Si vous pratiquez régulièrement ce qu’on appelle le militantisme virtuel, à savoir, si vous avez déjà signé une pétition, exprimé une opinion politique en ligne, partagé un documentaire informatif, ou encore interpellé un.e dirigeant.e, vous avez peut-être déjà entendu que votre action était inutile.
C’est vrai, après tout, une signature ou un hashtag peuvent-ils vraiment changer la face du monde ? Face au flot d’informations en continu, de demandes pour aider telle ou telle association, de pétitions qui ne donnent jamais suite et de publications perdues dans le flux incessant, il y a de quoi baisser les bras.
En 2009, Laurent Dupin, journaliste sur Canal +, indiquait d’ailleurs que le militantisme “presse bouton”, n’était pas réellement un engagement politique. Depuis, les réseaux sociaux sont devenus une activité certes de loisir, mais ils permettent aussi une organisation militante à grande échelle.
Un contre-pouvoir de taille
Connaissez-vous la plateforme I-boycott.org ? Ce site internet milite depuis 2015 pour soulever les foules et interpeller des multinationales afin de les mettre face à leurs contradictions. Coca-Cola et la pollution liée au plastique, Nestlé et la privatisation de l’eau de source, ou encore LU et l’utilisation de l’huile de palme, sont autant de campagnes lancées par la plateforme. Sur I-boycott, on lance un projet, on fait signer en ligne un engagement citoyen de boycott d’une marque tant que celle-ci n’a pas évolué.
En 2016, une campagne a été lancée contre Petit navire afin de les pousser à se tourner vers une pêche plus durable. Après plusieurs réponses jugées non satisfaisantes par les boycotteurs et boycotteuses, la marque s’est engagée à réduire de 50% le nombre de Dispositifs de Concentration de Poissons (DCP), une technique de pêche à grande échelle qui ne permet pas le “tri” de poissons capturés et participe à la disparition du thon. Les dispositifs sont en plus de cela très polluants et la campagne est donc une victoire puisque Petit navire a fait évoluer ses pratiques.
Prenons maintenant l’exemple des pétitions. Il y en a des milliers en ligne chaque jour, dont une grande partie reste effectivement sans suite. Néanmoins, des signatures en masse ont permis de faire bouger les lignes, jusqu’à permettre à des gouvernements d’évoluer sur certaines questions. En 2017, l’association Oceana Canada lançait une pétition pour obliger le gouvernement canadien à stopper l’importation et l’exportation d’ailerons de requins. Signée par plus de 300 000 personnes, la pétition fut un succès puisqu’en 2018, le Sénat approuvait la loi S-238 visant à interdire ce commerce.
Les réseaux sociaux sont devenus une activité certes de loisir, mais ils permettent aussi une organisation militante à grande échelle
Plus récemment, la France a décidé d’interdire la chasse à la glu pour ainsi se conformer au droit européen. Cela n’aurait sûrement pas été possible sans la mobilisation de presque 300 000 signataires.
Le militantisme virtuel est un contre-pouvoir qui peut s’avérer puissant. C’est aussi un garde-fou, qui permet d’agir de manière chirurgicale, en relevant les moindres agissements d’une société profondément sexiste, raciste et lgbtphobe.
Il y a deux semaines, Fabien Lecoeuvre, animateur sur la radio Europe 1, présentait ses excuses publiquement. Pourquoi ? Parce qu’il avait attaqué la chanteuse Hoshi quelques jours plus tôt sur son physique, et qu’il faisait alors face à une multitude de messages et de commentaires sous ses réseaux, grâce au relais par des dizaines de comptes militants sur Twitter et Instagram.
L’antenne a d’ailleurs indiqué que le chroniqueur ne serait pas des leurs, et Wendy Bouchard, qui anime en temps normal une émission à ses côtés, a précisé le lendemain que “Ses propos, envers Hoshi et sur le physique des artistes m’ont, comme vous, profondément choquée.”
►►► A lire aussi : Safia Kessas : "Chère Hoshi, je me fiche de savoir si vous êtes belle ou pas"