Patrimoine

Le Panthéon, qu’est-ce que c’est ?

© Tous droits réservés

Par Johan Rennotte

Joséphine Baker vient de faire son entrée au Panthéon, à Paris. Mais connaissez-vous l’histoire de ce monument emblématique de la capitale française ?

"Aux grands hommes, la patrie reconnaissante"

La facade du Panthéon

À l’origine, le bâtiment construit à partir de 1757 à l’initiative du roi Louis XV était censé être une église monumentale. Dédiée à Sainte-Geneviève, patronne de Paris, la volonté était d’en faire un édifice qui concurrencerait Saint-Pierre de Rome et Saint-Paul de Londres. Et le pari est réussi. Inauguré en 1791, le bâtiment sera, jusqu’à la construction de la tour Eiffel, le plus haut de Paris.

Il s’inspire à la fois des grands ouvrages romains, avec ses colonnades de style antique et son impressionnante coupole, mais aussi des cathédrales gothiques et de leurs arcs-boutants. Son architecte, Soufflot, considéré comme très avant-gardiste pour l’époque, ne verra jamais son ouvrage terminé.

Le dôme vu de l’intérieur
Le dôme vu de l’intérieur © 2016 Chesnot

L’église n’en sera pas longtemps une, car entretemps, la Révolution française est passée par là. Le projet de créer un lieu dédié aux grands hommes du pays, qui auraient porté les valeurs des Lumières, est mis sur pied dès l’inauguration. Ainsi, entre 1791 et 1794, cinq hommes font y sont inhumés : Mirabeau, Voltaire, le marquis de Saint-Fargeau (un homme politique assassiné), Marat et Rousseau.

La tombe de Voltaire au Panthéon
La tombe de Voltaire au Panthéon © 2016 Chesnot
Le Panthéon romain

L’initiative est totalement politique, et sert en quelque sorte à la propagande du régime en place. On prend exemple sur ce qui a été fait à la Basilique de Saint-Denis, dernière demeure de la royauté. Mais c’est surtout du Panthéon de Rome que l’on s’inspire. Celui-ci est un symbole bien plus acceptable qu’une église royale.

Le monument romain est appelé ainsi, car à l’Antiquité il abritait les statues du "panthéon" romain, c’est-à-dire des principales divinités. C’est au 15e siècle que l’on commence à y enterrer des personnes importantes, comme le peintre Raphael. À Paris, on reprendra le rôle de lieu d’inhumation, pas celui de galerie de statues.

Sur le frontispice de l’édifice parisien, on fait graver la phrase "Aux grands hommes, la patrie reconnaissante". On fait ainsi appel à un patriotisme fier et républicain, mais aussi très masculin.

Napoléon fera réhabiliter l’édifice en église, tout en gardant sa fonction de panthéon. L’empereur fera entrer cinq hommes de plus, dont l’explorateur Bougainville. Le bâtiment changera cependant de statut, passant de religieux à laïque, à chaque changement de régime en France.

L'entrée de Victor Hugo au Panthéon, le 1er juin 1885

La troisième République saisira bien l’importance symbolique que peut représenter le Panthéon. Lorsque Victor Hugo décède en 1885, le gouvernement a peur que les funérailles ne se transforment en soulèvement populaire, et décide de prendre les choses en main. Des obsèques nationales ont lieu, et la dépouille est conduite au Panthéon par un cortège funéraire de plusieurs kilomètres de long. Plus d’un million de personnes assistent à son passage.

L’événement marque le pays, et donne définitivement son aura au lieu. Le monument ne servira plus qu’à mettre à l’honneur des grandes personnalités, et sera définitivement laïcisé. Hugo sera bientôt rejoint par Emile Zola ou Jean Jaurès. Puis ce sera au tour de Louis Braille, André Malraux, Alexandre Dumas ou encore du résistant Jean Moulin (même si on n’est pas certain que les cendres soient effectivement les siennes).

Notons que pour être "panthéonisé", il ne faut pas forcément que votre dépouille repose dans le bâtiment. Joséphine Baker, par exemple, repose toujours à Monaco. Ce sont des poignées de terres de sa ville natale Saint-Louis, de Paris, de sa demeure en Dordogne et de Monte-Carlo qui sont dans le cercueil apporté hier. Une tombe vide, autrement dit un "cénotaphe", a donc été installé. Et ce n’est pas le seul. Parfois, la famille accepte les honneurs de la République mais refuse qu’on déplace la dépouille. Dans le cas du marquis de Condorcet, mort durant la Révolution, c'est son corps qui n’a jamais été retrouvé. Une entrée au Panthéon est donc avant tout symbolique et honorifique. Ailleurs dans le monde, d’autres endroits considérés comme des panthéons ne contiennent aucune dépouille.

Et les femmes, dans tout ça ?

Joséphine Baker n’est que la 6e femme à faire son entrée au Panthéon. Le monument des "grands hommes" porte trop bien son nom. La première à y reposer est une inconnue. Sophie Berthelot, scientifique panthéonisée uniquement parce qu’elle fut la femme du chimiste Marcellin Berthelot qui avait expressément demandé à ne pas être séparé de son épouse.

Il faut attendre l’arrivée de Marie Curie, admise avec son mari Pierre en 1995, pour qu’une femme y soit admise pour elle-même. En 2015, elles sont rejointes par les résistantes Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion, puis par Simone Veil en 2018.

Marie Curie
Germaine Tillion
Geneviève Anthonioz-de Gaulle
Simone Veil

Pour 6 femmes, il y a donc 75 hommes. Une différence de traitement qui mettra encore du temps à se résorber.


► À lire aussi : Joséphine Baker au Panthéon : de la ceinture de bananes à la Résistance, portrait d’une femme libre


 
 
 

Et chez nous ?

Réunir les grandes personnalités nationales d’un pays dans un même endroit n’est pas l’apanage de la France. On trouve de tels lieux un peu partout dans le monde : l’abbaye de Westminster à Londres, le mausolée de Lénine sur la Place Rouge de Moscou, ou le cimetière national d’Arlington à Washington D.C.

La basilique de Koekelberg aurait pu être un Panthéon belge

Et en Belgique ? Et bien il n’y a pas vraiment de lieux réservés à nos personnalités. La Basilique de Laeken accueille bien les souverains et membres de la famille royale, mais c’est tout. Au 19e siècle, Léopold II a bien tenté de prendre exemple sur Paris. Le roi voulait bâtir un imposant bâtiment sur les hauteurs de Koekelberg, pour y mettre les grands hommes politiques, les héros de l’indépendance, ou les Belges morts au Congo. Mais son projet ne verra jamais le jour, et en lieu et place du Panthéon belge, c’est la basilique de Koekelberg qui sera construite.

Cependant, un Belge est bien présent dans un panthéon. Une statue du père Damien est en effet présente au sein du Capitole des USA, qui accorde aux États le droit d’y exposer deux statues chacun. Le prêtre a été installé par Hawaii, où il a vécu et est décédé.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous