Pollution

Le premier cimetière de déchets nucléaires en Finlande

© JONATHAN NACKSTRAND

Par RTBF avec AFP

Dans les tréfonds de la roche finlandaise, les phares de lourdes machines projettent des ombres dans des tunnels angoissants et scintillants de gouttes d’eau, dans ce qui va bientôt devenir un cimetière potentiellement à haut risque.

"Onkalo sera la première installation de stockage de combustible nucléaire usé au monde", explique la géologue Johanna Hansen, coordinatrice de la recherche et du développement chez Onkalo.

L’uranium sera enfoui dans la roche à 400 mètres sous terre

Sur l’île verdoyante d’Olkiluoto dans le golfe de Botnie, au large de la côte ouest de la Finlande (où se trouve déjà le plus grand réacteur nucléaire d’Europe), le projet censé résoudre l’épineux casse-tête du sort des déchets nucléaires touche à sa fin.

A plus de 400 mètres de profondeur, le dépôt d’Onkalo est conçu pour abriter au total 6500 tonnes d’uranium, soit assez pour couvrir la quantité de combustible usé par les cinq réacteurs nucléaires finlandais pendant toute leur durée de vie. Peu carboné, le nucléaire représente une source d’énergie "propre" utile pour aider à contenir le réchauffement climatique.

Le dépôt souterrain de stockage de déchets nucléaire d’Onkalo, le 2 mai 2023, sur l’île d’Olkiluoto, en Finlande.
Le dépôt souterrain de stockage de déchets nucléaire d’Onkalo, le 2 mai 2023, sur l’île d’Olkiluoto, en Finlande. © Jonathan NACKSTRAND

Quelque 400.000 tonnes de combustible usé ont à ce jour été extraites des réacteurs, estime la World Nuclear Association, la plupart stockées dans des entrepôts temporaires.

Le stockage à long terme plombe les projets nucléaires dans le monde.

Selon la solution retenue par Posiva, l’exploitant d’Onkalo, conjointement avec les autorités suédoises, l’uranium usé sera enfermé dans d’épais étuis en cuivre et enfoui dans la roche avant que le tunnel ne soit obturé avec un immense bouchon cunéiforme en acier renforcé.

Les travaux à Onkalo ("creux" en finnois) ont démarré en 2004 et les ultimes essais auront lieu début 2024. "Une fois qu’on sera sûr d’être prêt, on pourra passer à la phase opérationnelle au milieu des années 2020", précise Johanna Hansen.

Le site devra résister à l’évolution climatique

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Les délais considérables (250.000 ans pour les déchets les plus toxiques) nécessaires pour que les radiations retombent à des niveaux sûrs posent des défis de taille. A titre de comparaison, l’Europe, il y a 250.000 ans, était dans une période glaciaire et occupée par des Néandertaliens et des mammouths, l’Homo Sapiens ayant tout juste émergé en Afrique.

Avant que le niveau de radiation des déchets ne redescende à celui de l’uranium dans son état naturel, la physionomie de l’île d’Olkiluoto pourrait donc avoir drastiquement changé. Dans les prochains millénaires, Olkiluoto pourrait faire partie du continent puisque le littoral finlandais s’étend. Ou bien être submergée du fait de l’élévation du niveau de la mer due au changement climatique, selon Posiva. Mais, insiste l’exploitant, les étuis sont conçus pour résister à des changements considérables.

Des experts évoquent un risque de fuite

Certains experts restent cependant dubitatifs. Des chercheurs de l’Ecole polytechnique (KTH) suédoise ont régulièrement mis en doute la sûreté du dispositif, invoquant les risques de corrosion du cuivre qui pourraient entraîner une fuite. "Ce n’est pas une solution, c’est une réduction des risques", dit Jan Haverkamp, spécialiste du nucléaire au sein de l’ONG écologiste Greenpeace. Selon lui, Posiva ne porte "aucune véritable attention" à ce sujet de la rouille du cuivre.

Des peurs balayées par les porteurs du projet.

Pour l’Autorité de sûreté nucléaire finlandaise, Onkalo est conforme aux exigences. Professeure à l’université de la Colombie-Britannique, Allison Macfarlane juge qu’aucun projet n’est "sûr à 100%" mais qu’Onkalo est "certainement la solution qui a été la plus fouillée".

L’autre solution, dit-elle, serait de "laisser indéfiniment les déchets à la surface", une hypothèse beaucoup plus risquée.

Sur des sites soigneusement choisis, les déchets "resteront en sûreté pendant des milliers et des dizaines de milliers d’années", affirme-t-elle. "Je ne pense pas que cela ait beaucoup de sens de se projeter au-delà."

© JONATHAN NACKSTRAND

De quoi relancer le nucléaire ?

Des sites pour d’autres installations potentielles d’enfouissement ont été sélectionnés en Suède, en France et en Suisse. Une décision est aussi attendue sous peu au Canada. "C’est la solution qui fait l’unanimité dans le monde pour le problème des déchets nucléaires", estime Allison Macfarlane. Mais de nombreux projets se heurtent à des oppositions, comme Cigéo à Bure dans l’est de la France.

Le vent a néanmoins tourné en Finlande, selon Mme Hansen. En avril, le réacteur nucléaire de nouvelle génération Olkiluoto 3, le plus puissant d’Europe, est entré en production. Le même mois, un sondage publié par l’association commerciale Finnish Energy a mis en lumière un soutien record pour l’énergie nucléaire dans le pays, avec 68% d’avis favorables.

"La Suède et la Finlande ont démontré que les défis techniques peuvent être surmontés", affirme Allison Macfarlane."Les défis restants sont de nature politique".

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