Le yéti : savez-vous qui est vraiment l'abominable homme des neiges ?

Du monstre du Loch Ness au yéti: sur la piste des créatures mystérieuses

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Par Franck Istasse
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En 1957, une expédition hors du commun est mise sur pied par Tom Slick, un milliardaire texan dans les coins les plus reculés des montagnes de l’Himalaya au Népal. L’objectif est des ramener des preuves concrètes de l’existence de l’abominable homme des neiges. Peter Byrne, sous-chef de l’expédition, consigne dans ses notes, de nombreux témoignages des habitants de la région qui auraient vu cet être fantastique. En voici un parmi tant d’autres :

 

" C’est un paysan sherpa qui l’a vu pour la première fois, au bord d’une rivière la nuit. L’homme aperçut une empreinte de pas humide sur un rocher. En abaissant sa torche pour l’examiner, il vit un Homme-des-neiges accroupi de l’autre côté du ruisseau, à 20 mètres. Le sherpa fut terrifié car ces histoires de yéti dans ces villages de montagnes abondent en détails sur la vigueur de cette créature et son habitude de tuer et de mutiler les hommes. Il poussa un cri de terreur. La Bête se redressa lentement sur ses deux jambes et s’éloigna lourdement, sans hâte… "

 

Il est difficile aujourd’hui d’imaginer à quel point le yéti, plus connu chez nous sous le nom d’abominable homme des neiges, était une star médiatique dans les années 50.

C’est la période des grandes expéditions qui tentent à l’époque de gravir les sommets de l’Himalaya. Et lors de ces expéditions, les alpinistes entendaient les populations locales, raconter des histoires concernant une créature bipède, effrayante et poilue : le yéti.

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Pourtant, les témoignages concernant cet abominable homme des neiges, étaient déjà nombreux, bien avant le 20ème siècle, comme nous l’explique Benoit Grison, biologiste, sociologue des sciences auteur du livre " Du yéti au Calmar géant : le bestiaire énigmatique de la cryptozoologie. "

 

" La première fois qu’un occidental parle du yéti, c’est 1832, donc ça remonte quand même. C’est Brian Huxon, qui était au Bhoutan et au Népal, un fonctionnaire du corps diplomatique anglais. Il avait deux passions : la faune de l’Himalaya et l’ethnologie.

Et dans ses descriptions de la faune en oiseaux et mammifères de l’Himalaya, il inclut un singe qui ressemblerait à un grand orang-outang hypothétique, car certains de ses informateurs lui ont dit l’avoir observé. Il reste sceptique : la description fait penser à un orang-outang mais il ne comprend pas pourquoi cet animal terrifie à ce point ceux qui l’auraient observé.

Après le yéti refera parler de lui lors des premières ascensions de l’Everest dans les années 20 mais on s’est aussi aperçu que le yéti, est une croyance himalayenne très ancienne. "

 

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Les premiers alpinistes qui entendent parler du yéti sont perplexes : s’agit-il d’une croyance ancestrale ou bien d’un animal inconnu ? Le fait qu’il serait bipède et ressemblerait à une sorte d’homme-singe excite les imaginations. Et ce qui va rendre le dossier du yéti encore plus intriguant, ce sont les pistes d’empreintes qu’il laisse derrière lui. Pour Benoit Grison, c’est une de ces fameuses pistes qui va enflammer l’imagination des européens dans les années 20.

 

" En 1921, Howard Bury, alpiniste émérite qui participe à l’expédition britannique de reconnaissance de l’Everest, observe des empreintes ambigües. Aujourd’hui, on pense qu’il s’agissait d’empreintes d’ours ou de loups déformées par la neige.

