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Le verdict du vol MH17 : un moment clé dans le conflit ukrainien ?

Les enquêteurs sont parvenus à reconstituer l’avant de l’appareil, avec des fragments retrouvés autour du site du crash.

© Belga

La justice néerlandaise doit se prononcer ce jeudi dans le procès des quatre suspects accusés d’avoir abattu le vol MH17 de Malaysia Airlines en 2014. Après un procès long de deux ans et demi, la cour va donc rendre sa décision, à partir de 13h30.

Le vol Malaysia Airlines MH17 reliait Amsterdam et Kuala Lumpur le 17 juillet 2014, lorsqu’il a été percuté par un missile alors qu’il survolait la région de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine. Au total, 298 passagers et membres d’équipage ont perdu la vie dans le crash.

Les équipes d’investigation sont parvenues à reconstituer la partie avant de l’appareil, avec près de 800 fragments retrouvés sur le site. En 2018, les enquêteurs ont identifié le projectile comme étant un missile de fabrication russe BUK, provenant de la 53ème brigade antiaérienne, située dans le sud-ouest de la Russie. Selon le rapport, le missile a bien été tiré depuis le Donbass, théâtre d’affrontements à l’époque entre forces ukrainiennes et rebelles séparatistes, soutenus par Moscou.

La justice est juste quand toutes les preuves ont été rassemblées et examinées par des juges indépendants. Et que le verdict est clair

Les procureurs ont donc réclamé en décembre 2021 la perpétuité pour les quatre hommes accusés, estimant qu’ils ont joué un rôle prépondérant dans la sécurisation du système de missiles BUK, "probablement destiné à abattre une avion de guerre ukrainien". Ils n’auraient suivi, selon la cour, que leurs propres intérêts militaires.

Le verdict des juges pourrait être d’une importance hautement symbolique quant à l’implication de la Russie.
Le verdict des juges pourrait être d’une importance hautement symbolique quant à l’implication de la Russie. © Belga

Quatre suspects

Trois des accusés sont russes : Igor Kirkin, Sergueï Dubinski et Oleg Pulatov. Le quatrième, Leonid Kharchenko, un Ukrainien, était chef d’un bataillon séparatiste au moment des faits. Ils ont tous refusé de comparaître au procès et ont été jugé in abstentia. Seul Pulatov était représenté juridiquement.

Les suspects n’ont pas été extradés de Russie, où ils sont présumément en train de se cacher, sous la protection du Kremlin. S’ils sont effectivement condamnés, il est toutefois peu probable qu’ils soient un jour emprisonnés.

Selon l’avocate Sabine ten Doesschate, qui représente Oleg Poulatov, les procureurs n’ont pourtant pas pu prouver leurs théories, basées majoritairement sur des conversations électroniques : "L’accusation n’a pas réussi à prouver à partir de conversations sur écoute, d’images et de déclarations de témoins qu’il s’agissait du missile qui a abattu le MH17". Elle a donc plaidé l’acquittement de son client.

Quel rôle pour la Russie ?

La Russie a régulièrement nié toute implication dans le crash du MH17 et réfuté, à plusieurs reprises, les découvertes des enquêteurs sur le fait que le missile aurait été lancé de la base militaire russe de Kursk. Ils démentent également que le gouvernement russe soutenait à l’époque les rebelles en Ukraine, qui combattaient les forces gouvernementales.

L’enjeu du verdict est donc hautement symbolique puisqu’il s’agit tout simplement de la première fois qu’un tribunal pourrait officiellement juger le rôle de la Russie dans le conflit ukrainien, depuis l’invasion de la Crimée en 2014. Si l’implication russe est formellement démontrée, cela pourrait impacter d’autres affaires judiciaires, y compris auprès de la Cour internationale de justice.

"Au niveau politique surtout la Russie pourrait être impactée", explique Michel Liegeois, président de l’Institut de sciences politiques Louvain-Europe à l’UCLouvain. "Même après de nombreuses années, une condamnation ne ferait qu’accentuer la pression sur la Russie et son dirigeant en particulier. Vladimir Poutine pourrait se retrouver fragilisé".

Le combat de la famille des victimes

Les familles endeuillées vont venir des quatre coins de la planète pour assister au verdict final du procès. Car parmi les passagers, on compte notamment 193 Néerlandais, 43 Malaisiens, 38 Australiens, 12 Indonésiens, 10 Britanniques, ainsi que des passagers provenant d’Allemagne ou des Philippines. Six Belges font également partie des victimes.

Les restes du vol MH17, retrouvés dans la région du Donbass.
Les restes du vol MH17, retrouvés dans la région du Donbass. © Belga

"La justice est juste quand toutes les preuves ont été rassemblées et examinées par des juges indépendants. Et que le verdict est clair", témoigne à ABC News Jon O’Brien, père d’une des victimes dans le crash. "La dimension juridique est importante", abonde Michel Liegeois. "Cela peut ouvrir la porte à beaucoup de choses, y compris à une responsabilité civile de la Russie et donc à des dédommagements financiers, envers la compagnie aérienne et surtout envers les familles des victimes".

Déterminer l’implication russe est d’ailleurs un enjeu primordial pour les parties civiles, représentées par Piet Ploeg : "Un Etat qui facilite des meurtres de masse ne peut pas s’en tirer. L’implication de la Russie est très importante pour nous".

L’implication de la Russie est très importante pour nous

Dans le parc du Vijhuizen, situé à quelques kilomètres de l’aéroport d’Amsterdam-Schipol, un mémorial aux victimes a été inauguré. Le parc est composé de 298 arbres, représentant les 298 victimes, ainsi que des tournesols, cultivés à partir de graines provenant d’Ukraine.

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