Jeux vidéo

Le jeu vidéo belge joue des coudes sur un marché concurrentiel et international

© Getty Images

FIFA, Pokémon ou encore Call of Duty, comme chaque année ces licences de jeu vidéo vont squatter le top des ventes, et seront présents sous les sapins lors des fêtes de fin d’année. Elles sont faciles à trouver en boutique et sont vendues un peu partout. Mais si vous voulez acheter un jeu plus confidentiel, voire même un jeu vidéo belge, vous pouvez oublier les rayons de magasin.

Pour les retrouver, c’est généralement sur les plateformes de jeu en ligne qu’il faut se tourner. Steam est la plateforme la plus importante pour le moment. Sauf qu’avec près de 10.000 jeux sortis par an, comment choisir la perle rare ? Perdus dans la masse, les studios belges doivent redoubler d’efforts pour que vous les remarquiez.

Des jeux vidéo en abondance et un marché très concurrentiel

Les studios belges ne sont qu’une vingtaine en Wallonie, l’énorme majorité se trouvant en Flandre. Ils ne sont pas très nombreux et surtout, pas très riches. Il leur est par exemple impossible d’acheter une campagne publicitaire dans le métro ou à la télévision.

À Fishing Cactus, un studio de jeu vidéo basé à Mons, on opte plutôt pour des rencontres avec le public : "On utilise les événements publics comme la Made in Asia pour montrer notre jeu du moment et intéresser les visiteurs", détaille Sophie Schiaratura, responsable communication et marketing à Fishing Cactus. "On communique sur le jeu très tôt, bien avant sa sortie pour créer une communauté et des joueurs investis. C’est nécessaire car sur la plateforme Steam, chaque utilisateur possède une liste de souhait. Sur cette liste, ils peuvent ajouter des jeux qui ne sont pas encore sortis et qu’ils souhaitent acquérir. Au plus un jeu se trouve sur les listes de souhait des utilisateurs, au plus il est mis en avant par la plateforme Steam. Communiquer tôt sur notre jeu permet donc de s’assurer une meilleure visibilité."

Une démarche nécessaire tant le nombre de jeux vidéo publiés a explosé ces dernières années. Plus de 10.000 jeux sont sortis sur Steam en 2021. Il y a 10 ans sur cette même plateforme, il n’y en avait que 429.

La pandémie a été un accélérateur pour l’industrie du jeu vidéo et même si cela fait des années que la croissance est importante, tout a explosé pendant les différents confinements.

Mais paradoxalement, la situation est devenue plus difficile pour un studio comme Fishing Cactus : "Nous n’avons pas pu faire de salons, d’événements publics, déplore Sophie Schiaratura. Nous n’avons pas pu créer de communauté pour notre jeu Nanotale mais dans le même temps, notre contrat avec l’éditeur nous imposait à sortir le jeu durant le covid en mars 2021, et cela s’est ressenti dans les ventes."

Pas de boîte physique, presque tout est sur les plateformes en ligne

Pour les studios indépendants partout dans le monde, les plateformes de jeu en ligne ont été un véritable appel d’air.

Faire des copies CD ou des cartouches pour les consoles, cela coûte cher et cela demande d’avancer l’argent de production avant de toucher quoi que ce soit. Au-delà de l’argent avancé, cela demande aussi d’élever le coût du jeu en boîte : "Pour une cartouche de Nintendo Switch, vous devez vendre votre jeu à au moins 20 euros, sinon vous ne gagnez rien, détaille Sophie Schiaratura. Sauf que nos jeux, nous ne les avons pas conçus pour les vendre à ce prix-là."

Les jeux ont également une valeur en fonction du prix du marché. À partir d’un certain prix, il y a une attente de qualité qui naît chez les joueurs.

Les studios trouvent tout de même le moyen de sortir leurs jeux en boîte, mais cela dépend toujours avec qui vous êtes accompagnés. En l’occurrence ici, c’est lié à la volonté et les capacités de l’éditeur à distribuer dans les magasins des versions physiques. C’est le cas par exemple du jeu "Ary and the secret of seasons", coproduit par des studios belges mais édité par Modus Game, qui a distribué les versions physiques un peu partout dans le monde.

Le jeu vidéo belge s’épanouit à l’étranger

Le marché du jeu vidéo, notamment sur les plateformes en ligne, est mondial. Le jeu vidéo produit en Belgique est donc principalement destiné à être exporté. "Pour le jeu Nanotale par exemple, les ventes réalisées en Belgique sont minimes, avoue Sophie Schiaratura. 40% des ventes ont été réalisées aux Etats-Unis, et 40% en Chine. Les 20% derniers, c’est le reste du monde."

