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"Le hussard sur le toit": le roman qui faisait peur aux réalisateurs

© SOURCE RTBF

Ce mardi 21 mars, la Trois vous propose de découvrir "Le hussard sur le toit", chef-d’œuvre du réalisateur Jean-Paul Rappeneau adapté d’un roman de Jean Giono.

Nous sommes en 1832, dans le sud de la France. Alors qu’une épidémie de choléra fait rage dans tout le pays, Angelo Pardi, un aristocrate italien poursuivi par les Autrichiens, fait la rencontre de Pauline de Théus, une femme à la recherche de son mari. En traversant ensemble la Provence, ils constateront de leurs propres yeux quels ravages douloureux a pu faire la maladie sur le peuple français affaibli.

Beaucoup d’appelés, peu d’élus

Écrit par Jean Giono, "Le hussard sur le toit" n’a été adapté que tardivement au cinéma.

Pourtant, dès sa sortie en 1951, plusieurs cinéastes s’intéressent à cette histoire et s’imaginent la porter au grand écran. René Clément, Luis Buñuel, Edouard Niermans : tous tentent à un moment donné de mettre sur pied ce beau projet, avant de renoncer face à l’ampleur de la tâche. Même François Villiers, bénéficiant pourtant de l’aide précieuse de Jean Giono pour l’accompagner dans sa démarche, finit par jeter l’éponge.

Il faut dire qu’avec ses 500 pages, son intrigue complexe et son style ciselé, "Le hussard sur le toit" fait peur, et personne ne veut être celui qui aura sali un tel chef-d’œuvre. Finalement, il faudra donc attendre près de 45 ans après la publication du roman pour qu’un réalisateur ose s’y attaquer.

Jean-Paul Rappeneau entre en scène

Cet homme aventureux, prêt à sauter là où plusieurs ont avant lui trébuché, c’est Jean-Paul Rappeneau. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que si on lui avait dit, quelques années plus tôt, qu’il serait celui qui adapterait "Le hussard sur le toit" de Jean Giono au cinéma, il n’y aurait probablement pas cru.

Au début de sa carrière, le réalisateur a en effet l’intime conviction que "le réalisateur doit être au centre du film comme Dieu au centre de la création". Autrement dit, il tient à écrire de A à Z ses propres scénarios. Pour lui, il n’est pas question d’adapter l’œuvre de quelqu’un d’autre !

Fort heureusement, son opinion évolue néanmoins avec le temps, tant et si bien qu’en 1990, "Cyrano de Bergerac " sort dans les salles. Tiré d’une célèbre pièce d’Edmond Rostand, ce film est en contradiction totale avec ce que Jean-Paul Rappeneau a pu affirmer par le passé, mais il l’assume : "De m’introduire ainsi dans l’œuvre d’un autre et d’en faire ma chose, de la tirer vers moi, m’a fait oublier totalement d’où il était venu et a stimulé ma créativité. Ça a libéré une part de mon énergie vers la mise en scène pure".

Un travail d’orfèvre

Face au succès de "Cyrano", que tout le monde pensait pourtant impossible à adapter, le réalisateur cherche rapidement un nouveau chef-d’œuvre auquel donner vie. Après avoir envisagé pendant quelques mois "Belle du Seigneur" d’Albert Cohen, il opte finalement pour "Le hussard sur le toit", un livre qu’il avait lu et adoré alors qu’il avait une vingtaine d’années, vers la fin des années 50.

Conscient de l’ampleur du défi qu’il vient de se fixer, Jean-Paul Rappeneau s’attelle aussitôt à la tâche. Pour commencer, il relit avec attention l’intégralité du livre, prend des notes, et s’interroge. Une fois qu’il pense bien maîtriser l’œuvre, il peut alors passer à l’étape suivante, à savoir l’écriture du scénario. Pour cela, il fait appel à la scénariste Nina Companeez, qui l’aide à mettre au jour son script.

Pendant de longs mois, les deux cinéastes travaillent d’arrache-pied pour extraire du roman une intrigue susceptible de tenir en haleine les spectateurs. C’est que le style contemplatif de Jean Giono est difficile à transposer à travers l’objectif d’une caméra. "Dans le livre, on ne sait pas vraiment pourquoi Angelo traverse la Provence, ni où il va. Quand on regarde sur une carte le trajet qu’il accomplit dans le livre, on s’aperçoit qu’il tourne en rond" explique à ce propos Jean-Paul Rappeneau.

Heureusement, "Le hussard sur le toit" fait en fait partie d’un cycle de quatre romans mettant en scène le personnage d’Angelo. Pour apporter au film davantage de tension, les réalisateurs s’inspirent donc de deux autres livres, "Le Bonheur fou", et "Mort d’un personnage", dans lesquels ils puisent quelques idées.

Une fois le premier jet terminé, il est ensuite soumis au jugement de Jean-Claude Carrière, avec lequel Jean-Paul Rappeneau avait coréalisé "Cyrano". De là, il faut encore quelques allers-retours pour mettre un point final au scénario, puis transposer celui-ci en story-board avant de se mettre en quête d’acteurs à même de donner corps aux personnages.

Après quelques essais, c’est finalement Olivier Martinez et Juliette Binoche qui sont retenus pour les rôles principaux.

La dernière ligne droite

Une fois le film mis sur papier, reste encore à le tourner. Et pour Jean-Paul Rappeneau, le principal défi de ce tournage sera de trouver les décors appropriés à l’esthétique qu’il a imaginée. Pour ce faire, il passe au crible toute la Provence pour constituer une mosaïque de ses plus beaux paysages. Sacrifiant le réalisme au profit de la photographie, il représente ainsi sa propre vision fantasmée de la ville de Manosque, où se déroule une majeure partie de l’intrigue.

Au fur et à mesure que le film prend vie, le livre tend dès lors à s’effacer de plus en plus, pour laisser libre place à la créativité du réalisateur. "Pour moi ce film est ma lecture du Hussard, pas vraiment ou pas seulement le livre" raconte-t-il d’ailleurs à ce sujet.

Et sans doute est-ce précisément cette distance mise avec l’œuvre originale qui lui permet de s’en affranchir. Entre adaptation fidèle et expression artistique, "Le hussard sur le toit" met en effet tout le monde d’accord à sa sortie. Nominé aux Césars dans de multiples catégories, il remporte finalement le prix de la meilleure photographie et du meilleur son. Quant au public, il se rue sur les salles, si bien que le film enregistre au total 2,5 millions d’entrées au box-office.

"Le hussard sur le toit", à voir ce mardi 21 mars à 20h35 sur La Trois et disponible sur Auvio pendant les 6 prochains mois.

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