Grandeur nature

Le Vercors, un terroir jaloux de sa nature préservée et respectueux de sa biodiversité

Escapade dans le Vercors à la découverte de la ferme du Clos

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Après cinq heures de TGV depuis Bruxelles jusqu’à Valence suivies d’une demi-heure de voiture, l’équipe de Grandeur Nature se pose à Pont-en Royans, une des portes d’entrée du Parc Naturel régional du Vercors. Nous sommes sur le territoire de Saint-Marcellin Vercors Isère. Le village au passé médiéval compte 800 habitants est dominé par les falaises et traversé par les eaux limpides de la rivière qui courent sous les maisons suspendues du XVIe siècle. Il ne manque ni de charme architectural ni d’atouts naturels.

Benjamin Pellet est guide ornithologique et se réjouit de la qualité des eaux de la Bourne : " Elle est exceptionnelle et dès lors, accueille une faune très variée attirée par sa pureté. Le temps où les eaux usées étaient rejetées à Pont-en-Royans dans la rivière est heureusement révolu. Du coup, on peut croiser des représentants de la faune, même dans ce village très fréquenté par les touristes. On a même assisté au retour de la loutre qui avait disparu à cause de la pollution des eaux. "

Au-dessus des maisons suspendues, on découvre le mont Barret qui culmine à 550 mètres, et offre un panorama vertigineux sur le village classé parmi les plus beaux de France. Benjamin braque sa longue-vue vers le sommet : " La présence humaine y est rigoureusement interdite. Les ongulés en ont profité pour s’y fixer. La population de chamois et de bouquetins, les chèvres de montagne y est très importante. Il n’est pas rare de voir des touristes ou des locaux en terrasse, un verre à la main, des jumelles dans l’autre, épier ces animaux que l’on rencontre plutôt à des altitudes plus élevées. "

L’infini à portée de main

En cette fin d’hiver, les journées continuent à s’allonger et avec elles, la luminosité s’intensifie : c’est le signal du début des parades nuptiales. Le simple plongeur, un oiseau typique des rivières, commence à préparer son nid. Plus loin s’ébroue l’élégante bergeronnette des ruisseaux. " En Italie, on l’appelle la lavandière parce qu’en agitant la queue, elle fait songer au geste de ces femmes qui, voici un bon siècle encore, battaient le linge dans les lavoirs. Autre oiseau sédentaire sur les rives de la Bourne, le petit grèbe castagneux a la particularité de changer complétement de couleur – du marron au bordeaux – en période prénuptiale. Le harle bièvre, ce beau canard plongeur amoureux de l’eau douce et transparente est un autre revenant, après des années d’errance. "

On sent chez Benjamin tout le bonheur de l’observateur de la nature, patient et respectueux de la faune comme à la flore. Il partage ces mots du grand naturaliste suisse Robert Hainard : " J’ai l’infini à ma portée, je le vois, je le touche, je m’en nourris et je sais que je ne pourrai jamais l’épuiser et je comprends mon irrépressible révolte lorsque je vois supprimer la nature : on me tue mon infini. "

" Cette phrase reflète les maux de notre époque ", soupire notre guide : " Aujourd’hui, on parle de préserver la nature mais les actes vont à contre-courant : on continue à urbaniser, à bétonner, à déverser les pesticides. Même ici, dans ce territoire pourtant protégé, le monde contemporain grignote petit à petit la Nature. Si vous venez ici, de grâce, restez sur les sentiers pour ne pas stresser les oiseaux et, surtout, ouvrez les yeux : on respecte ce qu’on aime et ce qui est beau. "

Le harle bièvre
le petit grèbe castagneux

Au cœur du village, en bordure des berges de la Bourne, le Musée de l’eau consacre un espace unique de 4000 m2 dédié au enjeux écologiques de l’or bleu, inlassable artisan du massif alpin.

