Décès du Roi Pelé

Le roi Pelé et la politique : entre silence et engagements

© AFP or licensors

Par Christophe Reculez

Pelé est évidemment connu pour son impact sur le football : trois Coupes du Monde (1958, 1962 et 1970), plus jeune buteur de l’histoire de la compétition (17 ans et 239 jours) et une (r)évolution apportée à son sport avec le "o jogo bonito" (le beau jeu) au centre de son football. Mais le roi a aussi, sans doute, été le premier à dépasser le simple cadre de son sport et devenir une icône mondialement connue (même des non-initiés).

Une aura qui poussera le monde politique à s’intéresser à lui, bien que l’inverse ne fût pas toujours vrai.

En effet, son lien avec la politique se traduira d’abord par un grand silence. Durant la période de la dictature brésilienne, débutée en 1965, soit en pleine gloire du génie de la Seleção, il n’aura jamais pris de position claire, ni même émis la moindre critique. Une neutralité qui justifiera toujours par une carrière trop énergivore pour pourvoir s’intéresser à d’autres domaines de la société. Un mutisme qui le poursuivra toute sa vie, certains opposants le considérant comme de la complaisance pour le régime en place.

Après s'être retiré des terrains en 1977, et suite à la fin de la dictature en 1985, de nombreux politiques tenteront d’attirer Pelé au sein des différents gouvernements. Après deux refus, en 1985 auprès du président Tancredo Neves, puis auprès de José Sarney en 1989, la star accepte de rejoindre le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso. Il est nommé ministre des Sports du Brésil (entre 1995 à 1998) devenant le premier homme de couleur à exercer un poste de ministre.

En toute logique, le football brésilien sera son cheval de bataille avec l’objectif de le restructurer en profondeur. Néanmoins, sa volonté de plus de transparence et de voir une ligue brésilienne plus indépendante se heurte à une opposition certaine. A commencer par l’opposition des présidents de clubs - peu enclins à ces changements - et de Ricardo Teixeira, président de la fédération brésilienne (CBF), soutenu par son beau-père João Havelange (alors président de la FIFA).

Néanmoins, à la fin de son expérience ministérielle en 1998, il parviendra à faire passer la " loi Pelé ", sorte d’arrêt Bosman à la brésilienne. Celle-ci offre plus de liberté aux joueurs vis-à-vis de leur club. Une liberté qu’il n’a pas connue lui-même puisqu’il lui fut longtemps impossible de s’engager (malgré les nombreuses offres venues d’Europe) ailleurs qu’au Brésil. En 1961, il fut par exemple décrété officiellement comme "Trésor national" par le Président Janio Quadros. Comme les plus belles œuvres du pays, le joueur ne pouvait plus être " exportable ".

Retiré de la vie politique après cet intermède, le brésilien continuera à donner de temps en temps son avis sur la vie politique et sociétale. Il regrettera entre autres les manifestation anti-coupe du monde dans son pays en 2014. Il s’inquiètera aussi de la crise politique de 2016 (destituant la présidente Dilma Rousseff pour maquillage des comptes publics) en espérant aux enfants brésiliens un pays sans corruption.  

Mais, au-delà de ses engagements ou de ses silences, Edson Arantes do Nascimento se sera aussi montré actif – et sans doute plus dans son élément - dans la politique humanitaire en étant l’ambassadeur de l'ONU à l'Ecologie et l'Environnement (en 1992). Les Nations Unies qui lui avaient déjà décerné le titre de " Citoyen du monde " peu après la fin de sa carrière.

L’UNICEF accueillera aussi la légende en tant qu’ambassadeur de bonne volonté dans le cadre de l'éducation et de la santé des enfants. En 1994, il fut également le premier sportif nommé ambassadeur de l’UNESCO. Il y soutiendra de nombreuses œuvres et manifestations en faveur de l’éducation et la santé des enfants. Avec toujours le football comme moyen de pacification, en mai 2000 à Rome, il organise un match du cœur dont l'objectif est de rapprocher Israéliens et Palestiniens.

Conscient de son aura et de l’importance de son image, le Roi Pelé l’aura donc mis au service des plus fragiles, au Brésil comme ailleurs. 

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