C’est donc l’exportation qui marche le mieux, et cela vaut aussi pour les développeurs formés en Belgique. La Belgique est un nain dans l’industrie du jeu vidéo mais elle possède des écoles dans le domaine particulièrement réputées comme la Haute Ecole Albert Jaquard (HEAJ) à Namur qui a lancé le premier master en jeu vidéo de Belgique, ou la Haute Ecole Howest à Courtrai dont le cursus de bachelier en jeu vidéo et animation est considéré comme l’un des meilleurs au monde. Des jeunes diplômés qui possèdent donc des compétences mais qui manquent de débouchés en Belgique.

Garder les talents en Belgique est l’un des objectifs de la Walga, la fédération wallonne du jeu vidéo. Pour son coordinateur, Jean Gréban, cela passe par une diversité des possibilités de financement pour les studios : "Deux millions d’euros d’aide à la création viennent de Wallimage, un fonds régional wallon, 500.000 euros viennent de la ministre de la Culture, nous avons l’argent public pour amorcer la pompe, il ne manque plus que l’argent privé pour pousser les productions, et on compte sur le tax shelter pour ça."

Le premier jour de réunion avec le marché russe était également le premier jour de la guerre en Ukraine. On s’est regardé un peu gêné, et on a remis les dossiers dans les cartons.

Pour aider les studios, la Walga, la fédération wallonne du jeu vidéo, noue des liens avec les éditeurs à l’étranger. C’est l’une des missions du coordinateur de la Walga. "C’est pour cela que l’on se rend à la Gamescom en Allemagne ou la Game Developper Conference (GDC) à San Fransisco, explique Jean Gréban. Ce sont des événements qui permettent de créer des liens professionnels. C’est pour cela que l’on a invité des studios brésiliens et québécois au Meet&Build cette année, un événement annuel se déroulant au Quai10, à Charleroi."

La Walga fait profiter son expertise des pays pour que les studios belges puissent s’adapter : "Nous concevons également des fiches par pays pour que les studios aient des outils pour percer des marchés spécifiques. Le marché du jeu vidéo est mondial mais travailler spécifiquement sur certains marchés comme l’Inde, le Japon ou encore donc le Brésil, permet de comprendre comment il fonctionne. Pour un jeu, faire un travail de localisation comme changer la langue ne va pas demander beaucoup de travail de production si c’est prévu au début du développement, et ça peut donner une seconde vie au jeu."

Les échanges peuvent également se faire lors des missions économiques où la Walga est présente comme cette année à Atlanta lors d’une mission aux Etats-Unis, ou en ce moment même à Kyoto au Japon en accompagnant une mission princière. Mais Jean Gréban le rappelle, si la politique est un canal utile pour obtenir des opportunités, le réseau peut également se couper du jour au lendemain : "Le premier jour de réunion avec le marché russe était également le premier jour de la guerre en Ukraine. On s’est regardé un peu gêné, et on a remis les dossiers dans les cartons."

Le tax shelter, l’espoir d’une industrie

L’industrie du jeu vidéo belge voit le tax shelter s’étendre au domaine et l’accueille à bras ouverts. Le tax shelter, c’est ce mécanisme qui, en échange d’avantages fiscaux, permet aux entreprises d’investir dans des secteurs culturels, dont maintenant le jeu vidéo.

Pour Bruno Urbain, directeur du studio Fishing Cactus, c’est un moyen d’être plus concurrentiel à l’étranger : "Le tax shelter va permettre de contribuer jusqu’à 1/4 des dépenses. C’est autant d’argent que l’on ne doit pas aller chercher ailleurs et c’est autant d’argent qu’un éditeur qui veut investir en nous ne doit pas dépenser. On devient un investissement moins cher et donc moins risqué. Cela permet de nous rendre plus compétitif à l’international. Pour moi, c’est un mécanisme qui va permettre dans quelques années de multiplier les coproductions pour développer des jeux plus ambitieux financièrement parlant."

Plus d’ambitions dans le jeu vidéo belge, cela permettra de faire des jeux davantage remarqués. Plus de visibilité, c’est plus de joueurs potentiels et donc plus d’argent. Les professionnels du jeu vidéo n’attendent que ça et peut-être qu’un jour, le dernier jeu à la mode sous le sapin des joueurs aura la griffe d’une production du plat pays.

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