Patrimoine

Le son va devenir un élément déterminant dans notre relation au monde

La Semaine du son de l’Unesco se déroule jusqu’au 1er février en France.

© Photographie Courtesy of UNESCO

Par AFP

Tandis que la Semaine du son de l’Unesco se déroule jusqu’au 1er février en France, Christian Hugonnet, son fondateur, détaille les nouveaux enjeux du son : omniprésence du son, risque de perte d’ouïe liée aux formats écoutés, nouvel appétit pour l’audio dans un monde surchargé d’images… Ceci est la restitution d’une conversation à retrouver bientôt en podcast.

Vous faites du bruit une question sociale, avec cette phrase forte : "le bruit pour les pauvres, le silence pour les riches…"

"Nous avons travaillé sur une cartographie et à Paris, le prix du mètre carré est presque totalement corrélé au niveau sonore. Avec d’un côté des quartiers silencieux et chers, et de l’autre des rues, des banlieues où le bruit est partout. On observe une relation directe entre le bruit et les conditions sociales."

Y a-t-il plus de bruit qu’avant ?

"La vraie différence, c’est que le bruit est désormais continu. Dans beaucoup de villes, on vit désormais dans ce qu’on appelle un linceul sonore, une sorte de gaine de bruit permanent qui vient tout couvrir, alors qu’à une époque, au début, dans les années 60, on était plus sur des sons forts, mais momentanés. Maintenant, on est sur un continuum qui est lié à la circulation, à la climatisation, au chauffage urbain, et qui nuit à notre concentration. Le bruit finit par nous envahir le cerveau et nous prive de ce qu’il y a de plus important, c’est-à-dire le silence. Des micro-silences indispensables à la réflexion et donc à l’intelligence."

Photo d’une femme cherchant le calme.
Photo d’une femme cherchant le calme. © Getty Images

Soigner le son pour ne pas devenir tous sourds

Il est urgent de décompresser, dites-vous…

"Nous perdons en capacité d’écoute pour deux motifs conjugués : l’omniprésence du bruit et la compression des sons. Aujourd’hui dans l’industrie, on écrase les sons, leur modulation, pour en faire une espèce de galette, qu’on va mettre à différents niveaux pour être toujours au-dessus du bruit ambiant, toujours entendu. On a fait écouter des sons compressés à des cochons d’Inde pendant quatre ou cinq heures, et on s’aperçoit que les cellules ciliées de l’oreille interne, très proches de celles de l’homme, finissent par ne plus travailler. C’est-à-dire qu’on entend moins bien, que l’on perd en nuance."

 

Investir dans un secteur ultra-porteur

L’audio, un secteur qui pèse autant que l’industrie pharmaceutique en France

"Nous avons commandé une étude à un cabinet de conseil et nous sommes arrivés au chiffre inédit de 30 milliards d’euros par an pour l’audio. Presque 2% du PIB, ce qui correspond à peu près au budget de l’armée ou au budget de l’industrie pharmaceutique. L’audio embrasse un spectre très large d’activités.

Cela comprend la construction, l’acoustique du bâtiment, l’isolation, la réglementation thermique qui n’a pas cessé de grandir aussi. Les questions de santé et de prothèses pour accompagner ceux qui sont malentendants de naissance et ceux qui le deviennent avec l’âge. On a fait des progrès spectaculaires et on peut aujourd’hui supprimer totalement la surdité à travers un petit fil qu’on va rentrer dans l’oreille interne.

Nous avons ensuite les industries de production, d’enregistrement, et maintenant le multicanal avec tous les appareils liés. Le quatrième secteur, c’est celui de la relation images et sons, tout l’audiovisuel et le cinéma. Enfin, le dernier secteur, c’est la musique. Et c’est très large."

La voix, une carte d’identité

"Les aiguës, c’est le début de la vie, et ils sont ensuite toujours associés à la jeunesse. Car tout ce qui est petit produit des aigus, avec des fréquences élevées car ces sons sont facilement localisables. On entend très bien les pleurs d’un bébé…

 

Illustration d’une petite fille qui utilise sa voix.
Illustration d’une petite fille qui utilise sa voix. © Getty Images

A l’inverse, les graves se gagnent avec le temps, l’âge. Les cordes vocales deviennent de moins en moins souples. Et symboliquement, le grave est associé à une forme de maturité, de sagesse. On a observé que les femmes politiques ont la voix qui devient plus grave quand elles accèdent au pouvoir…"

"Mais ce qui frappe vraiment dans une voix, c’est son timbre, qui mêle grave et aigu mais aussi, la fréquence, la façon dont on fait respirer les phrases, dont on accentue certaines parties. C’est l’ensemble qui rend chaque personne facilement reconnaissable au téléphone. Et qui donne aussi de nombreuses indications sur l’humeur et la santé… On sait, en écoutant, comment va une personne."

Ecouter le monde pour mieux le voir

"Il y a eu un changement autour de l’audio. Nous avons pris conscience de son importance. Parce que nous avons constaté que les images nous trompaient souvent, que nous sommes las d’un univers visuel saturé. Nous voyons maintenant toute une jeunesse qui s’interroge et se met à écouter des podcasts, à écouter le monde pour mieux le voir, pour se faire une idée du réel. Tout simplement parce qu’il y a dans le sonore un élément de liberté qui n’existe pas dans le visuel. L’image nous guide, le son nous libère. Nous le ressentons d’autant plus que nous vivons une saturation du visuel. Il y a aussi un élément de confiance dans la voix."

 

Le son va probablement devenir ce qu’a été l’image au 20e siècle : un élément déterminant de notre relation au monde."

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