On n'est pas des pigeons

Le retour du vinyle : mode passagère ou tendance de fond ?

C’est une information qui revient régulièrement, le marché du vinyle aurait explosé. Mais à l’heure du streaming et du tout numérique, on pourrait légitiment rester perplexe devant ce constat… Alors, mythe ou réalité, le retour du disque ?

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Pour moi, le vinyle n’a jamais disparu.

Pour répondre à la question, nous avons interrogé le plus médiatique des disquaires bruxellois, Jean-Claude Doppée, responsable du rayon musique de la Fnac City2. "Pour moi, le vinyle n’a jamais disparu. J’ai toujours eu un cercle d’amis qui collectionnaient les vinyles. Et certains groupes de musique, dans un style plutôt alternatif, refusaient de sortir leur musique en CD. Il y a même un groupe américain, The Mumies, dont le 33 tours s’appelait Fuck C.d.'s ! Ça veut tout dire !"

Le vinyle a toujours été recherché par les DJ, les collectionneurs, les consommateurs avertis qui ne juraient que par le son plus "chaud" du 33 tours. Mais il restait un marché de niche. Son retour s’est fait petit à petit.

Trop vite enterré

Les vieux rachètent les disques qu’ils ont perdus, ou rachètent ceux dont ils rêvaient quand ils étaient jeunes.

Avec l’essor du streaming, on le pensait condamné, comme le CD. Désormais, tous les artistes exigent une version vinyle de leur album. "Avant, pour un album, si je commandais 250 CD, je prenais 15 vinyles. Aujourd’hui, je prends 150 CD d’Adèle pour commencer, et 150 vinyles !" s’étonne Jean-Claude Doppée. A la Fnac, le vinyle représente 30% des ventes de musique actuellement. C’était 19% en 2019, 27% l’an dernier.

"Les vieux rachètent les disques qu’ils ont perdus, ou rachètent ceux dont ils rêvaient quand ils étaient jeunes mais qu’ils n’avaient pas le pognon !" Sourit le disquaire.

Reste à retrouver de quoi les faire tourner. Les platines aussi s’offrent une seconde jeunesse. Les magasins de Hi-fi proposent à nouveau des rayons fournis. Des produits au look vintage, mais à la pointe de la technologie.

Close-Up Of Books In Shelf
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Une autre manière de consommer la musique

Grandes enseignes ou disquaires indépendants posent le même constat. A Namur, le Lido Music est une institution. La boutique traverse les décennies, et les bouleversements de l’industrie musicale. Sa propriétaire, Isabelle Morini, a observé une accélération du phénomène avec la crise sanitaire"Avec le confinement, les gens ont pris le temps de se poser. Un vinyle, ça s’écoute différemment. Il y a le petit rituel qui précède, il faut le poser sur la platine. Ensuite on s’assoit et on l’écoute."

Avec Spotify, il a accès à tout très facilement. Mais avec un vinyle, il aura l’objet, même pour décorer.

Dans la boutique, un jeune couple fouille dans les bacs. " Beaucoup de jeunes reviennent alors que je ne les voyais plus acheter de CD. Les Doors, Nirvana, AC/DC, Led Zeppelin, Queen,… Ils redécouvrent la musique de leurs parents à travers les vinyles." Se réjouit la disquaire namuroise.

Des parents entrent dans le magasin, à la recherche d’un vinyle pour les 17 ans de leur fils. "Avec Spotify, il a accès à tout très facilement. Mais avec un vinyle, il aura l’objet, même pour décorer. Et puis nous avons de quoi l’écouter à la maison." La famille s’est rééquipée, et apprécie. "On prend du plaisir à retourner le disque pour écouter la suite. Il y a l’objet, l’ambiance, et puis sans doute un peu de nostalgie". 

Selon une étude de l’IFPI (la Fédération internationale de l’industrie phonographique) de 2021, "58% des acheteurs de vinyles sont âgés de 25 à 44 ans en moyenne"Les pochettes s’exposent, les disques s’écoutent, réellement. Le son est apprécié, à nouveau.

Et même si les jeunes consomment massivement la musique en streaming, ils choisissent aussi d’acheter, avec parcimonie, les nouveautés de leurs artistes préférés, ceux qu’ils ont vraiment envie de soutenir. La qualité à la quantité.

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Des vinyles plus chers

Parfois, on passe du simple au double !

Alors que le marché repart, les prix s’envolent. "Depuis juillet dernier, les trois majors, Warner, Universal et Sony, ont augmenté les prix. Parfois, on passe du simple au double. Certains disques, je ne les recommande plus. Ça fait mal de vendre un vinyle 40 euros" constate Isabelle Morini. La faute à l’augmentation des matières premières, arguent les intéressées.

Les usines de pressage mettent les bouchées doubles mais les délais s’allongent, souvent au détriment des petits labels, pour alimenter de nouveautés et de rééditions ce marché à nouveau fleurissant.

Ce succès inespéré pourra-t-il compenser la chute du CD ? Le vinyle revient de très très loin. Les avis divergent sur la question, mais Isabelle Morini, elle, veut y croire : le vinyle sauvera les disquaires, rien que ça !

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