M. Vermeiren, quelle est votre opinion concernant le sauvage d’Ath avec son anneau dans le nez et ses chaînes ?
Moi, personnellement, je le trouve assez agressif. Il existe depuis longtemps, c'est vrai. On n'y faisait plus attention, on trouvait cela normal. Ceci étant, il faut revoir la manière de ne pas heurter vu que la population change aussi. Elle est beaucoup plus cosmopolite. Personnellement, je ne suis pas pour supprimer les monuments et les statues. Auquel cas, on peut remonter jusque très loin dans l’histoire et même démolir les pyramides d’Egypte construites par des esclaves. On peut essayer de comprendre l’histoire, être en désaccord… L’histoire, c’est l’histoire. Mais il faut malgré tout évoluer. Les Africains étaient peu nombreux en Belgique, ils le sont davantage. Leur sensibilité doit être comprise. Le respect doit être mutuel.
L’Unesco a retiré sa reconnaissance à la Ducasse d’Ath. Une commission citoyenne a été mise en place par la ville d’Ath et doit trancher quant à l’avenir du sauvage dans quelques semaines. Qu’en pensez-vous ?
Il faut évoluer. Cela ne sert à rien de heurter les gens par des anneaux dans le nez… A notre époque, cela ne fait pas très sérieux. Qu’il y ait des réflexions et des critiques à ce sujet, cela me paraît logique.
Evoluer, c’est changer. Lorsque les Noirauds ont modifié leur maquillage, le changement a-t-il suscité l’adhésion de tous vos membres ?
Moi qui suis le plus ancien, membre depuis 1954, il y en avait d’autres qui ne comprenaient pas pourquoi on devait absolument changer, que les traditions sont les traditions. A l’époque, nous baignions dans une certaine insouciance, dans beaucoup de domaines d’ailleurs. Nous ne réfléchissions pas à cela. Le but des Noirauds, c’est de récolter de l’argent pour des œuvres au profit de la petite enfance, ce n’est pas de faire de la provocation. En même temps, cela ne sert à rien d’attirer l’animosité des personnes qui nous accueillent, qui veulent bien faire un don. Si on veut continuer à collecter des fonds auprès des clients des restaurants, il ne faut pas heurter les gens. Qui plus est dans une ville comme Bruxelles, de plus en plus cosmopolite. Un peu comme au sein de l’équipe des Diables rouges. Et puis, nous n’avons pas le temps, lors d’une collecte, d’expliquer aux personnes les raisons pour lesquelles nous sommes grimés en noir, que ce n’est pas dirigé contre les personnes de couleur… Le but du grimage est de permettre aux Noirauds, qui sont des bourgeois bénévoles, de passer incognito.
Ceci étant, vous vous faites appeler Noirauds et votre appellation de départ est le Conservatoire africain… Votre création coïncide avec les premières expéditions au Congo. Votre déguisement, avec la collerette, le haut-de-forme et le pantalon bouffant, est censé renvoyer vers l’accoutrement supposé des rois africains…
Même avec mon âge avancé et mon titre de doyen, il m’est difficile de savoir pourquoi les ancêtres de la confrérie se sont peints en noir et se sont appelés 'Noirauds'. A mon sens, il s’agit d’une association avec l’Afrique, le Congo n’ayant été colonisé qu’après. Le costume est une invention de ma famille. Quant au noir, le but n’était pas de se grimer pour ressembler à un noir mais pour les bénévoles de ne pas être reconnu lors de la collecte. Il y a bien longtemps, des essais ont été réalisés avec d’autres couleurs. Cela ne fonctionnait pas. Oui, en effet, nous nous appelions Conservatoire africain puis les Noirauds, pour que cela soit plus simple. Nous étions dans une certaine insouciance, je le répète. Personne ne réfléchissait à cela. Le but était de récolter de l’argent, pas de faire de la provocation. Ce qui, à mon sens, est le cas à la Ducasse d’Ath ou du carnaval d’Alost. Dernière chose à rappeler : il faut savoir que les Noirauds, à une époque, étaient comme de véritables vedettes. Nous étions reçus à la Monnaie, au Cirque royal, devant des milliers de personnes… En rue, nous étions accompagnés par des grandes fanfares… Les Noirauds étaient connus partout.