La spoliation d’œuvres d’art par le régime nazi a longtemps été un sujet tabou, surtout au sein du secteur muséal. De nombreux musées européens et nord-américains ont enrichi leurs collections avec des tableaux et sculptures à la provenance douteuse. Une situation à laquelle certains d’entre eux espèrent remédier.
Le Kunsthaus de Zurich en fait partie. L’établissement d’art suisse a récemment annoncé qu’il adoptera une nouvelle stratégie de recherche de provenance pour sa collection. "Notre objectif premier doit toujours être de vérifier de manière professionnelle l’origine de nos œuvres et de rendre possibles des solutions justes et équitables quand il existe des indices étayés que des biens culturels ont été confisqués dans le cadre des persécutions nazies", a expliqué Philipp M. Hildebrand, président de la Zürcher Kunstgesellschaft, dans un communiqué.
Dans cette optique, le Kunsthaus a annoncé qu’il collaborera avec une commission indépendante composée d’experts internationaux pour déterminer si des œuvres peuvent être considérées comme des biens culturels confisqués dans le cadre des persécutions nazies. Le musée a déclaré qu’il soumettra prioritairement sa propre collection à cette nouvelle stratégie en matière de recherche de provenance, ainsi que ses futures acquisitions.
Cet examen approfondi s’intéressera tout particulièrement aux œuvres créées avant 1945 et ayant changé de mains pendant les années où le régime nazi était au pouvoir en Allemagne et d’autres régions européennes (1933-1945). "Nous avons conscience du fait qu’il s’agit d’un processus complexe et de longue haleine: chaque œuvre concernée a sa propre histoire, qui fait d’elle un cas particulier", a souligné M. Hildebrand.
La preuve avec la collection de tableaux d’Emil Bührle. Elle est abritée dans le nouveau bâtiment du Kunsthaus, imaginé par l’architecte vedette britannique David Chipperfield, depuis 2021. À l’époque, le musée zurichois avait promis un "véritable accompagnement didactique" pour mettre en lumière la provenance douteuse et le contexte historique qui entoure cette collection d’art français centrée sur les impressionnistes. Celle-ci a été acquise par Emil Bührle, un fabricant d’armes contesté dont la fortune provient de ventes d’armes à l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Il a également profité de ses liens privilégiés avec le régime hitlérien pour acquérir plusieurs chefs-d’œuvre de la peinture ayant appartenu à des collectionneurs ou des marchands d’art juifs. La présence de ces œuvres d’art sur les murs du Kunsthaus a été qualifiée "d’affront" aux victimes des pillages nazis par un panel indépendant d’historiens, selon le site Swissinfo.