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Le plafonnement du prix du gaz va-t-il faire baisser nos factures énergétiques ?

Le plafonnement du prix du gaz va-t-il faire baisser nos factures énergétiques ?. Photo d'illustration.

© Getty Images

Cette semaine, les Européens ont réussi à se mettre d’accord sur un plafonnement du prix du gaz. Un accord historique… un de plus… décroché ce lundi par l’Union européenne. Mais avec quelles conséquences ? Est-ce que cela va vraiment faire baisser nos factures ? Est-ce qu’au contraire cela risque de faire fuir les fournisseurs de gaz et nous conduire vers la pénurie ?

Un accord difficile à conclure

Ce plafonnement des prix du gaz, c’était un peu le serpent de mer de la politique énergétique européenne. On en a beaucoup entendu parler sans vraiment jamais le voir arriver… et pourtant il est là.

Après 9 mois de tergiversations, les 27 ministres de l’énergie sont finalement parvenus à s’entendre. Et c’est tout sourire que Josef Sikela, le ministre tchèque de l’industrie – qui présidait la réunion du Conseil de l’Union européenne – est venu annoncer la nouvelle : "Nous avons fait notre boulot ! Nous avons un accord ! C’est le message le plus important. Une autre mission impossible accomplie et comme dans la série de films, ce dernier épisode était le plus difficile à réaliser", a-t-il déclaré à l’issue de la réunion des ministres de l’énergie.

Josef Sikela, le ministre tchèque de l’industrie, répondant aux questions des journalistes à l’issue d’une réunion des ministres de l’énergie.
Josef Sikela, le ministre tchèque de l’industrie, répondant aux questions des journalistes à l’issue d’une réunion des ministres de l’énergie. © Tous droits réservés

Des mois de débats

Il peut être content du résultat parce qu’il en a fallu des réunions pour aboutir à ce résultat. La présidence tchèque du Conseil a même organisé le plus grand nombre de réunions de ministres dans l’histoire de l’Union. Huit en un semestre. Mais c’est dès le mois de mars, quelques semaines seulement après le début de la guerre en Ukraine que l’Italie ou la Belgique, avaient mis l’idée d’un plafonnement des prix du gaz sur la table pour dompter un marché devenu complètement irrationnel comme le qualifiait alors Alexander de Croo.

Petit à petit, ils ont rassemblé autour d’eux une majorité d’États. Ils ont alors demandé à la Commission européenne de leur faire une proposition. Une fois, deux fois, trois fois… mais à chaque fois, l’exécutif européen traînait les pieds, tergiversait. D’une part parce que l’idée d’aller mettre les doigts dans le marché ne lui plaisait pas trop, ce n’est clairement pas dans son ADN. Et d’autre part, il y a l’Allemagne qui craint par-dessus tout que mettre un prix plafond sur le gaz ne déroute les méthaniers qui livrent leur gaz aux Européens vers des acheteurs moins exigeants.

Pour Berlin, ce plafonnement, c’était le risque de ne plus avoir de gaz du tout et comme le moteur économique allemand tourne au gaz, c’est un risque que Berlin ne voulait pas prendre.

Un risque de pénurie bien encadré

Pour décrocher cet accord, il a donc fallu faire des compromis en plaçant de nombreux garde-fous. Plus question de plafonnement, un vilain mot, mais c’est sur un mécanisme de correction des prix sur lequel les Européens se sont finalement accordés. Et derrière ce vocable, il y a la volonté de mettre plus de souplesse moins de rigidité dans le processus.

De fait, ce mécanisme ne sera activé que si les prix du gaz dépassent les 180 euros par mégawattheure sur le marché de gros du gaz pendant au moins trois jours. Ces derniers temps, le contrat de gros du gaz à un mois (c’est-à-dire pour livraison le mois suivant) s’échange autour de 100 à 130 euros le mégawattheure sur le marché du TTF, l’indice de référence en Europe. En août il s’était envolé jusqu’à 345 euros.

Deuxième condition pour déclencher ce mécanisme de correction des prix : le prix du gaz naturel sur le TTF devra être au moins 35 euros plus cher que le prix du gaz naturel liquéfié (GNL) sur les marchés mondiaux. Le dispositif sera automatiquement débranché si le prix redescend trois jours consécutifs sous 180 euros, si la Commission européenne constate qu’il menace notre approvisionnement en gaz ou si par exemple la consommation de gaz en Europe venait à augmenter brutalement…

Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Au contraire, Eurostat vient de publier les chiffres de notre consommation en gaz. Elle est en baisse de 20% en moyenne dans l’UE depuis le mois d’août, largement au-dessus de l’objectif de 15% que les Européens s’étaient fixés.

