Au lendemain d’une journée d’actions de grève où syndicats et citoyens ont réclamé des mesures en faveur du pouvoir d’achat et des solutions aux factures d’énergie qui explosent, le vice-Premier ministre fédéral et ministre de l’Economie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne (PS) était l’invité de l’émission Jeudi en Prime, sur la Une. Au menu des discussions, notamment, comment aller plus loin pour aider les salariés et les patrons ?
Va-t-on vers "une prime redistribution des bénéfices" dans les entreprises ?
Un conseil des ministres restreint s’est tenu ce jeudi matin, au lendemain d’une journée d’actions de grève. Que va faire le gouvernement pour aider ceux qui sont les plus touchés par la situation actuelle ? "On ne peut pas être sourd et aveugle aux revendications de la population qui se sont manifestées, exprimées hier dans les rues du pays", répond Pierre-Yves Dermagne (PS), vice-Premier ministre et ministre de l’Emploi et de l’Economie. "On va recevoir les partenaires sociaux. C’est la décision qui a été prise ce midi en comité ministériel restreint", ajoute le vice-Premier ministre. Ce sera d’abord pour entendre patrons et syndicats après le constat d’échec établi en début de semaine dans les discussions entre partenaires sociaux. Les discussions sur la répartition de l’enveloppe bien-être pour augmenter les allocations et les négociations sur l’augmentation des salaires n’ont pas abouti.
Pour rappel, les partenaires sociaux devraient conclure un accord interprofessionnel pour 2023-2024. Comme cela a déjà été le cas il y a deux ans, l’absence d’accord entre les parties implique que le gouvernement fédéral reprenne la main. La marge salariale disponible est de 0%. Comment, dès lors, trouver le moyen d’améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs au-delà de l’indexation ? C’est au ministre de l’Economie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne, qu’il revient de faire des propositions. "Comme je l’ai fait il y a deux ans, je ferai une proposition au gouvernement avec une série de mesures pour essayer de débloquer la situation", explique Pierre-Yves Dermagne afin, ajoute-t-il "de pouvoir, là où c’est possible, dans les secteurs, dans les entreprises qui font des bénéfices, qui ne sont pas impactées par la crise ou même qui sont impactées positivement par la crise, que l’on puisse redistribuer une partie de ces bénéfices aux travailleurs".
Le ministre va-t-il proposer un dispositif de l’ordre de celui qu’il avait mis sur pied il y a deux ans, en pleine période Corona ? A l’époque, les entreprises qui s’en sortaient avaient reçu la possibilité d’octroyer une "prime Corona", de maximum 500 euros à leurs travailleurs. "C’est une des options qui sera sur la table", répond aujourd’hui le ministre Dermagne. Il faudrait encore voir si une telle option ferait l’unanimité au sein des partis du gouvernement et ensuite si elle satisferait patrons et syndicats.
Bref, après la "prime Corona", une nouvelle prime pourrait voir le jour dans certaines entreprises, une prime "redistribution des bénéfices", comme l’a qualifiée le ministre. "C’est important pour moi que les entreprises qui font des bénéfices puissent redistribuer une partie de ces bénéfices à leurs travailleuses et à leurs travailleurs", estime le ministre Dermagne. "Je suis surtout motivé à trouver des solutions pour faire en sorte qu’on apporte des réponses aux gens qui étaient dans la rue hier, tout en étant conscient que la situation de certaines entreprises, de beaucoup d’entreprises, est aussi difficile", ajoute le ministre.
A propos des entreprises qui peinent, elles aussi, face à la crise, le ministre précise que le gouvernement "a décidé d’un milliard d’aides pour les entreprises en réduction des cotisations patronales".
Aux voix qui se font entendre dans les milieux patronaux pour s’inquiéter du coût de l’indexation automatique des salaires – en janvier prochain, 800.000 travailleurs verront leurs salaires être indexés d’environ 10%- le ministre rappelle l’importance de cette indexation automatique. "Il faut aussi rappeler que l’indexation automatique des salaires et des allocations permet à l’économie de fonctionner, elle permet aux gens de consommer et de faire leurs courses dans les magasins, dans ces PME et chez indépendants qui sont aujourd’hui, pour certains, en difficulté", explique Pierre-Yves Dermagne.
La captation des surprofits dans le secteur énergétique : les patrons "n’ont pas à nous dire quelque chose"
Au cours de l’entretien, le ministre Dermagne a souligné, à côté des entreprises qui sont aujourd’hui en difficulté, l’existence d’autres entreprises ou secteurs "qui profitent de la crise et traversent la crise sans aucune difficulté et même qui font des profits jamais vus". "On a aujourd’hui des marges bénéficiaires au sein de l’ensemble des entreprises qui sont supérieures à la moyenne des vingt dernières années", ajoute le ministre.
Les regards se tournent alors vers Engie, qui a annoncé aujourd’hui avoir réalisé un gain de 85% de son chiffre d’affaires pour les neuf premiers mois de 2022. "C’est colossal et c’est, d’une certaine manière inacceptable. Cela doit retourner aux citoyens, aux consommateurs et même aux entreprises qui sont impactées par la crise de l’énergie", estime le ministre Dermagne.
Il y a déjà la rente nucléaire qu’Engie doit verser à l’Etat. Il y a à présent la possibilité prévue par l’Europe de taxer les surprofits générés par le contexte actuel de flambée des prix de l’énergie. "Nous avons décidé d’aller chercher ces surprofits et nous allons au-delà de ce que l’Europe permet", rappelle le ministre.
Pour Pierre-Yves Dermagne, que la Belgique soit actuellement occupée à négocier avec Engie la prolongation de réacteurs nucléaires ne change rien. "On a la main. On ne négocie pas les genoux à terre devant Engie", répond le ministre Dermagne. "C’est une négociation difficile et technique, avec des enjeux économiques importants", mais "la question des surprofits c’est un autre débat" et "ça n’intervient pas dans la négociation", précise le ministre. "Nous irons chercher les surprofits chez Engie, mais aussi chez d’autres producteurs d’électricité et chez d’autres acteurs pétroliers", ajoute Pierre-Yves Dermagne.
Cette décision a été prise, elle sera mise en œuvre via une loi, a poursuivi le ministre. Quant aux entreprises concernées par cette taxation des surprofits et qui auraient des objections, "ils n’ont pas à nous dire quelque chose", précise le ministre de l’Economie et de l’Emploi.
Une réforme fiscale attendue
Le ministre des Finances (CD&V) a été chargé par le gouvernement de présenter, d’ici la fin de l’année son projet de réforme fiscale.
Au menu, un probable relèvement de la quotité exemptée d’impôts. "Au Parti Socialiste, on plaide depuis longtemps pour une réforme fiscale qui soit ciblée sur les bas et les moyens salaires, avec un vrai shift fiscal", explique le ministre Dermagne. "Ce qu’on va donner aux travailleurs, on va aller le chercher ailleurs, notamment au niveau du capital, au niveau des grands patrimoines immobiliers", ajoute le ministre Dermagne. Reste à voir ce qui aboutira sur la table du gouvernement et quel sera le consensus auquel les partenaires de la majorité trouveront.