Son directeur, Jean-Christophe Berrux précise : " La sensibilisation à l’environnement qui vient de fêter ses 20 ans est plus que jamais d’actualité. Les plus grands dangers qui menacent l’eau, c’est évidemment la sécheresse mais aussi l’accaparement privatif des sources d’eau par les grandes sociétés. Or, l’accès à l’eau potable est un droit fondamental décrété par l’ONU depuis 2002. Mais le quart de l’humanité, soit deux milliards de personnes n’en bénéficient pas aujourd’hui. "

© Stephanie Carlizza

A quelques encâblures de Pont-en-Royans, en suivant le cours de l’omniprésente Bourne, l’équipe de " Grandeur Nature " a fixé rendez-vous à Nicolas et Virginie, respectivement accompagnateur de montagne et sylvothérapeute. Ils se sont rencontrés via l’association Paléop’Terre.

La montagne ramène l’homme à un peu plus d’humilité

Nicolas est aussi professeur de maths et propose des randonnées… mathématiques. Virginie fait partie de l’association " Arbrorêves " et accompagne les personnes en forêt en leur proposant de se ressourcer. " Et se reconnecter à soi-même, aux autres et à la nature " complète-t-elle. " La montagne nous ramène à plus d’humilité. ". Nicolas explique que grâce à quelques notions de trigonométrie, il est possible de mesurer la hauteur des falaises qui nous font face. Plus philosophiquement, il fait remarquer que la progression sur les pentes en montagne exige un effort : " Cet effort érode une certaine couche de superficialité dans nos relations. Quand on est plusieurs à réaliser l’ascension, on partage l’effort. "

Pour Virginie, l’émerveillement devant la beauté de la nature nous amène à ralentir, à l’aimer, la goûter et à la protéger. Et Nicolas d’ajouter : " Ce qui est intéressant en montagne, c’est qu’on peut percevoir les saisons en se déplaçant. On peut être ici, dans la vallée, au printemps mais là-haut, sur les falaises, en hiver. Cette temporalité n’appartient qu’à la montagne. "

A une poignée de minutes de voiture depuis Pont-en- Royans, au pied des falaises de Presles, c’est un des sites emblématiques de la Région qui s’offre à nos yeux, celui de la Grotte de Choranche, qui attire plus de 110.000 visiteurs par an. Découverte en 1871 par les habitants du village en quête d’eau en cette année de grande sécheresse, elle n’est accessible au public que depuis 1967.

Laurent Garnier, un des propriétaires de la grotte, nous a fait découvrir une de ses particularités : des stalactites fistuleuses. Ces milliers de fines pailles de calcaire, dans les jeux de lumière, offrent à cette cavité souterraine, un spectacle féerique. Les plus longues de ces tiges fragiles mesurent trois mètres. A raison d’une croissance de cinq centimètres par siècle, on ne peut que s’incliner devant la patience et la poésie de la Nature. Un grand lac aux eaux cristallines que les touristes peuvent boire à la sortie de la grotte : " le plateau qui recouvre la grotte ne connaît pas d’activités humaines intensives et est donc exempt de pollution. C’est d’autant plus important que le calcaire ne filtre pas bien les eaux. C’est d’ailleurs un des messages que l’on souhaite faire passer : il faut préserver et protéger cette richesse qu’est l’eau, même si elle semble abondante. "

© Hélène Bernard

Transmettre ces espaces naturels aux générations futures

La grotte abrite quelques étranges habitants : les protées ou salamandres des grottes sont de couleur rose pâle, et leur peau est dépigmentée. Aveugles, ils ressemblent aux vers de terre, sauf que leurs organes internes sont visibles par transparence. Ils peuvent survivre pendant une dizaine d’années sans se nourrir et leur longévité peut dépasser les… 120 ans. Ils appartiennent à une espèce protégée et ne survivent dans les grottes qu’à l’abri de toute pollution, comme celle de Choranche " Nous voulons sensibiliser nos visiteurs à la protection des milieux naturels. Et cela n’a rien de nouveau pour nous. Mon père qui aménagea la grotte avec ses deux amis voici une soixantaine d’années partageait la même volonté : montrer la fragilité et éduquer les gens, en leur faisant prendre conscience de l’importance de la transmission de ces espaces naturels aux générations futures. "

