Au cœur du conflit social qui oppose les syndicats et la direction de Delhaize, le passage à la franchise fait soit figure d’épouvantail soit de vie en rose, tout dépend dans quel "camp" on se trouve. Mais qu’en pensent les principaux intéressés ? Les AD, les Proxy et les Shop and Go, soit 80% des magasins de la marque au lion, sont déjà franchisés depuis années. Autrement dit, ils sont gérés par des indépendants qui en assument seuls la rentabilité. Chaque commerce connaît sa propre réalité. Elle dépend notamment de la taille, de la situation (à la ville ou la campagne) et du patron du magasin.
Un Proxy ancré dans son quartier
À Rixensart, le Proxy Delhaize est bien connu de ses habitants. Niché dans un écrin de verdure, à la lisière du bois de Mérode, dans le bien nommé quartier du "Beau-Site", ce commerce de proximité ne désemplit pas. On s’y presse, principalement en soirée, après 19H, le week-end et les jours fériés. "C’est ce qui fait notre force", explique le patron Benoit Davreux. "Oui, nous sommes ouverts le dimanche. Nous nous adaptons aux habitudes de nos clients. Au niveau des heures d’ouverture bien sûr, mais aussi pour répondre à la demande, toujours plus importante, de produits locaux. Par exemple, chaque année, nous vendons les noix d’une voisine qui habite le quartier. La proximité et la flexibilité sont nos 2 atouts principaux par rapport aux supermarchés."
Plus d’étudiants que d’employés
Cette flexibilité, souhaitée par le gérant, elle a forcément un impact sur le personnel. De la mise en place à 6H30 à la clôture du magasin à 20H30, l’amplitude horaire est énorme. Cette charge, Benoit Davreux a choisi de ne pas la faire peser sur ses 10 employés. "C’est pourquoi je travaille avec une quinzaine de jobistes étudiants. Ils peuvent travailler tôt le matin, tard le soir et durant le week-end. Les étudiants sont disponibles là où les autres le sont moins. Ce qui permet à mes employés de limiter leur temps de travail à 4 jours/semaine et de ne faire qu’un samedi ou un dimanche par mois. L’équilibre vie privée/vie professionnelle est essentiel. Le capital humain, c’est mon bien le plus précieux."
Une façon de réduire les coûts ?
Alors les étudiants, de la main-d’œuvre bon marché ? "C’est une question de rentabilité, c’est certain", reconnaît le patron. "Mais pas uniquement. Ils sont plutôt bien payés, environ 15€ de l’heure. Eux aussi y trouvent leur compte. Aujourd’hui, les étudiants doivent de plus en plus s’assumer seuls. Ils payent leur logement, leurs études et leurs loisirs. Je leur permets d’avoir une expérience professionnelle de qualité, en étant bien entourés, dans un cadre et un environnement favorables. Tout le monde y gagne." Les finances du magasin aussi. En 20 ans, le Proxy Delhaize de Rixensart a doublé son chiffre d’affaires. Alors quand on lui demande s’il pourrait engager davantage d’employés pour limiter les jobs flexibles et précaires, la réponse fuse : "Je renvoie la patate chaude au gouvernement. Tant que les charges sociales et patronales seront aussi élevées, ce sera difficile pour moi, en tant qu’entrepreneur indépendant, d’inverser la tendance."