Tennis

Le procès de Grigor Sargsyan, le "Maestro" qui a truqué 400 matches de tennis, s’ouvre ce vendredi en Belgique

L’ombre des matchs truqués plane toujours sur le tennis.

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Par Jérôme Jordens

Ce vendredi s’ouvre à Audenaerde le procès de Grigor Sargsyan, plus connu sous le nom de "Maestro", un Arménien résidant en Belgique arrêté en juin 2018 à Saint-Gilles par la justice belge et inculpé pour "corruption", "blanchiment d’argent", "appartenance à une organisation criminelle" et "infraction à la législation sur les jeux de hasard".

Ses proches refusent cependant de croire qu’il est à la tête de ce réseau criminel. "Maestro, ça veut dire que Grigor est le patron… C’est des conneries, tout ça", expliquait le père de Grigor Sargsyan au journal L’Equipe en 2019. Selon le procureur, l’homme serait pourtant à la tête d’un des plus grands réseaux internationaux de manipulation de matchs truqués. Sargsyan recrutait également des "mules", des personnes payées pour aller jouer à sa place afin de morceler les sommes misées pour passer sous les radars.

Au moins 1671 comptes chez des opérateurs en Andorre, Arménie, Belgique, Espagne, Italite et Suède ont été utilisés par le réseau. Pour tenter de rester discret, ils paraient de petites mises disséminées sur des grosses cotes. Les gains du réseau se compteraient tout de même en millions d’euros.

C’est suite à un signalement de la société Bingoal que l’enquête avait débuté en Belgique en 2015. La société, spécialisée dans les paris sportifs, s’inquiétait de grosses mises placées sur des matches de seconde zone par des parieurs arméniens.

L’enquête de police a conclu que le réseau a manipulé au minimum 376 matchs entre février 2014 et juin 2018, principalement sur les circuits annexes, les "Futures" et les "Challengers". L’objectif était simple, cibler des joueurs qui gagnent difficilement leur vie en leur proposant entre 400 et 3000 euros pour truquer des matches, en perdant des jeux, des sets, voire des matches. La plupart du temps, la somme était de 400 euros pour perdre un jeu ou un set. Quand les joueurs acceptaient de manipuler un match, ils recevaient une carte SIM pour échanger ensuite via messageries WhatsApp ou Telegram.

181 joueurs sont impliqués. Parmi eux, des Allemands, des Américains, des Belges, des Bulgares, des Français et des Slovaques. Sept joueurs belges sont suspectés d’être impliqués et seront des prévenus dans ce procès : Arthur De Greef (ex 113e mondial), Maxime Authom, Alec Witmeur, Julien Dubail, Arnaud Graisse, Romain Barbosa et Omar Salman. Certains d’entre eux avaient d’ailleurs été suspendus, voire bannis au moment de l’arrestation de Sargsyan. Ils bénéficient évidemment de la présomption d’innocence mais devront venir se défendre devant le tribunal. Le volet belge de l’affaire dont le procès débute ce vendredi concerne 28 prévenus.

En France, le nombre de joueurs suspectés est bien plus élevé, bien qu’il soit impossible de parier sur les tournois Futures et Challenger dans l’Hexagone. 50 joueurs français sont suspectés mais le procès français s’ouvrira plus tard. Quatre joueurs avaient été interpellés en janvier 2019 : Jules Okala, Yannick Thivant, Jerome Inzerillo et Mick Lescure. Ce dernier était passé aux aveux. Il aurait laissé filer une vingtaine de matches contre environ 30 000 euros au total, remis en liquide dans des enveloppes.

Accepter de perdre un match contre une grosse somme d’argent, c’est une pratique qui n’étonne pas les acteurs du circuit secondaire. Dorian Cools, qui faisait partie des 170 meilleurs joueurs français à l’époque, expliquait à France Bleu Auxerre en 2019 que la difficulté à joindre les deux bouts pour les joueurs de ce niveau pouvait pousser certains à accepter de l’argent pour laisser filer un match : "En France, quand on fait un quart de final dans un Future, on gagne 400 euros alors que le tournoi va nous coûter 800 euros. Ce n’est pas rentable. C’est très compliqué de survivre. Je peux donc comprendre des joueurs qui, juste pour vivre, acceptent beaucoup, beaucoup d’argent : 2000 ou 3000 euros sur des paris tout bêtes. On lui dit juste : à 2-1 au premier set, tu perds ton jeu de service et tu gagneras 3000 euros en espèce".

Matchs truqués volontairement, pressions sur les joueurs, manque de revenus sur les circuits annexes, les problèmes sont nombreux et gangrènent les circuits mineurs. La volonté de la justice belge est donc d’agir et de sévir contre la manipulation sportive.

Depuis l’arrestation du Maestro, les alertes concernant les paris suspects ont chuté de 47%. Une baisse conséquente qui montre que le réseau était très actif, mais également que les joueurs ont sans doute pris peur. C’est en tout cas ce que semblent montrer les messages relevés dans le téléphone de Grigor Sargsyan.

Le procès qui s’ouvre ce vendredi à Audenaerde ne traite que du tennis, mais les enquêteurs ont également trouvé des indices de matchs truqués par le même réseau en basket et en volley.

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