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Le Scan : les hausses de prix sont-elles toutes justifiées ou l’inflation sert-elle de prétexte pour augmenter les bénéfices ?

© RTBF

Par Thomas Dechamps avec Maurizio Sadutto

Avec l’inflation et des montants toujours plus élevés sur vos tickets de caisse, vous vous êtes tous sans doute au moins une fois posé la question : toutes ces hausses sont-elles bien justifiées ? Est-ce que certains n’en profiteraient pas quand même un petit peu ? Questions sensibles que le Scan a voulu tirer au clair, autant que possible.

Des augmentations de prix douteuses

Récemment, le syndicat neutre pour indépendants (en abrégé, SNI) a effectué un sondage auprès de ses membres pour savoir s’ils estimaient que certains de leurs fournisseurs augmentaient leurs prix plus que nécessaire. Et la réponse a été oui à 58%. La majorité des répondants soupçonnent donc un ou plusieurs de leurs fournisseurs de se faire de l’argent sur le dos de l’inflation. Horeca, commerce, alimentaire… Les répondants à ce sondage travaillent dans des secteurs variés. Parmi ceux-ci, nous sommes allés voir Christophe Baudelot, qui travaille dans le bâtiment. Il est gérant de CBair, à Montignies-sur-Sambre. Dans le cadre de son travail, il a de plus en plus l’impression de se faire flouer sur le matériel qu’il achète, du matériel destiné à la construction, et notamment certaines pièces en métal.

Christophe Baudelot, gérant de CBair à Montignies-sur-Sambre.

"On remarque une augmentation facilement de deux, même parfois trois fois sur certaines pièces, alors que si on observe par moments le cours du métal qui a des tendances à la baisse, il n’y a pas de répercussions vraiment significatives et positives sur le prix."

- Même en prenant en compte les coûts de l’énergie, vous ne comprenez pas comment c’est trois fois plus cher en fait ?

"Ben non, effectivement, même avec l’augmentation du coût de l’énergie, ce n’est pas cette quote-part-là qui fait la différence."

Une situation floue qui incite à l’augmentation des marges bénéficiaires

Bien sûr, ce n’est qu’un exemple, et le problème c’est qu’il est souvent très difficile, voire impossible, de prouver que telle ou telle augmentation de prix n’est pas justifiée. Mais et si c’était justement là-dessus que jouaient certaines entreprises ? C’est en tout cas la conclusion à laquelle est arrivée la pourtant très prudente Banque centrale européenne. Dans l’une de ses analyses publiées en mars dernier, elle dit ceci :

La hausse des prix a permis à certaines entreprises d’augmenter leurs marges bénéficiaires, parce qu’il est alors plus difficile de dire si des prix plus élevés sont causés par une augmentation des coûts ou par une augmentation des marges.

Pour mieux comprendre, nous avons rencontré une économiste qui travaille chez ING, l’une des plus importantes banques de Belgique. Elle suit de très près tout ce qui concerne l’inflation et pour Charlotte De Montpellier aussi, pas de doute, il y a bien un lien avec les profits des entreprises.

Charlotte De Montpellier, économiste chez ING.

"Quand on essaye de creuser un peu les sources de l’inflation, qu’est-ce qu’on voit actuellement ? C’est que le contexte inflationniste a permis à certaines entreprises, dans certains secteurs, d’avoir un peu un effet d’aubaine qui leur a permis d’augmenter leurs prix au-delà de la hausse des coûts." affirme-t-elle. "Comme tous les coûts augmentent, elles augmentent leur prix. Elles n’ont pas peur que leurs concurrents n’augmentent pas leur prix. Résultat, dans certaines entreprises, les marges augmentent et donc les profits augmentent."

Une pratique abusive qui ne fait qu’aggraver l’inflation

Une étude sur les 100 plus grosses sociétés européennes, mis à part les secteurs de l’énergie et de la finance, a effectivement montré que leurs marges bénéficiaires, loin de baisser pendant l’inflation comme on aurait pu s’y attendre, ont plutôt augmenté de 25%.

Nous avons estimé que la hausse des marges bénéficiaires des entreprises avait joué un rôle.

Une course au profit qui donc non seulement se sert de l’inflation, mais encore pire, l’alimente et la fait durer. Comme l’a d’ailleurs souligné la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, lors d’une conférence de presse.

Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne.

"Nous avons eu une réunion avec tous les gouverneurs des banques centrales, où nous avons discuté en profondeur de plusieurs sujets, dont l’un était les différents éléments qui alimentent l’inflation. Et nous avons estimé que la hausse des marges bénéficiaires des entreprises avait joué un rôle."

La BCE estime en fait qu’un tiers de l’inflation de l’année dernière pourrait être due à cet effet d’aubaine. Ce qui ne veut pas dire non plus qu’un tiers des hausses étaient injustifiées. D’autre part, celles qui l’étaient ont malgré tout un vrai impact sur notre portefeuille. La bonne nouvelle, c’est que ce type d’effet ne dure normalement jamais bien longtemps. C’est d’ailleurs exactement ce qui s’est passé au niveau belge. En 2022, après avoir atteint un record historique de 45,2% en juin, les taux de marge des entreprises ont rapidement recommencé à baisser, même si elles restent encore maintenant à des niveaux plutôt appréciables…

Séquence JT du 29 mai 2023

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