L’invasion russe en Ukraine a brusquement réveillé les craintes d’une guerre nucléaire. Dans les pharmacies, les demandes de capsules d’Iode se multiplient, depuis février dernier. Et les dernières menaces, lancées par Vladimir Poutine, sont encore venues accentuer cette peur d’une escalade atomique. Mais le risque de guerre nucléaire est-il réel ? La Russie pourrait-elle vraiment recourir à l’arme atomique sur le sol ukrainien ? Cet épisode de "Déclic – Le Tournant" prend le temps d’évaluer toutes les hypothèses.
Repartons d’abord des mots de Vladimir Poutine lui-même. Lors d’un discours prononcé à la télévision russe le 21 septembre dernier, le maitre du Kremlin précise que " Lorsque l’intégrité territoriale de notre pays est menacée, nous utilisons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple. Ce n’est pas du bluff. Ceux qui essaient de nous faire chanter avec des armes nucléaires doivent savoir que le vent peut tourner dans leur direction. "
Le précédent de la Crimée
Pour Isabelle Mandraud, auteure avec Julien Theron d’un ouvrage intitulé "Poutine, la stratégie du désordre, jusqu’à la guerre", cette rhétorique de Vladimir Poutine est très semblable au message qu’il avait fait passer en 2014, lors de l’invasion de la Crimée. "A l’époque déjà il avait fait savoir aux occidentaux que si on l’empêchait de prendre la Crimée, il n’hésiterait pas à user de l’arme nucléaire."
Réagiter cette menace à ce moment-ci du conflit, au moment de l’annexion de 4 régions ukrainiennes (Zaporijjia, Kherson, Lougansk et Donetsk) c’est donc rappeler au monde "qu’il a un permis de faire la guerre… et d’intervenir dans son pré carré" précise Yannick Quéau, directeur du GRIP, le Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité. D’ailleurs, sur ce point, la Russie n’est pas isolée…. "Si vous regardez les grands conflits dans le monde sur ces 70 dernières années, vous retrouvez presque toujours, à la baguette, des puissances nucléaires puisque l’arme atomique leur donne, dans ce qu’elles estiment être leur pré carré, un permis de faire la guerre".
L’usage d’armes tactiques
Ceci dit, dans le cas présent, le scénario souvent évoqué est celui de l’usage d’armes nucléaires tactiques de faible puissance, pour permettre à l’armée russe de reprendre l’avantage sur un terrain ukrainien où elle est en bien mauvaise posture. Est-ce réellement imaginable ? Ou est-ce de l’ordre de la rhétorique dissuasive ?
Pour Joseph Henrotin, il faut d’abord relativiser l’idée de "faible puissance". "On parle quand même d’armes pouvant être – pour certaines – 6 à 8 fois plus puissantes que celles d’Hiroshima et Nagasaki !" Le rédacteur en chef de la revue " Défense et Sécurité Internationale " analyse la situation : "Certes si on regarde la situation sur le terrain ukrainien, avec une armée russe littéralement éviscérée, avec beaucoup de terrain perdu depuis juillet, on se dit que Vladimir Poutine pourrait être tenté d’utiliser l’arme nucléaire… comme une sorte de super artillerie pour remettre les choses à plat et reprendre l’avantage !".