Dans le Grand Dictionnaire, le professeur de philosophie Jean Leclercq (UCLouvain) prend le temps de définir le mot euthanasie.
En grec ancien, euthanasie revient à signifier une mort bonne, douce, naturelle, au moment de laquelle l’individu est en harmonie avec ce qui lui arrive et peut donc accomplir sa destinée. C’est, en somme, la mort dans de bonnes conditions ou qui sera vécue de façon la plus paisible possible.
L’euthanasie dans l’Histoire
Thomas More, le philosophe anglais du 16e siècle, parle déjà, dans son Utopie, de la mort volontaire.
Tout comme un autre philosophe anglais du 16e siècle, Francis Bacon, qui quelques années plus tard, évoquera le sujet ainsi que le rôle du médecin confronté à la gestion de la douleur, qui doit venir en aide au malade pour lui apporter une mort douce et paisible lorsqu’il n’y a plus d’espérance.
A l’époque, on peut dire que globalement, le mot est compris positivement.
Le terme euthanasie est attesté en français au 18e siècle, et jusqu’à la fin du 19e siècle, il évoque l’idée qu’il faut apaiser les souffrances de la mort et adoucir ce moment difficile de l’existence.
Le philosophe Ernest Renan, par exemple, au 19e siècle, dit vouloir travailler au projet d’une science qui s’appellera l’euthanasie. "Il faut trouver un moyen pour que la mort soit accompagnée de volupté", dit-il.
Une usurpation de sens
Jean Leclercq rappelle toutefois que c’est aussi à partir du 19e siècle que le mot va commencer à être détourné, pour évoquer les pratiques criminelles de l’eugénisme, si bien que le caractère harmonieux et raisonnable disparaît complètement.
"C’est une usurpation du sens du mot que l’on retrouve encore aujourd’hui chez les opposants farouches de l’euthanasie, qui nous disent qu’elle est un homicide, qu’elle est un abandon des soins. Je pense que c’est un mensonge très grave et même totalement inadmissible."
Et aujourd’hui ?
L’Histoire nous montre qu’on s’est toujours préoccupé de la mort. Rappelons-nous l’histoire des bonnes prières pour la bonne mort, pour mourir bien, pour mourir vite.
"Mais aujourd’hui, grâce aux innovations techniques et grâce à la fin des systèmes normatifs étroits des religions, il y a sans doute plus de place pour notre auto-détermination et pour le souhait de vivre de façon autonome sa propre mort", explique Jean Leclercq.
L’euthanasie est un acte humain, médicalement très précis. Il est très encadré, concerté, la demande doit être répétée. Il est rigoureusement contrôlé et réglementé. Pourquoi ? Parce qu’il provoque la mort d’une personne qui est atteinte d’une maladie incurable, qui lui inflige des souffrances morales ou physiques intolérables.
"On voit bien que c’est une prise de position très réaliste devant une mort qui est inéluctable et où il s’agit de mourir dans la dignité."