Lorsque les italiens sont arrivés chez nous, leur cuisine était avant tout composée de légumineuses. Ils avaient leur petit potager pour faire pousser des courgettes, des aubergines, des tomates, ou encore des poivrons. Des légumes inconnus en Belgique après-guerre. Chez nous, c'était patates, rutabaga, pois, haricots et tabac. Rien de bien folichon.
Pendant ce temps là, en Italie, certains produits, promus avec force par une industrie alimentaire très organisée et très au fait des notions de terroir, ont percolé dans l’alimentation locale. Comme la mozzarella, l’huile d’olive, le parmesan, et même le vinaigre balsamique ces 30 dernières années. Le gorgonzola, par exemple, c’est tout sauf artisanal, mais ça fonctionne !
Quand les italiens ont migré en Belgique, ce n’était pas les plus riches. Donc, ils sont arrivés avec un patrimoine culinaire simple. Il y avait beaucoup plus de légumineuses que de pâtes! Les pâtes de blé dur, de qualité napolitaine, n’était pas très accessibles, et en Belgique encore moins. Cela coûte. On n’en produit que dans certaines régions d’Italie, pas partout. Et pour en faire des fraîches, il faut au moins de la farine, produit transformé, qui n'était pas accessible non plus juste après guerre.
Paradoxalement, alors que les Italiens pauvres migrent vers la Belgique, l'Italie connaît un boum économique. Le progrès va considérablement changer la vie des transalpins. Les migrants ont, selon Carlo, sans doute aidé leur famille restée au pays, mais ont, du même coup, été exclus du boum économique qui explosait là-bas.
Le Belge s’est approprié certains plats, notamment de pâtes, mais de manière anecdotique, au regard d'un phénomène qui va prendre de l’ampleur : la "restauration italienne" !
Et ça s’explique: de nombreux italiens émigrés ont abandonné la carrière de mineur ou d’ouvrier dans l’industrie sidérurgique pour se lancer dans la restauration. Ils ont apporté progressivement les goûts et les saveurs méditerranéennes que les belges ont découverts avec ravissement.
Les Belges ont commencé à vouloir cuisiner italien à la maison, mais à leur sauce. C’est-à-dire pas vraiment dans les règles de l’art italien.
Les pâtes par exemple: ici, on ne savait pas ce que c’était cuire les pâtes "al dente". Nous cuisions trop longtemps!
Finir la cuisson des pâtes dans une poêle avec des ingrédients choisis et un peu d’eau de cuisson, ça, ce sont des gestes que l’on commence seulement à appréhender aujourd’hui. 75 ans plus tard.