C’est une question qui revient sans cesse. À l’heure où une quatrième vague se matérialise, où les patients non vaccinés sont nombreux à remplir les lits d’hôpitaux, pourquoi le débat sur l’obligation vaccinale généralisée semble-t-il impossible ? Déclic a voulu y voir clair.
La vaccination, un choix de société
Premier constat : la vaccination est un choix de société. Le fait que les autorités de notre pays aient fait le choix de promouvoir la vaccination, le fait aussi qu’une très large majorité de Belges aient décidé de se faire vacciner induit des conséquences pour tout le monde, y compris pour les non-vaccinés.
En effet, c’est parce qu’une grande majorité des Belges est très bien protégée contre les formes graves de la maladie grâce au vaccin (90 % de protection contre les formes sévères) que l’on a pu relâcher toute une série de mesures de limitation de contacts et que l’on peut se permettre de laisser le virus davantage circuler que l’hiver dernier. Ce faisant, le risque est grand pour les personnes non-vaccinée de rencontrer le virus (devenu entretemps beaucoup plus contagieux en raison de la mutation Delta) et de développer une forme grave de la maladie. Le choix de société en faveur de la vaccination a donc des conséquences pour les vaccinés mais aussi pour les non-vaccinés. Difficile dès lors de considérer le vaccin comme un pur choix individuel.
Des obligations déguisées
Autre caractéristique de notre gestion actuelle de la crise, nous avons déjà des formes d’obligations déguisées de vaccination via le Covid Safe Ticket. Celui qui veut voyager à l’étranger, faire du sport dans des structures collectives ou aller restaurant doit aujourd’hui présenter son " pass sanitaire ". Certes, celui-ci n’impose pas obligatoirement la vaccination mais on n’en est pas très loin puisque l’alternative de présenter un test PCR négatif coûte aujourd’hui jusqu’à 55 euros par test. Fameuse facture pour celui qui veut continuer à pratiquer son sport de manière hebdomadaire.
Dans certains pays, cette coercition via le CST va encore plus loin. En Italie, par exemple, tous les salariés doivent présenter leur pass sanitaire pour se rendre au travail, au risque sinon d’être suspendus et privés de salaires. On n’est plus très loin, de facto, d’une obligation vaccinale pour les travailleurs.
Un vaccin toujours pas complètement validé
Mais pourquoi, alors, les autorités n’ouvrent-elles pas un vrai débat sur la vaccination obligatoire généralisée ? L’une des raisons principales est liée à la jeunesse du vaccin. Même s’il a subit une très large batterie de test avant sa mise sur le marché, même si il a déjà été administré à des milliards de personnes avec des données très rassurantes au niveau des effets secondaires, ce vaccin reste à l’heure qu’il est sous un régime " d’autorisation conditionnelle " de l’Agence Européenne du Médicament.
Dès lors, il est difficile, selon l’avis de plusieurs juristes de le rendre obligatoire à ce stade. Pour le professeur de droit français Philippe Ségur qui publie une longue analyse sur le sujet, ce traitement, à ce stade, doit toujours répondre aux mêmes exigences qu’un traitement expérimental et nécessite dès lors le consentement libre et éclairé du patient.
Une très lourde charge de responsabilité pour les pouvoirs publics
Et plus fondamentalement, derrière cet argument juridique se profile un enjeu de lourde responsabilité. Pour la philosophe Florence Caeymaex (Uliège - présidente du Comité Consultatif de Bioéthique) " obliger la vaccination ferait reposer une charge de responsabilité très lourde sur nos gouvernants qui devraient en quelque sorte assumer seuls ce choix de la vaccination, malgré les quelques incertitudes qui demeurent encore sur les effets à long terme de ce vaccin. Aujourd’hui, cette responsabilité est partagée avec les citoyens qui décident de se faire vacciner ".
Néanmoins, Florence Caeymaex reconnait qu’ouvrir un vrai débat sur l’obligation vaccinale serait sans doute " plus honnête et plus franc " puisque dans les faits il y a un choix clair des autorités pro-vaccination et que l’on met en place de plus en plus de mécanismes pour compliquer la vie des non-vaccinés.
Manque de courage ou pragmatisme ?
Alors y a-t-il un manque de courage politique sur cette question ? C’est possible. Il y a certainement aussi un choix pragmatique. À court terme, c’est plus facile de mettre en place le CST que de construire une vraie obligation vaccinale (surtout avec les réserves juridiques énoncées plus tôt).
D’autant que si une obligation devait être décidée il faudrait encore en assurer l’effectivité : la vérifier, la faire appliquer… ce qui serait aussi un fameux défi pour les autorités. C’est pour toutes ces raisons, probablement, que les seuls pays qui ont jusqu’ici franchi le pas de la vaccination obligatoire sont le Turkménistan, le Tadjikistan et le Vatican.
En attendant, la généralisation d’un pass sanitaire est aussi un fameux choix de société. Un choix qui ne fait pas non plus, jusqu’ici, l’objet de débats démocratiques approfondis.