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Le rêve Twitch : quand streamer rime avec précarité

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Jouer aux jeux vidéo et en faire son travail, ça en fait rêver plus d’un. A première vue, le métier de streamer est un job facile. On s’assoit sur sa chaise, on allume son PC, on lance le jeu et hop c’est parti. Mais la réalité est différente. Entre le travail en amont et les revenus non fixes, la vie de streamer sur Twitch est une situation souvent précaire.

Récemment, ceux qui font du stream leur métier se sont expliqués sur la charge mentale de leur travail et les conséquences qui s’ensuivent, comme le burn-out. Le streaming garde des effets pervers quand on se lance dedans, comme se couper de vie sociale personnelle ou encore ne pas être certains d’avoir des revenus. Chaque streamer a été confronté une fois à la situation de précarité que ce job peut entraîner.

Faire de sa passion son travail peut vite devenir une prison, en faisant beaucoup d’heures par exemple, au détriment de sa vie. Le live demande beaucoup de travail avant de se construire sa communauté, et surtout de pouvoir en vivre convenablement. Devenir créateur de contenu sur Twitch est égal à ne pas avoir de revenus fixes, ne pas avoir de vacances par peur de perdre de l’argent. En stream, il n’y a pas de congés payés, qui dit repos dit perte d’argent.

Twitch envisagerait de changer son programme partenaire, notamment en réduisant la marge de gain des streamers. Une fuite d’informations soi-disant “organisée” par Twitch, pour prendre la température après ces annonces. Ainsi, de nombreux streamers verraient une perte de chiffre d’affaires, comme depuis la baisse du prix des subs dans la zone euro, qui passe de 3,99 € au lieu de 4,99 € il y a un an.

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Comment marche la rémunération sur Twitch

Sur Twitch, ce sont les spectateurs qui “rémunèrent” le streamer. Il existe plusieurs moyens de rémunération sur la plateforme.

  • Les subs sont des abonnements auquel souscrit le viewer pour soutenir certains streamers.

  • Les pubs qui sont passés sur le stream du créateur.

  • Les bits, une monnaie virtuelle de Twitch qui permet de faire des dons aux streamers.

Pour les subs, une partie est reversée à Twitch et une autre au streamer. Pour ça, il faut remplir certaines conditions, notamment un nombre de subs et de followers. Il existe deux modèles économiques, le 50/50 et 70/30. Pour le premier, 50% vont dans la poche du streamer et le reste dans celle de la plateforme. La seconde permet au streamer d’obtenir 70% de l’argent des subs.

Ce changement de taux de revenus peut changer la vie d’un streamer, notamment en le sortant de la précarité. Comme l’explique DamDamLive lors de sa vidéo annonçant qu’elle est passée à ce modèle en 2019, elle a enfin pu toucher un smic, et donc sortir de la galère dans laquelle elle était.

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De nouvelles mesures pour la rémunération sur Twitch

En 2021, Twitch décide de baisser le prix des subs. Celui-ci passe de 4,99€ à 3,99€. Une mesure prise pour favoriser les viewers à s’abonner, et donc en espérant une augmentation des subs sur les chaînes. Mais un an après, “On a pas vraiment vu la différence” raconte Nensha, streameuse sur la plateforme depuis 2018. “Moi j’ai pas spécialement eu plus de sub. Je sais que ça a impacté pas mal de mes collègues streamers.”

Packam est streamer à temps plein. Il a commencé le stream il y a 6 ans et la baisse du prix des subs ne l’a pas du tout aidé pour vivre du stream. “Avec la baisse des subs j’ai perdu 20% de revenus de mes subs. Du coup, ça c’est ressenti dans la poche et aujourd’hui ça se ressent dans ma prise de décision”. Packam s’est fixé 1 an, jusqu’à juillet 2022, pour décider s’il restait à temps plein en stream.

“Twitch, aujourd’hui, on voit qu’ils veulent mettre en avant les pubs” explique Packam. En effet, la plateforme est une entreprise à perte, notamment par la bande passante qui coûte extrêmement cher. Et la première source de revenu de Twitch est la publicité. Les nouvelles mesures qui ont fuité montrent que la plateforme souhaite encourager les streamers à diffuser plus de pubs. Aujourd’hui, en France, passer de la pub en live n’est pas très rentable pour ceux qui diffusent du contenu.

Ces nouvelles mesures ont l’air d’être en préparation depuis un moment chez Twitch. Packam a fait sa demande de 70/30 en avril 2021. “A l’époque j’avais les critères pour obtenir le 70/30”. On lui avait alors répondu qu’actuellement ce n’était pas possible, et depuis rien n’a changé. Depuis un an, il n’est pas possible de faire de sa demande de 70/30. L’entreprise Twitch n’a pas répondu à notre demande de contact pour obtenir plus d’information à ce sujet.

