Football

Le football amateur gangrené par la violence : c’est grave docteur ?

© VIRGINIE LEFOUR – BELGAIMAGE

C’est un phénomène qui devient malheureusement de plus en plus récurrent. Les violences verbales et physiques dans le monde du football amateur augmentent et éclipsent les belles histoires et anecdotes que peut procurer ce milieu. Dernièrement en province de Hainaut, le match de quatrième provinciale entre Ronquières et Peronnes a été stoppé prématurément. Dents cassées, commotion cérébrale, contusions au visage, le bilan est lourd pour un joueur de Ronquières agressé par des joueurs de l’équipe adverse. Plainte a été déposée et une enquête est en cours.

Ce constat se pose dans toutes les régions et provinces du pays. En Wallonie, en Flandre, à Bruxelles, d’Arlon à Tournai en passant par Hasselt et Louvain, cette problématique concerne toutes les catégories. Des jeunes aux équipes adultes. Même si les équipes de jeunes semblent plus sujettes aux débordements. "Ce qui est fréquent, c’est l’énervement et l’excès des parents. Lors des rencontres de jeunes, il y a souvent des faits de violences entre parents des deux équipes. Ce sont en majorité des accrochages verbaux même si de temps en temps, cela va un peu plus loin. Ce sont des personnes qui ne vivent que pour la gagne. Ils ne regardent même pas si leur enfant progresse. Ce qu’il leur faut, c’est gagner, gagner et encore gagner" déplore Rosario Franciamore, le président de l’Entité Manageoise.

Nous connaissons une pénurie au niveau de l’arbitrage. Venir arbitrer pour des défraiements dérisoires et se faire insulter et frapper, ça n’en vaut pas le coup.

Tant l’ACFF que les différents comités provinciaux ne veulent pas faire l’autruche. Tout le monde est conscient que ces violences sont en hausse. "Peut-être que les gens ont une autre vision, d’autres points de vue et que cela amène à plus de violence. Ils ont aussi moins peur des sanctions qui peuvent en découdre" explique Fabian Saussez, le président du comité provincial du Hainaut. "Il faut s’en inquiéter car à notre niveau, on reste un sport amateur et nous sommes avant tout là pour nous épanouir. S’en prendre à une personne tant verbalement que physiquement n’est pas sans conséquence. La preuve, c’est que nous connaissons une pénurie au niveau de l’arbitrage. Plus personne n’a envie de s’investir dans cette activité. Venir arbitrer pour des défraiements dérisoires et se faire insulter et frapper, ça n’en vaut pas le coup" poursuit le président du CP Hainaut.

La radiation à vie pour un joueur, jusqu’à 500€ d’amende pour les clubs

Pour les faits de violences les plus graves avec atteinte à l’intégrité physique, un joueur encourt de huit matchs de suspension à la radiation à vie. Les clubs s’exposent à des amendes jusqu’à 500€ en cas de récidive. Des sommes conséquentes pour un club amateur. "Ce sont quand même des sanctions assez sévères. Quand vous recevez une amende de 500€, vous devez déjà vendre des verres de bière pour pouvoir la payer" ironise Fabian Saussez. "Les clubs sont pris entre le marteau et l’enclume. Il y a beaucoup de personnes correctes qui tentent tant bien que mal de jouer au policier et de maintenir le calme mais elles ne sont pas toujours suivies ou écoutées. C’est toujours embêtant de sanctionner un club – car il reste responsable de son public – alors que c’est le joueur ou le spectateur qu’il faudrait punir" reconnaît-il avant d’ajouter "on suit la ligne de conduite de l’ACFF. Il y a des programmes sociaux qui sont mis en place comme la campagne Come Together qui vise à lutter contre le racisme, la xénophobie et le sexisme. Mais tout ne se réglera pas du jour au lendemain et il faut laisser du temps au temps tout en espérant que les fauteurs de troubles reviennent les pieds sur terre."

A côté des sanctions infligées par l’ACFF ou les comités provinciaux, les clubs peuvent prendre des mesures internes. Rosario Franciamore le reconnaît, l’Entité Manageoise a déjà été condamnée par le passé à la suite de débordements. Le président et son comité n’hésitent pas à punir les membres fautifs. "Si un de nos joueurs s’amuse à jouer au rebelle avec un arbitre, on l’oblige à aller arbitrer une de nos équipes de jeunes. Cela m’est déjà arrivé de sanctionner un enfant suite au comportement de son papa ou de sa maman. Dans ce cas, je charge le parent en question d’aller expliquer à son enfant pourquoi il a été écarté."

Suivre l’exemple des Pays-Bas ?

© ACFF

Mais les clubs sont aussi dans la prévention. Depuis 2015, le football à l’instar d’autres fédérations sportives a créé les Parents Fair-Play. Reconnaissables aux bords des terrains grâce à leur brassard orange, ils veillent au bon déroulement des rencontres de jeunes. "On est là pour calmer les tensions et insultes entre parents" explique Frédéric, parent Fair-Play à Manage. "On essaye de comprendre le problème et de le régler du mieux que l’on peut. Les enfants sont là pour s’amuser et les parents n’ont pas à instaurer toutes ces tensions." Mais ces parents Fair-Play sont-ils vraiment efficaces ? Tout dépend de qui endosse ce rôle pour Rosario Franciamore. "Si c’est une petite maman de 1m40 et qu’elle se retrouve face à 4-5 hommes agités, ce n’est pas cette dame pleine de bonne volonté qui va pouvoir régler le problème" fait remarquer le président manageois.

Si ces actes violents ne diminuent pas, les autorités compétentes pourraient prendre de nouvelles mesures. Par exemple : interdire aux parents d’assister aux rencontres de leurs enfants. Ce n’est pas encore à l’ordre du jour en Belgique mais c’est déjà le cas aux Pays-Bas. "Les parents déposent les enfants que ce soit à l’entraînement ou pour les matchs et cela ne se joue rien qu’avec les jeunes, les formateurs et l’arbitre. On n’en n’est pas encore là mais pourquoi pas y réfléchir si on voit que cette violence perdure" rapporte Fabian Saussez. Mais le football en serait alors le grand perdant. Les buvettes ne fonctionneraient plus correctement et les pertes financières seraient importantes pour des clubs amateurs déjà en proie à de nombreuses difficultés. Raison de plus pour inciter tout un chacun à revenir à la raison.

© panathlon.be

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