"Le peuple de Corée du Nord est réveillé", des manifestations organisées par le pouvoir pourraient se retourner contre lui

© Reuters

Les habitants de Pyongyang se sont mobilisés pour dénoncer les "fugitifs" nord-coréens et les réfugiés en Corée du Sud lors de rassemblements dans la capitale nord-coréenne, après que la sœur de Kim Jong Un a annoncé vouloir couper les ponts avec la Corée du Sud suite à la diffusion de tracts anti-régime que des groupes d’exilés ont fait passer par la frontière.

Mais les citoyens qui ont reçu l’ordre de participer à ces manifestations seraient de moins en moins convaincus par la propagande et le soutien forcé au dictateur Kim Jong-un, indiquent plusieurs médias asiatiques dont Radio Free Asia.

Le lancement de tracts et de petits cadeaux par ballon à hélium à travers la zone démilitarisée depuis la Corée du Sud est une tactique courante des opposants au régime Kim et des groupes de défense des droits de l’homme au Sud. Ils contiennent des informations que le gouvernement de Pyongyang cache à ses citoyens, ainsi que des dollars américains ou des clés USB contenant des vidéos interdites en Corée du Nord.

Kim Yo Jong et sa dialectique guerrière

La semaine dernière, la sœur de Kim Jong Un, Kim Yo Jong, une proche confidente de son frère qui, selon certains observateurs, est le prochain membre de la famille régnante, a fait une déclaration au sujet de ces tracts de propagande au journal d’État Rodong Sinmun. C’est l’un des rares cas où les médias d’État nord-coréen ont reconnu l’existence de ces campagnes de distribution de tracts.

La dirigeante a qualifié les anciens nord-coréens qui ont envoyé les tracts depuis le Sud rival de "racaille humaine, qui ne sont rien d’autre que des animaux sauvages ayant trahi leur propre patrie", et de "chiens bâtards qui aboient là où il ne faut pas". Elle a également appelé le gouvernement sud-coréen à empêcher toute nouvelle diffusion de tracts de propagande en Corée du Nord.

Après sa déclaration publique, les autorités de la capitale Pyongyang ont organisé des rassemblements "anti-fugitifs" et ont ordonné à tout le monde d’y participer samedi, selon des sources locales.

Manifestations obligatoires

Un évadé nord-coréen arrivé en Corée du Sud l’année dernière, Han Sun-hee, a déclaré à Radio Free Asia – une radio privée financée par le Congrès des États-Unis – que la manifestation de Pyongyang de samedi est un événement typique de mobilisation forcée. Sur les images diffusées par l'agence Reuters, les manifestants marchent en rangs serrés avec une discipline digne d'un défilé militaire.

"Si les citoyens de Pyongyang ne participent pas à ces événements forcés, ils seront immédiatement soumis à 'l’autocritique' et devront donc participer à l’événement quoi qu’il arrive", a-t-elle déclaré.

L’autocritique, ou saenghwal chonghwa, est un acte quotidien par lequel les citoyens signalent aux autorités tout manquement personnel concernant leur loyauté envers l’État.

"Nous devons toujours participer à ces événements. Pyongyang et tous les quartiers de la ville sont soumis à un système de quotas, donc chaque quartier est tenu de fournir un certain nombre de personnes", a déclaré Han.

La mobilisation forcée consiste généralement à inciter les citoyens à fournir de la main-d’œuvre gratuite pour les projets agricoles ou de construction. Mais ce type de manifestation forcée est payante et le transport est assuré, selon Han.

"Ils ne sont pas obligés de participer à l’organisation, mais ils doivent plutôt assister à tous ces événements. Les [autorités] leur versent 100.000 wons nord-coréens [12,50 dollars américains]. Les gens prennent des bus pour venir. Ils n’ont pas d’autre choix que d’être traînés partout parce qu’ils ne peuvent pas s’en plaindre", a déclaré M. Han.

Un effet inverse que celui attendu

Après le rassemblement, un habitant de Pyongyang qui a demandé à ne pas être nommé pour des raisons de sécurité a déclaré que l’événement s’était retourné contre le pouvoir, aux yeux de nombreuses personnes à Pyongyang car cela a attiré l’attention sur les libertés absentes en Corée du Nord.

"Le fait que les groupes de 'fugitifs' nord-coréens en Corée du Sud envoient fréquemment des tracts de propagande critiquant le régime nord-coréen montre comment la société sud-coréenne garantit la liberté dans leurs activités", a déclaré la source à Radio Free Asia.

"C’est tout à fait évident. Les autorités ont organisé le rassemblement pour que [les manifestants] ne fassent que crier. Ils peuvent dire à l’extérieur "Mort aux transfuges", mais à l’intérieur, tout le monde dit probablement "Si seulement je pouvais aller en Corée du Sud", a ajouté cette source.

Le peuple de Corée du Nord est réveillé

L’habitant interrogé sous le couvert de l’anonymat a critiqué la gestion du gouvernement nord-coréen qui aborderait le problème de l’envoi de ces tracts d’une manière qui n’a fonctionné qu’à des époques antérieures, lorsque le pays était plus isolé des influences extérieures".

"Le peuple de Corée du Nord est réveillé. Les gens savent ce que fait le reste du monde, mais le Comité central [du Parti du travail coréen] ne le sait pas", a ajouté cette source. "Ils ont l’illusion que les gens sont extrêmement loyaux envers la famille Kim, tout comme dans le passé".

Si le peuple de Corée du Nord est bien "réveillé", une démocratisation de la vie politique semble malgré tout toujours loin de l’horizon des plus de 25 millions de Nord-Coréens.

Manifestations organisées par le pouvoir en Corée du Nord

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