Exposition - Musées

Le sort des œuvres acquises durant la Seconde Guerre mondiale questionne les musées

Le Kunsthaus a déclaré qu’il soumettra prioritairement sa propre collection à cette nouvelle stratégie en matière de recherche de provenance, ainsi que ses futures acquisitions.

Photographie Courtesy of Kunsthaus Zürich ©

Par AFP - Caroline Drzewinski

La spoliation d’œuvres d’art par le régime nazi a longtemps été un sujet tabou, surtout au sein du secteur muséal. De nombreux musées européens et nord-américains ont enrichi leurs collections avec des tableaux et sculptures à la provenance douteuse. Une situation à laquelle certains d’entre eux espèrent remédier.

Le Kunsthaus de Zurich en fait partie. L’établissement d’art suisse a récemment annoncé qu’il adoptera une nouvelle stratégie de recherche de provenance pour sa collection. "Notre objectif premier doit toujours être de vérifier de manière professionnelle l’origine de nos œuvres et de rendre possibles des solutions justes et équitables quand il existe des indices étayés que des biens culturels ont été confisqués dans le cadre des persécutions nazies", a expliqué Philipp M. Hildebrand, président de la Zürcher Kunstgesellschaft, dans un communiqué. 

Dans cette optique, le Kunsthaus a annoncé qu’il collaborera avec une commission indépendante composée d’experts internationaux pour déterminer si des œuvres peuvent être considérées comme des biens culturels confisqués dans le cadre des persécutions nazies. Le musée a déclaré qu’il soumettra prioritairement sa propre collection à cette nouvelle stratégie en matière de recherche de provenance, ainsi que ses futures acquisitions. 

Cet examen approfondi ​​s’intéressera tout particulièrement aux œuvres créées avant 1945 et ayant changé de mains pendant les années où le régime nazi était au pouvoir en Allemagne et d’autres régions européennes (1933-1945). "Nous avons conscience du fait qu’il s’agit d’un processus complexe et de longue haleine: chaque œuvre concernée a sa propre histoire, qui fait d’elle un cas particulier", a souligné M. Hildebrand. 

La preuve avec la collection de tableaux d’Emil Bührle. Elle est abritée dans le nouveau bâtiment du Kunsthaus, imaginé par l’architecte vedette britannique David Chipperfield, depuis 2021. À l’époque, le musée zurichois avait promis un "véritable accompagnement didactique" pour mettre en lumière la provenance douteuse et le contexte historique qui entoure cette collection d’art français centrée sur les impressionnistes. Celle-ci a été acquise par Emil Bührle, un fabricant d’armes contesté dont la fortune provient de ventes d’armes à l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Il a également profité de ses liens privilégiés avec le régime hitlérien pour acquérir plusieurs chefs-d’œuvre de la peinture ayant appartenu à des collectionneurs ou des marchands d’art juifs. La présence de ces œuvres d’art sur les murs du Kunsthaus a été qualifiée "d’affront" aux victimes des pillages nazis par un panel indépendant d’historiens, selon le site Swissinfo

600.000 oeuvres spoliées

Plusieurs musées européens et nord-américains ont entrepris des démarches similaires pour lever le voile quant à la provenance de certaines œuvres en leur possession depuis la Seconde Guerre mondiale. Le Louvre a ainsi annoncé, en janvier 2022, la signature d’un partenariat avec la maison d’enchères Sotheby’s afin de soutenir le plan d’action du musée lié aux recherches de provenance des biens acquis entre 1933 et 1945. Avant cela, le Louvre avait signé des partenariats avec le Mémorial de la Shoah et avec l’Hôtel Drouot pour vérifier l’origine des œuvres entrées dans sa collection pendant cette période.

Aux Etats-Unis, le gouvernement de l’État de New York a adopté, en août 2022, une loi obligeant les musées locaux à afficher à côté des œuvres concernées, un cartel indiquant que ces œuvres ont été volées par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. "Nous devons aux survivants de l’Holocauste, à leurs familles et aux six millions de Juifs qui ont y ont laissé leurs vies, d’honorer leur mémoire et de veiller à ce que les générations futures comprennent les horreurs de l’époque", avait alors expliqué la gouverneure de New York, Kathy Hochul, dans un communiqué. Mais certains spécialistes affirment que peu d’établissements d’art appliquent actuellement cette nouvelle réglementation, d’après The Observer.

On estime que 600.000 œuvres d’art ont été volées durant la Seconde Guerre mondiale, dont quelque 100.000 sont toujours portées disparues.

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