Un mécanisme balisé mais qui pourrait ne jamais être enclenché

C’est grâce à toutes ces balises que les réticences de l’Allemagne sont tombées et que l’accord entre les 27 a finalement été obtenu. Cependant les experts qui ont examiné le texte sont sceptiques. "L’impact ultime est très incertain, estime Simone Tagliapetra de l’Institut Bruegel, parce que le mécanisme dépend d’une double contrainte de prix très élevés qui risque de se produire rarement".

Pour Charles Cuvelliez, de l’Ecole Polytechnique de Bruxelles (ULB), "L’accélération de la construction de nombreux terminaux flottants en Europe pour importer le gaz naturel liquéfié va mécaniquement rapprocher le cours du GNL avec celui du marché de gros en Europe. Même si le prix du gaz augmente, l’écart de 35 euros sera plus difficile à atteindre".

Quel impact sur nos factures ?

Les multiples clauses de sauvegarde de ce nouveau mécanisme devraient en principe rassurer les fournisseurs de gaz, mais ce mécanisme de correction du prix va-t-il faire baisser notre facture énergétique ?

Le premier indice vient une nouvelle fois du nom donné à ce principe sur lequel les Européens se sont finalement mis d’accord. "Mécanisme de correction des prix", cela signifie qu’ils sont passés de l’idée de plafonner le prix du gaz (comme demandé par la Belgique) à celle de corriger les écarts de prix du marché. Concrètement, le but aujourd’hui est avant tout de lutter contre la volatilité des marchés, pas de faire baisser les prix durablement.

Pour Charles Cuvelliez, "Le marché européen devrait désormais suivre la tendance du marché mondial et non plus se comporter de façon erratique. Un marché mondial qui obéit à la loi de l’offre et de la demande. Or aujourd’hui, la demande est toujours plus forte, l’offre elle, a plus ou moins atteint ses limites". En clair, le gaz bon marché, c’est fini.

"L’objectif n’est pas de diminuer structurellement les prix, reconnaissait d’ailleurs la ministre fédérale de l’énergie Tinne Van der Straeten, à l’issue de la réunion du Conseil lundi soir, mais plutôt de fonctionner comme l’airbag d’une voiture, de nous protéger en cas d’accident d’envolée exceptionnelle des cours". Un instrument qui cherche donc à éviter les pics extraordinaires de l’été 2022.

"Il n’y aura aucun impact pour les particuliers et très peu pour les industriels, ajoute Thierry Bros, professeur à Sciences Po Paris. Il n’y a pas forcément de lien direct entre le prix du gros et le prix auquel on paie l’électricité ou le gaz".

Le terminal méthanier flottant "Hoegh Esperanza" inauguré le 17 décembre dernier au large de l’Allemagne
Le terminal méthanier flottant "Hoegh Esperanza" inauguré le 17 décembre dernier au large de l’Allemagne © AFP or licensors

Les autres pistes pour faire baisser les prix

Car ce mécanisme n’est pas une baguette magique, juste un instrument de plus qui vient compléter la boîte à outils de l’Union européenne. Une boîte à outils dans lequel se trouve aussi l’achat en commun de gaz. Ce lundi, les 27 ministres de l’énergie se sont une nouvelle fois engagés à y recourir, sur le modèle de ce qui a déjà été fait pour les vaccins contre le Covid. "Cela évitera qu’ils se fassent concurrence pour remplir leur stock comme l’été dernier, explique Charles Cuvelliez, même si jusqu’à présent, ça n’a pas été une grande réussite".

Autre instrument bientôt à disposition des 27 : le découplage du prix du gaz et de celui de l’électricité. Elle sera examinée par les ministres de l’énergie en début d’année prochaine, dès que la Commission aura formulé ses propositions.

Et puis surtout, il y a le développement des énergies renouvelables. La semaine dernière, les Etats membres et le Parlement se sont mis d’accord sur un grand plan d’investissement, REPowerEU. En boostant les investissements dans le solaire ou l’éolien pour se passer du gaz russe, il renforcera l’autonomie énergétique de l’Union européenne et fera baisser nos factures.

La question Déclic

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