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Le Pacte d’acier a été signé le 22 mai 1939 : comment Mussolini a précipité l’Italie vers une guerre non souhaitée

Par Pierre Marlet via

Le 22 mai 1939 était signé le Pacte d’acier entre l’Italie de Benito Mussolini et l’Allemagne d’Adolf Hitler. Une alliance offensive désirée sur fond de jalousie envers le Führer par le Duce, qui a scellé le destin de l’Italie, alors que son armée n’était pas prête à faire la guerre.

Pour l’Italie, la signature de ce Pacte entre Joachim von Ribbentrop et Galeazzo Ciano, ministres des Affaires étrangères allemand et italien, peut être considérée comme une décision fatidique : la destinée de l’Italie se joue sur cette décision de Mussolini de lier son sort à celui d’Hitler. Hitler pour lequel il a pourtant peu d’affection et pour lequel il éprouve surtout de la jalousie. Car l’Allemagne nazie réussit à agrandir son territoire : en 1938, Adolf Hitler annexe l’Autriche à l’Allemagne, en mars 1939, il a envahi la Tchécoslovaquie. À chaque fois, le dictateur allemand qui se dit son allié et son ami ne le met pas au courant de ses intentions. Benito Mussolini enrage et pourtant il officialise l’Axe Rome-Berlin, proclamé le 1er novembre 1936, par ce Pacte d’acier le 22 mai 1939.

Une alliance offensive qui n’était souhaitée que par Mussolini en Italie

L’essentiel de ce Pacte d’acier peut se trouver dans l’article 3 qui dit ceci : "Si l’un des deux pays est entraîné dans un conflit armé avec une autre puissance, l’autre se porterait immédiatement à ses côtés comme allié". En substance, cela dépasse une alliance défensive.

À l’opposé, l’article 5 de l’Otan prévoit aujourd’hui qu’une attaque contre un pays de l’Otan engage la solidarité de tous les pays membres de l’Otan. Dans ce cas, on parle d’alliance défensive. Le Pacte d’acier pouvait donner lieu à une alliance offensive, ce qui correspond aux intentions d’Adolf Hitler et de Benito Mussolini. Le premier se prépare à envahir la Pologne, puis la France, puis l’Union soviétique. Le second ne sait pas trop ce qu’il veut envahir, du moment qu’il agrandit son territoire.

Ce texte a donc été fatidique pour l’Italie puisqu’il conduira le pays à sa ruine. Cela alors que le peuple italien ne veut pas la guerre, que dans sa majorité il est hostile à l’Allemagne nazie, que les généraux ne veulent pas d’un conflit parce qu’ils savent, qu’au contraire de l’armée allemande, l’armée italienne n’est pas au niveau de ses voisins, que ce soit en termes d’équipement ou de formation. Mais en liant son destin à l’Allemagne, Mussolini finira par avoir ce qu’il cherche.

Joachim von Ribbentrop et le Comte Ciano se serrent la main après la signature du Pacte d’acier entre le IIIe Reich et l’Italie fasciste le 22 mai 1939 à Berlin.
Joachim von Ribbentrop, Hermann Goering, Adolf Hitler, le Comte Ciano, et l’ambassadeur italien Attolico sont à l’ambassade d’Italie le 22 mai 1939 à Berlin.

L'Italie fasciste, un pays qui a mauvaise réputation autant chez ses ennemis que chez ses alliés

Cent jours après le Pacte d’acier, Hitler envahit la Pologne, le 1er septembre 1939. Pourtant, l’Italie n’entre pas immédiatement en guerre aux côtés de son allié allemand, justement parce que l’armée italienne n’est pas prête.

Mais Hitler n’en a cure au contraire : il dit à Mussolini qu’il n’a pas besoin des Italiens pour vaincre d’abord la Pologne et ensuite la France et la Grande-Bretagne. Et c’est ce qui arrive en septembre 1939 puis en mai 1940. L’armée française est enfoncée par les panzers allemands. Au moment où ceux-ci s’approchent de Paris, Mussolini se dit que l’occasion est trop belle : pour avoir sa part de lauriers, le 10 juin 1940, il déclare la guerre à la France et à l’Angleterre : c’est ce qu’on appellera le coup de poignard dans le dos qui consiste à frapper un adversaire déjà pratiquement à terre. Une déclaration qui contribue à donner à l’Italie une image regrettable : celle d’un pays opportuniste, peu fiable et, au plan militaire, peu efficace.

Un régime dépendant de l’Allemagne nazie et qui n’a connu que la défaite

En juin 1940, malgré une grande supériorité numérique, les Italiens ne progressent pas dans les Alpes face aux Français. C’est bien sûr par l’Allemagne et non par l’Italie que la France est vaincue. Et Hitler ne voudra pas des Italiens à ses côtés pour recevoir la reddition de l’armée française.

Quelques mois plus tard, Mussolini ordonne d’attaquer la Grèce. Mal lui en prend : il subit une défaite totale et ce sont les Allemands qui le sortiront de ce mauvais pas. L’Italie devient alors l’allié subordonné de l’Allemagne, souvent méprisé par les soldats allemands, en Afrique, en Russie puis… en Italie, lorsque les Alliés débarquent en Sicile. À ce moment-là, en été 1943, le régime renverse Mussolini et l’Italie change de camp en se rangeant aux côtés des Alliés contre l’Allemagne. Le Duce rêvait de gloire, il n’aura connu que la défaite. Une raclée qui pourrait prêter à sourire s’il n’y avait pas les terribles conséquences : en 1945 l’Italie est un pays en ruines, un pays exsangue. Si l’on additionne les pertes civiles ou militaires, un demi-million d’Italiens ont perdu la vie entre 1940 et 1945.

Mussolini, un dictateur encore loué par des nostalgiques du fascisme

Pourtant aujourd’hui, il reste en Italie des nostalgiques du fascisme et certains n’hésitent pas à faire l’apologie de Mussolini devant micros et caméras. Au premier rang desquels, dans sa jeunesse, une certaine Giorgia Meloni qui disait : "Moi je crois que Mussolini était un bon politicien. Tout ce qu’il a fait, c’était pour l’Italie".

C’était en 1996, elle avait moins de 20 ans et aujourd’hui qu’elle est à la tête du gouvernement italien, elle a changé son discours. Comme elle doit montrer patte blanche, elle précise n’avoir aucune sympathie pour les régimes antidémocratiques, fascisme compris. Reste que son parti Fratelli d’Italia s’inscrit bel et bien dans un héritage post-fasciste. Car l’Italie compte encore de nombreux admirateurs d’un dictateur qui n’a pourtant amené sur son pays que cinq ans de malheur…

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