Chroniques Culture

Le saviez-vous : des émeutes antivaccins avaient déjà eu lieu en 1885

Un incident lors de l’épidémie de variole à Montréal. Dessiné par Robert Harris, 1er janvier 1900.

© Wikimédia Commons

Le 23 janvier 2022, environ 50.000 personnes, originaires de plusieurs pays européens, défilaient dans Bruxelles pour protester contre les mesures destinées à endiguer l’épidémie de Covid-19.

Cette journée fait écho à un épisode méconnu en Europe : les émeutes antivaccins de 1885 à Montréal, alors en pleine épidémie de variole.

Surnommée "la petite vérole", la variole est une maladie périodique meurtrière qui se transmet par gouttelettes respiratoires, et provoque des pustules qui, dans 65 à 80% des cas, pouvaient creuser des cicatrices.

En 1796, un vaccin antivariolique est mis au point par le scientifique anglais Edward Jenner. Obligatoire chez les Anglais dès la moitié du XIXe siècle, le vaccin est sérieusement remis en cause à partir des années 1860’s. Ses effets secondaires inquiètent, certains médecins vont jusqu’à dénoncer une "mode de la vaccination".

Parmi les fervents anti-vaccin, on retrouve Joseph Emery-Coderre, président de l’Institut canadien de Montréal en 1853, et Alexander Milton Ross, à l’origine de la Canadian Anti-Vaccination League qui sera fondée en décembre 1885.

Quelques mois plus tôt, en mars 1885, un conducteur de train venu de Chicago, où une épidémie fait rage, arrive à Montréal fiévreux et couvert d’éruptions.

L’individu est alors admis à l’hôpital Hôtel-Dieu, duquel le Bureau de la Santé à Montréal décide de renvoyer les patients semblant non malades chez eux. Grossière erreur, puisque ces gens se trouvent déjà au stade de l’incubation.

C’est ainsi que la variole gagne peu à peu la ville de Montréal où un Comité d’hygiène instaure des mesures sanitaires pour lutter contre la propagation de l’épidémie.

A l’épidémie s’ajoute l’exaspération du conflit entre communautés linguistiques, orchestrée par une presse très en verve. Pour beaucoup vaccinés, les anglophones jugent les francophones de la Ville "sales, ignorants et superstitieux" et, surtout, responsables de la propagation de la maladie.

La colère gronde face aux mesures sanitaires qui font exploser les tensions sociales qui couvaient jusqu’ici. Les agents sanitaires sont attaqués et, dans les quartiers plus pauvres, on refuse de voir ses enfants emmenés et sa maison marquée comme "infectée".

La violence atteint son apogée le 28 septembre 1885, lorsque les cloches de Notre-Dame appellent au groupement de la police pour disperser la foule.

Deux mille émeutiers sillonnent les rues, fracassant sur leur passage les vitres de plusieurs pharmacies qui vendent des vaccins. Un groupe saccage une maison qu’ils pensent être celle du dr. Emmanuel Persillier-Lachapelle, un des artisans de la fondation de la Faculté de médecine de l’Université Laval à Montréal (1879), puis de l’Hôpital Notre-Dame (1880).

Vers l’est de la ville, plusieurs antivaccins tentent de mettre le feu au bureau du Conseil de la santé, jetant les affiches utilisées pour placarder les logements infectés. Vers une heure du matin le 29 septembre, les derniers émeutiers se dispersent.

Le bilan humain

Une quinzaine de jours après les émeutes, le 17 octobre 1885, Montréal atteint son pic de mortalité hebdomadaire, évalué à 303 décès. Ce n’est qu’à la fin de l’année 1885 que le nombre de contaminé.e.s commence à décroître.

Il faudra cependant attendre 1979 pour que l’OMS déclare l’éradication de la maladie qui aura enlevé la vie à 6.000 personnes au Québec, dont 3.000 à Montréal. 13.000 personnes en resteront défigurées.

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