Nous sommes dans les rues de Kinshasa. Le film s’ouvre sur une scène emblématique qui raconte si bien le film que l’on va voir. On découvre l’artiste assis par terre qui explique à son jeune assistant prénommé Richi la symbolique du tableau qu’ils sont en train de faire : " Richi, nous allons faire le tableau d’un cimetière, l’Afrique est devenue une cité-cimetière. Avec toutes les guerres qu’il y a en Afrique, moi je dis que dans deux siècles, l’Afrique deviendra un cimetière ".
La plupart de mes œuvres tournent autour du sang, autour des armes, des élections … pour essayer de lever la voix pour les sans-voix
Sans voix off, on découvre à travers des scènes de vie, le parcours d’Emmanuel Botalatala . Cet homme aux yeux perçants et au regard pétillant, aux mains agiles et aux jambes déformées par la polio fait des tableaux depuis 1979. Certains le prennent pour un fou, d’autres pour un génie. Il a en tout cas consacré sa vie à sa passion. Depuis les quartiers populaires de Kinshasa, il crée des tableaux hautement politiques et en relief à partir des déchets qui s’entassent chaque jour dans la ville. Il s’est donc autoproclamé ministre des poubelles.
" L’homme moderne jette tout " nous explique-t-il. Notre siècle naissant est caractérisé par le rejet. Est-ce que tout ce que l’on jette dans la poubelle est vraiment jetable " ? L’homme définit lui-même son art comme de l’art engagé. " La plupart de mes œuvres tournent autour du sang, autour des armes, des élections … ". Il construit ses œuvres autour de ces sujets qui l’affectent : la guerre, l’environnement, la crise climatique, le respect des droits de l’Homme … " pour essayer de lever la voix pour les sans-voix".
Ce film a été tourné en 2016, dans un climat de tension à la veille d’élections présidentielles annoncées, aussi capitales qu’incertaines. A l’époque, Joseph Kabila s’accrochait au pouvoir voulant rempiler pour un 3ème mandat avant de se retirer de la course. Après trois reports, les élections ont finalement eu lieu fin 2018 et début janvier 2019, Felix Tshisekedi était proclamé président.
Emmanuel Botalatala rêve d’un pays enfin en paix pour les générations futures. A 65 ans, il rêve aussi de créer un centre culturel pour y sauver son œuvre et former les Ministres des poubelles de demain. Il veut laisser une trace, il rêve que sa collection d’oeuvres soit protégée comme un patrimoine et qu’elles témoignent de sa vision sur le monde.
" Un artiste à travers ses œuvres peut participer à l’éducation civique " dit-il. A travers ce très beau portrait, ce film aborde la fondamentale question du rôle de l’artiste et de sa place dans la société.
Produit par Dancing Dog Productions en coproduction avec la RTBF/ AMC2 / WIP