Le Vercors, quand on le découvre, on y reste

En redescendant vers Pont-en-Royans, un étrange assemblage composé de cabanes, de terrasses suspendues, de hamacs et de lits à baldaquins attire tous les regards : c’est la " cabane café ", un lieu insolite conçu sur un espace de 8000 mètres carrés par Gilles. Ce personnage haut en couleur, ex-moniteur de ski, ex-restaurateur sur la Côte d’Azur débarqua ici il y a 16 ans. Et, sous le charme de l’endroit, y est resté. Sur le présentoir de la plus grande des cabanes, s’alignent des dizaines de produits locaux, issus des fermes voisines : hydromel, bières, limonades et vins bios, thés, confitures, truites fumées, terrines, saucissons, pains d’épices, miels que Gilles produit lui-même sur son site, … : les propositions gustatives y sont légion. Il ne vous reste plus qu’à choisir un endroit paisible pour vous sustenter. Débordant d’énergie et d’idées, Gilles a décidé récemment de produire ses propres plantes aromatiques et médicinales et de les transformer en tisanes. Et . En acquérant une bonne partie de ce hameau du Cellier, toujours sur la commune de Choranche, il a rénové avec des artisans locaux, dans le respect du patrimoine, les demeures des anciens vignerons établis ici et les a transformées en six gîtes de charme, avec des spas, un hammam et des bassins de débordement.

Comme Gilles, Jessica et Jérémy, jeunes parents de la petite Juliette, ne sont pas vertacomicoriens de souche. C’est comme cela qu’on appelle les habitants du Vercors. Eux aussi se sont établis dans ce territoire, éblouis par les charmes de sa nature. Un vrai coup de cœur pour Jessica, une enseignante établie jusqu’ici en Gaume qui a suivi son compagnon dans le Vercors : " En juillet 2021, Jérémy m’a proposé de me faire découvrir sa terre d’enfance. Et j’ai été éblouie par deux semaines fabuleuses. On a bivouaqué, entendu les loups, effectué des randonnées. C’était magique. Et au retour en Belgique, on n’a eu de cesse d’éplucher les petites annonces pour y revenir. Et y trouver un emploi. " Ce ne fut même pas nécessaire. Leur maison était riche d’un gîte classé trois étoiles capable d’accueillir six personnes dans un cadre fabuleux. Par les fenêtres du gîte construit en pierres et en bois, on découvre le cirque de Bournillon, sa cascade de Moulin Marquis haute de 400 mètres – la deuxième de France – , son gouffre et son porche, un des plus hauts d’Europe. Une randonnée de 30 minutes permet d’accéder à ce site protégé.

A mi-chemin entre Pont-en-Royans et Choranche, Angélique Doucet nous ouvre la porte de la ferme du Clos, au pied des falaises de Presles : " J’ai changé de vie et troqué mon travail d’assistante de direction en ville pour ce projet d’agrotourisme. Et je ne regrette rien, croyez-moi. J’ai des chèvres, des moutons, des ânes, un cheval, un cochon, des oies, des lapins, des poules : un véritable écosystème où chaque animal permet à la ferme de vivre en équilibre. J’accueille des groupes d’enfants, des visiteurs qui séjournent en chambres paysannes quelques jours à la ferme ou des personnes qui voyagent en camping-cars. Et j’écoule mes produits, mon lait, mon fromage bio, mon huile de noix dans les commerces locaux. "

N’oubliez pas vos bottes : les visiteurs sont invités à participer aux soins des animaux et à la traite des chèvres.

