Face à la crise énergétique, les demandes d’aide n’ont jamais été aussi nombreuses en Belgique. Et cela même parmi les classes sociales qui n’avaient jamais éprouvé de difficultés jusqu’ici. Or, le secteur non marchand peine à leur venir en aide. Touchées, elles-mêmes, par la crise, elles se demandent aujourd’hui comment elles vont pouvoir continuer à fonctionner.
Le monde associatif face à sa précarité
Une angoisse pour tous ces travailleurs dévoués à la cause comme Nathalie Toussaint, animatrice au Gabs, le groupe d’animation de la Basse Sambre : "Jusqu’à présent on a pu offrir un petit cocon de chaleur et de bien-être aux personnes qui en ont le plus besoin, mais la précarité du monde associatif est aussi une question. Des lieux, comme le nôtre, si les conditions continuent à se durcir comme ça, est-ce qu’ils vont pouvoir continuer à rester ouverts aux mêmes conditions, à accueillir tout le monde et à offrir de la chaleur, de la lumière à tout le monde ?"
Une inquiétude partagée par sa directrice, Caroline Debaille : "Rien que pour notre siège social, les perspectives de notre fournisseur d’énergie, sont un surplus de 45.000 euros annuel au niveau de nos charges (gaz et électricité)."
Ce qui est gratuit pourra-t-il rester gratuit ?
Malgré tout, il n’est pas encore question d’imaginer la fin éventuelles des activités : "La question immédiate est plutôt de savoir comment est-ce qu’on va faire pour entrer dans une sobriété énergétique au niveau des travailleurs. Donc on a déjà aujourd’hui une série de recommandations en interne. Mais peut-être que demain, ce sera par rapport au public accueilli. Peut-être que c’est un repas que l’on ne pourra plus offrir ; ou peut-être que le café toute la journée, on ne pourra plus l’offrir."
Ce qui pose, selon Caroline Debaille, "la question du modèle de société que l’on veut. De se demander si l’on pourra rester ouvert et dans quelles conditions on va pouvoir rester ouvert. Et si demain, ce qui est gratuit pourra rester gratuit. Et qui on va pouvoir encore aider. Si demain, le secteur non marchand est amené à devoir se demander comment il va trier ces demandes d’aide et donc qui il va choisir d’aider, qui il ne va plus savoir aider parce qu’on n’a plus les moyens… On est sur un changement de paradigme complet. Un changement qui a déjà commencé à certains égards, mais la crise énergétique ne fait qu’exacerber ce questionnement – là, qui est possible et redouté."
Un désespoir et une colère qui gronde
Cette difficulté à répondre aux appels à l’aide, les travailleurs sociaux de l’association CAFA, à Saint-Gilles, la ressente aussi. Ce service de remédiation de dettes en Région bruxelloise a son propre guichet énergie depuis 2007.
Mais aujourd’hui, avec la crise énergétique, il est débordé de demandes dont celles émanant d’un nouveau public : des ménages avec deux salaires qui doivent aujourd’hui choisir entre se nourrir ou payer sa facture énergétique. Et pour ses travailleurs, comme Louca Licata, c’est d’autant plus difficile qu'"on n’a pas les mesures de protections attendues pour faire face à toute cette ampleur."
Un manque de moyen qui se traduit par de la colère : "La personne quand elle se présente au service, elle vient avec une colère parce qu’elle ne comprend pas la situation. C’est assez nébuleux comme situation. C’est assez compliqué à comprendre. Donc, elle arrive aussi avec une défiance certaine envers les politiques, envers les sociétés qui fournissent l’électricité, etc. Et nous, on doit aussi gérer toute cette colère-là, ce qui n’est pas toujours évident […] Et ce qui est le plus dur aussi, c’est qu’on n’a pas vraiment de solution. Donc on se retrouve devant des personnes un peu désarmés, et ça aussi c’est un peu compliqué à gérer pour les travailleurs sociaux."
La débrouille pour les associations non subsidiées
Apprendre à se débrouiller avec ce que l’on a, c’est que fait Co.Fa.Mon, le collectif des familles monoparentales situé en Région liégeoise et qui vient en aide à ces familles. Ici, cela fait à peu près un an que l’on délivre des colis alimentaires. Ce service, qui était au début "accessoire", est devenu, avec la crise énergétique, une des activités principales du collectif.
"Le nombre des demandes a été multiplié par quatre", nous affirme Marie-Claire Mvumbi, sa responsable. "Cela représente parfois 300 personnes à nourrir. Or, on n’a pas du tout ni l’infrastructure ni les moyens ni la nourriture pour assurer ça."
Faire plus avec moins
Il a donc fallu se réorganiser et imposer des règles "plus drastiques": "Par exemple, maintenant, on ne peut plus s’inscrire qu’une seule fois par mois au colis alimentaires pour pouvoir laisser la place à d’autres personnes. On met aussi beaucoup moins dans les colis alimentaires."
Confronté à l’explosion des demandes, le collectif a également décidé d’arrêter de prendre de nouvelles inscriptions : "Avant on avait un certain équilibre parce que toutes les familles monoparentales qui demandaient à faire partie du collectif n’étaient pas demandeuses de colis alimentaires. On est en situation de mixité sociale, on a des gens qui n’ont pas de problèmes d’argent. Et donc, l’un dans l’autre, cela nous permettait d’aider celles qui avaient des problèmes d’argent. Ici, les nouvelles familles qui arrivent sont toutes des personnes qui subissent l’impact de la crise énergétique, donc on ne sait pas suivre. Donc, on a arrêté."
Une situation difficile à vivre pour ses membres alors que cette initiative vise, à l’origine, à apporter de l’aide et du soutien aux familles monoparentales.
Le reportage complet a été diffusé dans Transversales sur La Première en radio. Reportage que vous pouvez réécouter en tête d'article :