Le SPW communique des données relatives aux inondations de mi-juillet : le barrage d’Eupen était rempli à trois quarts avant les pluies

© Belga

Temps de lecture
Par X.L.

UPDATE: Cet article a été modifié le dimanche 8 août pour préciser les prévisions météo annoncées le lundi: la région visée se trouve en effet au sud du sillon Sambre-et-Meuse, où jusque 150 mm de pluie étaient localement annoncés.


Quel rôle a joué le barrage d’Eupen dans les tragiques inondations dans la vallée de la Vesdre de mi-juillet ? Et en particulier, une autre gestion de ce barrage aurait-elle pu limiter les dégâts, matériels et humains, causés par cette crue historique ?

Plusieurs procédures sont en cours pour répondre à ces questions : une enquête judiciaire a notamment été lancée, alors que deux collectifs citoyens se sont portés partie civile. Un juge d’instruction liégeois est ainsi chargé d’identifier d’éventuels responsables qui pourraient être poursuivis d’homicides involontaires, par défaut de prévoyance ou de précaution. Mais le ministre Philippe Henry a également promis des réponses sur les informations qui étaient en possession du Service public de Wallonie Mobilité et Infrastructures (SPW MI), ainsi qu’un rapport indépendant sur la gestion des voies hydrauliques en Wallonie.

Après un premier communiqué sur le contenu des alertes européennes reçues, le SPW vient de livrer dans un nouveau communiqué publié ce vendredi soir des éléments sur la gestion des barrages, tout en précisant "l’importance de rassembler tous les éléments nécessaires à la compréhension fine des événements". En voici l’essentiel :

