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Le secteur wallon d'aide aux toxicomanes à bout de souffle

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En ce début d’année, la Fedito, la Fédération wallonne des institutions pour toxicomanes, tire la sonnette d’alarme.

Plusieurs centaines de personnes, adultes et jeunes, confrontées à une addiction, risquent bien de ne plus bénéficier d’un accompagnement. En cause, le sous-financement des 26 services ambulatoires assuétudes de Wallonie.

Depuis près de 15 ans, ceux-ci proposent un accompagnement psycho médico-social à des personnes souffrant d’une addiction, qu’il s’agisse de drogues illégales, d’alcool mais aussi de médicaments ou encore de jeu. Mais aujourd’hui, le bon fonctionnement de ces services est mis à mal. En cause, un mode de financement forfaitaire lié à un décret datant de 2009 qui ne répond plus aux besoins actuels. " Actuellement, pour les 26 services ambulatoires wallons, le budget est de 2. 300.000 euros par an et c’est peu quand on sait que ces services accueillent environ 10.000 personnes chaque année, les usagers et leurs proches. Parmi ces 10.000 personnes, beaucoup font l’objet d’un suivi pendant plusieurs années" explique Pascale Hensgens, Coordinatrice de projets au sein de la Fedito.

Ici on est respecté

Parmi ces 26 services ambulatoires, l’asbl Cap Fly, dans le quartier nord de Liège. Ce centre multidisciplinaire accompagne toute personne dépendante à l’héroïne et la cocaïne ou à des substances associées. Parmi les usagers, Eddy 58 ans, dépendant à l’héroïne depuis l’âge de 20 ans. Sous traitement de substitution à la méthadone, il bénéficie de l’accompagnement de Cap Fly depuis près de 30 ans. "Pour moi c’est un soutien, c’est un peu le fil conducteur de ma vie et je n’imagine pas ne plus pouvoir venir ici. Je ne dois plus mentir, on me respecte. J’ai appris à être responsabilisé, à gérer ma consommation parce que je veux une vie normale tout en étant toxicomane".

Eddy fait partie des 260 personnes que l’équipe de Cap Fly a accompagné en 2022. Une équipe composée d’une vingtaine de travailleurs, médecins, intervenants sociaux ou encore, comme Robin Delille, psychologue. "L’idée c’est de les accompagner vers un mieux-être psycho médico-social en essayant de réduire au maximum les facteurs de risque qui pourraient les mener au délitement social. C’est souvent un travail de longue haleine qui est fait d’ornières, de rechutes et l’objectif c’est vraiment de créer un filet de sécurité avec toute notre équipe."

Contrairement à d’autres services ambulatoires en Wallonie, Cap Fly n’est actuellement pas dans l’obligation de se séparer d’un ou plusieurs membres de son personnel. Mais, alors que la demande des usagers augmente, Robin Delille et ses collègues voient une diminution progressive de leur temps de travail. " C’est clair que le budget reste la grande question de cette année encore. Moi, j’ai été appelé en renfort Covid. Je m’occupe pour le moment du suivi de 70 personnes. Si je ne suis pas reconduit l’année prochaine, que vont devenir ces personnes ? La démarche qu’elles font en venant vers nous est déjà tellement compliquée. Beaucoup vont donc rester sur la touche. Et ça va être très compliqué de les réorienter vers d’autres services qui sont de toute façon dans la même situation que nous."

Licenciements en 2023

Avec une année 2022 record en matière d’indexation salariale et une crise énergétique sans précédent, la situation n’est plus tenable. Une première vaque de licenciements est d’ores et déjà annoncé. "Pour 2023, on estime une perte de 10% des travailleurs sur l’ensemble de la Wallonie. Ça veut dire des centaines de personnes qui ne seront plus accompagnées et une fois qu’on ne sait plus les suivre, ces gens se perdent dans la nature. On ne peut plus attendre une prochaine législature pour pouvoir bénéficier d’un nouveau mode de financement" déplore Pascale Hensgens.

Interpellée par la Fedito, la Ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale, annonce une nouvelle enveloppe de 2 millions d’euros spécialement dédiée à ces services ambulatoires. Christie Morreale, avec l’Aviq, entend également mener une réflexion sur une législation qui serait mieux adaptée à la réalité de ces services spécialisés.

 

 

 

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