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Le travail de groupe nous rendrait-il moins bons ?

Tendances Première: Les Tribus

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Le travail de groupe, tant durant les études que dans la vie professionnelle, est généralement loué pour ses effets positifs. La collaboration est nécessaire pour une meilleure productivité et efficacité. Pourtant, cette méthode est loin d’être la panacée. Explications par Jean-Olivier Collinet de Jobyourself.

On se souvient des travaux de groupes impliquant plusieurs personnes, des projets qui accumulent les intervenants et qui ne débouchent que sur une demi-solution. Entre les projets ratés, les réunions d’équipe où l’implication des participants est variable, on est en droit de s’interroger : le travail de groupe nous rendrait-il moins bon ?

L’intelligence collective, un mythe ?

Une étude de 2012 du centre médical de recherche américain Virginia Tech Carillon Research Institute a constaté que dans le contexte du travail collaboratif, le niveau du QI des participants diminuait. Les individus au statut social inférieur aux autres ou s’analysant de cette manière par manque de confiance ou peur de l’échec, n’utilisaient pas la partie du cerveau utile pour la résolution d’un problème.

La conclusion de cette recherche est évidente : les QI des participants à un travail de groupe ne s’additionnent pas. Toutefois, il faut nuancer ce constat qui met à mal le principe souvent valorisé, de l’intelligence collective.

Il faut notamment bien dissocier la notion de groupe, qui diffère d’une équipe ou d’un collectif. Ces derniers termes partagent un but commun, alors qu’un groupe est formé par des personnes réunies à un instant T.

L’effet de groupe déstabilise ainsi les personnes qui éprouvent plus de difficultés à s’exprimer devant les autres. Impossible d’aboutir à la meilleure solution d’un problème puisque tous les membres n’auront pas participé également. Elles se sentent mises à l’écart à cause de leur statut au sein du groupe. Le genre de situation qui arrive face à des managers lors d’une réunion de travail par exemple.

L’intelligence collective n’arrive pas par magie en réunissant diverses personnes. Pourquoi ? A cause entre autres du principe de 'la pensée de groupe', mise en évidence par les études d’Irving Janis en 1972 qui portaient sur la débâcle militaire de la baie des Cochons. En se penchant sur cette défaite américaine, on a remarqué que les personnes qui avaient pris des mauvaises décisions cherchaient absolument un compromis entre elles.

En résumé, par crainte du conflit, certains individus issus d’un groupe n’expriment pas leur opinion. Demander un avis constructif à ces personnes ne modifiera pas l’intelligence collective car elles ne contrediront pas leur manager ou la majorité. En d’autres mots, le conformisme de la pensée de groupe.

Ce comportement n’incite au débat, à la réflexion en groupe, ce qui représente la définition même de l’intelligence collective.

Cette application est alimentée par d’autres facteurs comme la pression liée aux résultats.

© Getty Images

Comment utiliser efficacement l’intelligence collective

Alors quelles solutions peut-on apporter pour aboutir à l’émergence d’une intelligence collective dans un groupe de travail ou dans une réunion ?

Pour Frédérique Chédotel, professeure à l’IAE d’Angers et spécialiste des dynamiques collectives dans la transformation des organisations, interrogée par le média web spécialisé sur le monde du travail Welcome to the Jungle, "il faut déjà tout faire pour éviter le conformisme en mobilisant des participants qui ont fait les mêmes études, qui viennent des mêmes entreprises, qui ont le même profil… bref qui pensent pareil". L’entreprise doit donc impérativement miser sur la diversité et sur un management inclusif, à savoir faire sentir à chaque collaborateur qu’il ou elle se sente libre de livrer son opinion. Pour y parvenir, il est impératif de donner du temps à chacun de réfléchir sur la problématique avant la discussion de groupe. Pour cette chercheuse, le rôle du manageur doit évoluer : "Moins de temps passé à nous évaluer et plus pour aller vers une position de facilitateur ! Un changement de posture difficile à adopter pour beaucoup de managers, car parfois cela entre en contradiction avec les objectifs de la direction, davantage portés sur les chiffres et la productivité".

Utiliser le travail de groupe à bon escient

Par ailleurs, certaines tâches doivent être traitées individuellement. Mais le travail collaboratif doit, toujours d’après Frédérique Chédotel, se former pour répondre à des prises de décisions complexes dans un climat fait d’incertitudes. Un bel exemple ? La multiplicité des initiatives citoyennes lors de la pandémie de covid-19.

Enfin, utiliser avec parcimonie l’intelligence collective ne signifie pas que l’individualisme doit être privilégié au sein d’une entreprise ou lors de travaux de groupes étudiants. "On a besoin d’individus pour faire un collectif et on a besoin du collectif en lui-même. Pour que tout le monde s’y retrouve, il faut reconnaître ce que font les gens individuellement. Chacun de nous a besoin d’être valorisé pour les compétences qu’il amène. Ensuite, avancer ensemble au sein d’un collectif" conclut la professeure de l’IAE d’Angers au média Welcome to the Jungle.

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