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Être streamer, ce n’est pas que du rêve

Alors oui, ça peut être cool de jouer aux jeux vidéo pour son travail, on ne va pas se mentir. Mais la plupart du temps, à part si on est un streamer avec des milliers de viewers à chaque live, l’argent n’est pas toujours au rendez-vous. Puis, être streamer ce n’est pas que jouer. C’est aussi de la préparation, de l’administration et de l’animation. Nensha, décrit son boulot comme “un métier de rêve mais qui peut être stressant”. “Il y a énormément de travail qui est fait hors stream” explique-t-elle. “Le viewer est au courant mais il ne prend pas toujours conscience de ça.” Se rajoute au travail des frais supplémentaires, "faut acheter les jeux, les déguisements. T’achètes des choses pour ton contenu, t’as des frais pour faire ton contenu.”

Se lancer sur Twitch peut avoir facilement un effet pervers, comme tout d’abord streamer longtemps aux dépens de sa vie sociale personnelle. “Je faisais des streams des fois de 10 heures, je pouvais même monter des fois jusqu’à 13 heures, 14 heures. En ce moment, je me suis un peu calmée, et c’est pas plus mal pour moi. Je suis mieux dans ma vie. Je préfère avoir des horaires comme de boulot”. Il faut savoir garder une hygiène de vie quand on est streamer. Faire du sport ou encore sortir reste essentiel, mais parfois ces activités sont oubliés. Twitch peut devenir une prison et être angoissant, que ce soit par rapport aux revenus ou encore aux stats. “Je me fixe des horaires, je fais des lives moins long. Je cherche la qualité au lieu de la quantité maintenant" termine Nensha.

Être streamer, c’est aussi percer grâce à un jeu ou habituer sa communauté à un jeu. Nensha avait comme main-game CS : GO, puis a explosé sur la plateforme grâce à GTA RP, obtenant des centaines de viewers. Forcément, quand elle arrête, les viewers partent. Une chute qui peut jouer sur le moral, notamment si on est les yeux rivés sur les statistiques quand on stream. Depuis janvier, Nensha a décidé de ne plus afficher le nombre de viewers, ce qui lui permet d’animer son stress.

Nensha en stream sur sa chaîne Twitch –
Nensha en stream sur sa chaîne Twitch – © Nensha

Revenus non fixes, source de problèmes

“Vivre du stream ça dépend à chaque fois de la générosité des viewers. Dans le métier de streamer, l’argent c’est que des économies. Tu vis de tes économies. C’est-à-dire les mois où tu fais moins et que t’as un loyer à payer, tu dois avoir des économies. Après le mois d’après tu peux faire plus et combler le mois d’avant. Le métier de streamer c’est auto-entrepreneur, tu te gères toi-même” raconte Nensha. Le matériel coûte cher, un bon PC et tous les composants qui suivent sont essentiels. Et ce matos, il est pas éternel, et des pannes peuvent vite arriver. L’importance des économies prend tout son sens.

 

Packam sur Rust, un jeu survival sandbox –
Packam sur Rust, un jeu survival sandbox – © Packam

“Y’a cette phase où si t’as des revenus pas fixes et que t’as des frais, bah c’est embêtant." Il faut pouvoir s’assurer de payer tous les frais auquel on est confronté. "C’est pour ça que je cherche pas spécialement à déménager tout de suite car qui dit déménagement dit frais, appart à payer, les charges, des meubles. Ça a un impact de fou sur la vie. Tu dois faire attention. Moi je vais régulièrement voir mes comptes."

“Le métier de streamer, c’est un métier carrément précaire” déclare Packam. Avec la mise en avant des plus gros streamers francophones, être streamer paraît facile et accessible à tout le monde. “Moi à l’heure actuelle, je suis dans une situation où comme j’ai pas de stabilité financière, toute mon énergie je la dépense à vouloir juste garder la tête hors de l’eau. Ce que j’aurais toujours voulu moi c’est avoir une stabilité financière et une sécurité qui me permette de juste faire des projets. Faire des projets autres que des maths pour essayer de remplir mon assiette. Si j’y arrive je pense que je pourrai faire ça pendant des années, car j’ai plein de projets et plein d’envie mais c’est vraiment dépendant que de faire autre chose que d’essayer de survivre.”

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Il ne faut pas se lancer dans le stream en se disant qu’on va en faire sa vie. Le streaming, c’est avant tout une passion, et en faire son métier demande beaucoup de temps. La dangerosité de ce métier, c’est tout arrêter trop tôt pour se consacrer à temps plein à cet univers, sans que des revenus convenables suivent.

Le stream reste définit par Nensha et Packam comme l’un des meilleurs métiers du monde. Malheureusement, en vivre reste très compliqué, et tout peut basculer du jour au lendemain.

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