  • Une collaboration aux enquêtes : "le travail minutieux de collecte de données, d’analyses et de mises en perspective a débuté immédiatement après les événements" précise le communiqué. "Le SPW MI communiquera le résultat de ce travail aux instances officiellement désignées avec l’objectif de les éclairer de façon factuelle et précise sur la manière dont les ouvrages hydrauliques ont fonctionné et été gérés durant ce phénomène météorologique sans précédent".
  • La gestion des barrages n’est pas le seul facteur : "Si le SPW MI intervient en matière de régulation des niveaux d’eau, les réponses aux questions liées à la gestion des crues de la mi-juillet sont toutefois éminemment complexes et dépassent la seule gestion des ouvrages hydrauliques. Il est important de souligner que les données collectées par le SPW MI ne seront en effet qu’un élément parmi l’ensemble des facteurs et interactions qui devront méticuleusement être reconstitués lors de l’analyse des événements" précise le communiqué.
  • Ce n’est pas la fonction principale du barrage : cela avait été dit à plusieurs reprises : arrêter les crues n’est absolument la fonction première des barrages d’Eupen et de la Gileppe. Le SPW MI le rappelle : leur fonction "est de constituer une réserve d’eau potable, pour alimenter plus de 400.000 personnes en Province de Liège". Le rôle de régulation des cours d’eau et ce, tant en période de crue que de sécheresse, "peut être joué par ces barrages, complémentairement à la constitution de réserves en eau potable".
  • Le barrage d’Eupen était rempli à trois quarts : contrairement à ce qu’avait affirmé le ministre Henry dans de premières interviews à la presse, le barrage d’Eupen n’était pas "à moitié rempli". Selon les données précises communiquées par le SPW, le volume d’eau dans les réserves était avant la crue de 18,15 millions de m3 (sur une capacité maximale de 26,46 millions) pour la Gileppe, et de 19,13 millions (sur une capacité maximale de 24,74 millions) pour le barrage de la Vesdre à Eupen. Ce dernier était donc déjà rempli à plus de trois quarts, et non à moitié.
  • Une capacité suffisante "selon les estimations"? d’après le SPW, cette capacité restait néanmoins suffisante pour absorber "le volume d’eau attendu": "un total de 50 à 100 mm sur l’est de la Belgique du mardi 13 au vendredi 16 juillet". Et le SPW se justifie : cette prévision était "similaire à la crue du 8 et 9 juillet 2014 qui avait été totalement absorbée par le barrage d’Eupen qui avait une réserve comparable à celle de la mi-juillet 2021". Il est vrai que les prévisions météo annonçaient lundi 12 juillet pour les jours à venir "50 à 100mm sur l’Est", mais aussi "des pics locaux de plus de 150 mm" au sud du sillon Sambre-et-Meuse! Signalons d'ailleurs qu’avec les mêmes prévisions, les responsables des barrages gérés par Engie à Bütgenbach et Robertville, dans la même région, ont décidé, eux, de vider préventivement lundi, ce qui a permis à ces ouvrages de joueur pleinement leur rôle de retenues au plus fort des pluies, mercredi et jeudi.
  • Le barrage d’Eupen n’a jamais été "vidé": contrairement à une interprétation assez répandue, on n’a pas "vidé" le réservoir du barrage durant ces inondations. "Le barrage n’a en aucun cas été vidé ; le niveau du lac a été maintenu proche de sa cote maximale au regard de ses paramètres de sécurité", précise le SPW. "Ce barrage a atteint sa capacité maximale le 14 juillet, en fin de soirée alors que 150mm étaient déjà tombés sur le bassin versant du lac. Compte tenu de l’intensité exceptionnelle des précipitations entre 20h et minuit (plus de 60 mm sur un sol déjà gorgé d’eau) et de l’obligation de garantir la sécurité de l’ouvrage, la restitution a donc dû être augmentée sans toutefois dépasser le débit maximum entrant dans le lac. Ce débit maximum entrant est estimé entre 230 et 260 m³/s tandis que le débit maximum restitué était de 193m³/s le 15 juillet vers 2h du matin". Le barrage de la Gileppe, lui, a pu encaisser l’entièreté des précipitations, sans devoir relâcher d’eau.
  • Sans les barrages, l’inondation aurait été encore plus importante ? Le volume d’eau emmagasiné par les deux barrages pendant la crue a été de 13,41 millions de m³, précise le SPW, "soit près de deux fois la capacité totale du lac de Robertville. Les deux barrages ont donc joué un rôle dans la retenue de volumes conséquents d’eau à l’amont de la Vesdre". Les barrages ont donc pu partiellement jouer leur rôle de retenue des crues, même celui d’Eupen. Le hic, c’est que ce dernier a cessé de retenir les eaux de la Vesdre à un très mauvais moment : celui où elle se gonflait à nouveau à cause de pluies abondantes.
  • Les "deux vagues" ressenties à Verviers notamment ne sont pas liées au qu’au barrage d’Eupen : De nombreux témoignages évoquent deux "énormes vagues", voire un "tsunami" qui a déferlé, notamment sur Verviers, la nuit du 14 au 15 juillet. Même s’il est tentant d’y voir l’effet de l’eau relâchée par le barrage d’Eupen, il y a d’autres facteurs qui ont joué, estime le SPW : "Durant la période de crue, le débit de la Vesdre à partir d’Eupen a été fortement influencé par l’écoulement naturel des bassins versants de la Helle et de la Soor et ce, même si ces cours d’eau sont partiellement déviés vers les barrages. La première estimation du pic de la Helle, dans son cours naturel à l’entrée d’Eupen, est de l’ordre de 170 m³/s. Entre Eupen et la confluence avec la Hoëgne à Pepinster, le débit d’autres affluents s’ajoute au débit de la Vesdre en provenance de la Helle et du barrage (soit un total de l’ordre 400 m³/s). La Hoëgne elle-même connaît une crue exceptionnelle, également estimée aux alentours de 400 m³/s. A l’aval de Pepinster jusqu’à Chênée, le débit maximum est alors proche de 800 m³/s. Le dernier record enregistré à cet endroit était de 275 m³/s en septembre 1998".

Ce sont les chiffres et l’interprétation du SPW : ils viennent donc alimenter les réflexions et les enquêtes sur ce qui s’est passé à la mi-juillet en Wallonie.

Reportage du JT du 23 juillet :

Eupen : tests de lâchers d eau au barrage

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous