Politique

Le projet de réforme de la fiscalité automobile wallonne est-il pertinent du point de vue écologique ?

© Getty Images - nicodemos

Par Jean-François Noulet

Le projet de réforme de la fiscalité automobile, présenté ce lundi par le ministre wallon de la Mobilité, Philipe Henry, prévoit de revoir les montants des taxes de mise en circulation et des taxes de circulation en les faisant varier en fonction du poids des véhicules, de leur puissance et des émissions de CO2. L’un des arguments avancés pour justifier cette réforme est l’argument écologique : limiter les émissions de CO2 en poussant les automobilistes à choisir des véhicules plus propres et fiscalement moins coûteux.

Plus un véhicule sera lourd, plus il émettra de CO2, plus il sera taxé. Cela vaut aussi pour les véhicules électriques les plus gros du marché.

Chez Inter-environnement Wallonie, on estime que la réforme va dans le bon sens, même s’il serait possible d’aller plus loin.

Du point de vue environnemental, "on va dans le bon sens", nous indique Pierre Courbe, chargé de mission en mobilité chez Inter-Environnement. Tenir compte des émissions de CO2, de la masse et de la puissance d’un véhicule pour en fixer sa fiscalité, c’est tenir compte de "critères qui influent sur la pollution des véhicules et la consommation d’énergie", souligne Pierre Courbe, sans oublier l’impact des véhicules sur la sécurité routière.

Cependant, Inter-Environnement apporte une nuance : avec cette réforme, "environ 75% des acheteurs verront leur taxe de mise en circulation baisser", fait remarquer Pierre Courbe. L’expert en mobilité s’est penché sur la fiscalité de 16 véhicules représentatifs du marché européen. Il constate que par rapport aux pays européens qui imposent une taxe à la mise en circulation d’un véhicule, la Belgique connaît des niveaux de taxation "nettement inférieurs à la moyenne". Et de citer l’exemple des Pays-Bas où "les taxes sont souvent de l’ordre de plusieurs milliers d’euros en moyenne, avec une forte progressivité en fonction du CO2".

La Région wallonne pourrait donc taxer encore plus certains véhicules. Cela permettrait "de donner un signal tout à fait clair au moment de l’achat et d’orienter la majorité des citoyens vers des véhicules relativement modestes et peu polluants", estime Pierre Courbe.

Il faut toutefois noter que l’accord de gouvernement wallon prévoit que la future fiscalité automobile ne rapporte pas plus qu’actuellement. C’est le principe de la neutralité budgétaire qui a été retenu.

Taxer davantage les véhicules électriques en fonction de leur poids, cela a du sens ?

Le projet de réforme de la fiscalité automobile wallonne prévoit de favoriser les véhicules électriques. Cependant, il prévoit aussi de pénaliser les véhicules électriques les plus lourds et les plus puissants, puisque ces critères influenceront le niveau de taxation à la hausse. Qu’en penser alors qu’à l’horizon 2035 l’Europe prévoit la disparition des véhicules à moteur thermique au profit de l’électrique ?

Encore une fois, pour l’expert d’Inter-Environnement, cela a du sens. En résumé, il explique que, certes, les véhicules électriques n’émettent pas de CO2. Cependant, il ne faut pas négliger l’impact de la masse de ces véhicules. Construire un véhicule plus lourd demande plus d’énergie. Le mettre en mouvement en demande plus aussi, d’autant plus si le véhicule est puissant.

Taxer plus les véhicules électriques les plus lourds et les plus puissants pourrait donc permettre d’orienter les consommateurs vers des véhicules moins lourds et moins puissants. "Ce qu’on observe actuellement, c’est une dérive du marché automobile vers des véhicules électriques lourds et puissants", fait remarquer Pierre Courbe. "C’est par le haut de gamme que les constructeurs commencent à électrifier", ajoute-t-il.

Une taxation plus forte de ces véhicules peut donc être considérée comme un signal envoyé aux constructeurs pour les inciter à mettre l’accent sur des plus petits véhicules électriques. "La voiture électrique est nécessaire pour décarboner le transport, mais ce n’est pas une condition suffisante. L’autre condition, qui est aussi importante, c’est la condition du downsizing (ndlr : réduire la taille). Il faut des voitures plus légères, moins puissantes et qui correspondent aux besoins réels de mobilité des personnes", souligne Pierre Courbe, d’Inter-Environnement. L’intérêt de la réforme de la fiscalité automobile wallonne serait ainsi de "ramener un peu de raison dans l’acte d’achat et de pouvoir orienter les citoyens vers des véhicules qui correspondent à leurs besoins et qui leur coûtent aussi moins cher en assurances, en entretien et fonctionnement", estime Pierre Courbe.

Il faut toutefois noter que dans l’offre actuelle en véhicules électrique, il est encore difficile de trouver certains types de véhicules quand on cherche à sortir des modèles lourds, puissants et donc plus coûteux.

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