.
  • Le flex office, appelé aussi hot desking ou bureau dynamique, est un bureau non territorialisé. Il ne vous appartient pas et ne vous est pas désigné par l’organisation comme votre lieu de travail attitré. Vous occupez la place qui est libre au moment où vous venez travailler.

Le travail chez soi est aujourd’hui plébiscité. Les gens ont trouvé un rythme et une façon de travailler sans être dérangés. Ils peuvent s’isoler du bruit et des collègues parfois envahissants. Ils s’estiment plus performants et plus productifs en travaillant chez eux.

Les entreprises comprennent alors qu’elles peuvent faire des économies sur les mètres carrés. En organisant la rotation du personnel sur site, on permet de réduire la zone de bureaux et les dépenses associées, à savoir l’entretien des locaux.

© Getty Images

Le non-lieu organisationnel

Si la pratique sociale n’existe plus, l’entreprise peut devenir un non-lieu organisationnel, affirme Delphine Minchella.

Dès l’instant où l’entreprise décide d’organiser la rotation du personnel sur site, les gens cessent en effet de se voir quotidiennement et auront donc moins l’occasion de construire les rituels habituels lorsqu’on se retrouve 5 jours par semaine sur place : le tour des bureaux pour saluer tout le monde, le petit café pris avec des collègues à une heure précise, etc.

Cette pratique sociale est pourtant primordiale pour l’entreprise, pour deux raisons :

  • Pour les relations informelles, le ciment qui lie les travailleurs et qui permet de trouver ensemble des solutions.
  • On va venir sur son lieu de travail comme dans une bibliothèque où on s’installe sans dire bonjour à personne, on se logue, on s’immerge dans son ordinateur, puis on part.

"L’entreprise risque de perdre l’esprit de corps, qui fait l’organisation. Le travail, ce n’est pas qu’un ensemble de tâches à réaliser. Le travail, c’est faire partie intégrante d’une organisation. Et c’est ce qu’on va perdre si on installe véritablement une rotation du personnel sur site, avec un taux de présence comparable à 2 ou 3 jours par semaine."

La hiérarchie dans l’open space

Delphine Minchella a pu observer l’enjeu de la lutte de pouvoirs au sein des open spaces. Un phénomène qui n’est pas nouveau, mais qui s’est exacerbé avec le flex office.

La place que l’entreprise nous accorde est significative, elle matérialise notre contrat de travail et renseigne clairement sur la place que nous confère notre organisation.

Dans la mise en place du flex office, la plupart du temps, les directeurs exécutifs et les grands managers échappent à cette règle d’espace partagé ou de flex office. On aboutit à des organisations spatiales du travail où la hiérarchie se matérialise de la même façon que la place de chacun s’organise dans ces espaces.

Il ne faut pas croire que les gens sont dupes et acceptent de façon résignée d’être en flex office quand leur hiérarchie dispose toujours de bureaux personnels, explique Delphine Minchella.

"La justice sociale est primordiale à respecter. Si les privilèges spatiaux sont trop ostentatoires, cela va entraîner de la résistance au travail, ce qui sera délétère pour l’organisation".

Elle appelle cela 'la lutte des places en organisation'. La hiérarchie devient visible. Et pour les gens qui ont vraiment perdu quelque chose en passant en flex office, l’espace va parler beaucoup plus fort que les discours institutionnels destinés à leur faire accepter cette mise à distance.

Ecoutez ci-dessus la 1e partie de l’entretien et la suite ci-dessous

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