Décidément, le nombre de personnes tombées à ce point en amour du Vercors qu’elles s’y sont établies sont innombrables. Christelle a décidé de s’y installer en hiver pour partager sa passion pour les chiens de traîneau. Musher professionnelle depuis deux ans, elle propose des baptêmes en traîneau avec ses chiens huskies. " Je travaille avec des chiens nordiques que j’ai recueilli pour la plupart, après avoir été victimes de maltraitances ou abandonnés. "

© Stéphanie Carlizza

Les nombreux atouts gastronomiques du terroir

Hervé Bollot, gastronome de formation, passionné par le vin, maître d’hôtel en Alsace et chef sommelier dans un palace londonien, a réalisé son rêve en s’établissant dans sa région de cœur, au pied du Vercors. " C’était le terrain de mes vacances quand j’étais petit. Je voulais y revenir et en même temps créer un produit qui fasse le lien entre le vin et la gastronomie. " Le résultat est bluffant. C’est " La Clandestine ", une vinaigrerie artisanale élaborant des vinaigres bios aux fruits et des balsamiques à base de jus de raisin au goût capiteux et au parfum sensuel. " J’aime les tonneaux, l’ambiance des caves, goûter, assembler, assister au vieillissement du produit, choisir le type de bois dans lequel il va s’épanouir ". Un véritable travail de physicien alchimiste consistant à faire macérer, à stabiliser, aromatiser et développer le divin nectar. Le balsamique a besoin de temps pour peaufiner ses atouts et sa complexité aromatique, passant par des fûts de taille et de bois différents. " Comptez dix ans pour obtenir un beau produit. "

© Stéphanie Carlizza

Les activités de pleine nature sont innombrables dans ce coin du Dauphiné. Mais on y rencontre aussi de nombreux habitants qui, comme Hervé Bollot, y ont lancé leur propre entreprise. C’est le cas de Sylvain Gimenez qui vient de lancer sa microbrasserie à Saint-André-en-Royans. Celle de Tarz, du nom du ruisseau qui traverse la commune a trouvé refuge dans l’ancienne auberge du village exploitée par le père de Sylvain. " J’essaie au maximum de faire appel aux produits locaux, comme le malt bio et l’orge. Et je privilégie la réutilisation, en faisant consigner mes bouteilles via une entreprise voisine qui porte bien son nom " Ma bouteille s’appelle reviens " ".

A la ferme Michallet, dans le village tout proche de Cognin-les-Georges, on poursuit la tradition familiale. Devant la table recouverte de noix, Joseph est en train de monder, de les décortiquer une à une, d’en enlever les coques. Un travail monacal qui s’effectue d’octobre à mars. Les enfants de Joseph exploitent aujourd’hui 60 hectares de noyers, 6000 noyers environ, en agriculture biologique. A ses côtés, sa fille, Laurence Chavance a pris le relais et est devenue nucicultrice, une productrice de la fameuse noix AOP de Grenoble. Après avoir décortiqué les noix, on trie les cerneaux par couleur : ce sont les plus foncés qui vont produire l’huile de noix. Les plus clairs sont vendus en boulangerie et auprès des restaurateurs. La noix n’est pas seulement un aliment, il sert aussi à fabriquer du savon et des cosmétiques. Même la coque est utilisée pour se chauffer. Et le brou qui entoure la noix verte est utilisée pour teinter les meubles. " C’est un produit miraculeux qui se décline de mille manières et est très riche en oméga 3. Manger trois noix par jour est excellent pour la santé. La culture de la noix est souvent une affaire de famille. Les exploitations se transmettent de génération en génération. Et c’est une vraie fierté de travailler sur ces terres transmises par les anciens. " explique Laurence qui ne cache pas son amour des noyers.

Avec la raviole du Dauphiné et le fromage de Saint-Marcellin, la noix de Grenoble est un des produits phares de ce terroir féru de gastronomie.

© Stéphanie Callizza

Une destination accessible depuis Bruxelles-Midi avec le TGV Inoui.

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