Le trou béant laissé par le défunt pont Morandi au-dessus de la rivière Polcevera, commence à se remplir. Lorsque les habitants lèvent les yeux au ciel, ils peuvent apercevoir les premiers tronçons du nouveau pont, placés à quarante-cinq mètres de hauteur sur les dix-huit piliers de ciment construits en un temps record.
"Nous avons mis moins de trente jours par pilier. Nous avons utilisé des ciments spéciaux qui ont permis d’accélérer la construction", explique l’ingénieur Francesco Poma, le directeur du projet qui nous accompagne sur cet immense chantier.
Lorsque le pont Morandi s’est écroulé le 14 août 2018, provoquant la mort de quarante-trois personnes, nul ne pensait que les promesses de construire un nouveau pont rapidement, allaient être respectées. Dans un pays où il faut parfois trente ans pour construire une autoroute, un pays connu pour la lourdeur de sa bureaucratie et les règles anti-mafia, difficile d’accélérer une telle entreprise.
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Pour la première fois dans l’histoire italienne, un chantier a pourtant réussi à dribbler la bureaucratie et à éviter les recours judiciaires. "Je n’ai jamais vu une telle chose, admet l’ingénieur Poma. De nombreuses entreprises de construction nous ont appelées après la chute du Morandi. Les ouvriers voulaient travailler sur le nouveau pont, et en effet, c’est vraiment un 'Italian job', l’union de deux géants de la construction, Fincantieri, un grand spécialiste de l’acier, et le constructeur Salini Impregilio. Ils se sont unis sous le nom de 'PerGenova' pour construire le pont."
La forme d’un navire
Posé au sol, un immense morceau d’acier ressemble à la coque d’un bateau. Des dizaines d’ouvriers s’activent autour de ce tronçon géant ; cent mètres de long pour un poids de 1800 tonnes qui sera bientôt soulevé à 45 mètres de hauteur, pour être placé entre les piliers 9 et 10.
Tout un symbole explique Leonardo Lenti, le directeur adjoint du projet. "C’est l’une des trois plus longues travées du pont. La première a déjà été soulevée juste ici au-dessus de nos têtes, mais celle-ci a une importance particulière car c’est exactement le tronçon qui doit remplacer celui du pont Morandi qui s’est écroulé, donc pour nous c’est vraiment très symbolique de le remettre à sa place."
Fin mars, sauf retard, la structure du nouveau pont sera complétée et le pont Morandi sera définitivement remplacé. "L’architecte Renzo Piano a voulu lui donner la forme d’un bateau qui sera visible dans le ciel de Gênes, éclairé de manière particulière pendant la nuit", ajoute Leonardo Lenti qui est un ingénieur habitué à construire des bateaux de croisière.
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Un tour de force pour les mille ouvriers qui se relaient, jour et nuit, depuis le 25 juin dernier, date de la signature du contrat par le commissaire nommé par le gouvernement, qui n’est autre que le maire de Gênes, Marco Bucci. "Il nous appelle matin et soir pour demander l’état des travaux, sourit Francesco Poma, mais à vrai dire, pas besoin qu’on nous mette la pression, toutes les personnes, surtout les ouvriers, qui travaillent sur ce projet sont portés par une motivation particulière, celle de reconstruire le panorama, le pont, et recoudre cette terrible blessure."
Tout a été pensé depuis le début pour accélérer les choses et comprimer au mieux les temps techniques nécessaires pour construire un viaduc de plus d’un kilomètre. "Non seulement nous avons projeté et construit les piliers et le tablier du pont en parallèle, mais surtout nous avons commencé à travailler à la reconstruction alors que le vieux pont Morandi devait encore être démoli", explique l’ingénieur du projet.