Mais à l’époque, il est intrigué par ce qu’il voit et montrent ces empreintes à ces sherpas qui lui disent qu’il s’agit des traces du metoh-kangmi. Ce qu’on pourrait traduire par ‘Homme sauvage qui vit dans la neige’. Bury transmet le compte-rendu de son expédition à un journal appelé le Calcuta Statesman, et là, un journaliste trouve la formule trop plate et la remplace par ‘Abominable homme des neiges ‘ plus vendeuse. "

 

La formule va faire mouche ! Elle est adoptée directement par les médias du monde entier. Mais elle est pourtant fausse : si cet animal inconnu existe encore dans les sommets de l’Himalaya, il s’agirait sans doute d’un grand singe anthropoïde et certainement pas d’un homme sauvage. Mais le mal est fait, dorénavant on ne parlera plus que de " L’abominable homme des neiges " et de nombreuses expéditions vont être mises sur pied afin de découvrir le fameux " chaînon manquant " qui terrorise les népalais.

En 1951, Howard Shipton, alpiniste célèbre, photographie des empreintes de yéti qui feront le tour du monde. Impossible cette fois de les attribuer à un ours ou un loup. Cette " preuve " va convaincre énormément de chercheurs de l’existence du yéti. Pourtant, aujourd’hui, certains émettent des doutes sur la véracité de ces traces qui semblent montrer un grand pied d’origine inconnue. Il est vrai que Shipton était connu pour faire de nombreux canulars. Peut-être a-t-il lui-même " trafiqué " une empreinte d’ours pour qu’elle ressemble à celle d’un être bipède inconnu.

© Agence-Martienne-Musee de zoologie Lausanne

Au-delà de quelques pistes intrigantes, et de témoignages surprenants, il n’existe pas de preuves matérielles de l’existence de l’abominable homme des neiges.

Dans une de ses expéditions, sir Edmund Hilary, le vainqueur de l’Everest, a ramené d’un monastère tibétain ce qu’il croyait être un scalp de yéti. Mais après analyse, il est apparu que ce scalp était un artefact fabriqué avec des poils de chèvres.

On dispose bien de quelques poils et quelques matières fécales attribués au yéti, mais à y regarder de plus près, ces supposés échantillons d’hommes des neiges n’appartiendraient pas à un grand singe inconnu… Les dernières analyses démontreraient qu’on serait plutôt face à une sorte d’ours… Et cette dernière hypothèse pourrait bien expliquer certains témoignages selon Benoit Grison.

 

" Alors les gens qui disent que le yéti est un ours himalayen ont-ils raison ? A un certain niveau oui : il y a certainement énormément de confusions avec l’ours. La Plupart des poils qui ont été attribués au yéti étaient des poils d’ours. La plupart des empreintes qui ont été attribuées au yéti étaient des empreintes d’ours.

Il y a une variété d’ours au Tibet qui est extrêmement agressive : l’ursus arctos pruinosus Ii s’attaque au bétail et il est redouté par les populations de l’Est du Tibet, qui voient en lui un véritable croque-mitaine. C’est certain qu’il a clairement alimenté le mythe du yéti. Mais par contre, au Népal et au Bhoutan, on vous décrit une sorte d’Orang-outang terrestre. Et c’est dans ces régions-là qu’on a trouvé des séries d’empreintes crédibles qu’on ne peut pas identifier.   "

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Et c’est dans ces régions-là que les témoignages sont pour le moins déconcertants. Comme celui de cette jeune fille, qui aurait été attaquée par un yéti dans les années 70, alors qu’elle gardait un troupeau de yacks.

 

" Un yéti est arrivé et m’a attaquée. Il m’a jetée dans la rivière. Sa face était très sombre, il ressemblait à un très vieil homme. J’ai été inconsciente pendant quelques heures et quand je me suis réveillée, j’ai vu que le yéti avait tué des yacks et des vaches. "

 

De nos jours, pour certains chercheurs, ça ne fait plus aucun doute : le yéti existe bien, mais on se méprend sur ce qu’il est réellement depuis le début, nous sommes en fait face à un " abominable ours des neiges ". Mais d’autres sont plus optimistes et pensent qu’il est encore possible de découvrir dans les lointaines montagnes de l’Himalaya un grand singe anthropoïde inconnu… C’est le point de vue du biologiste Benoit Grison, même s’il émet certaines réserves.

 

 Pour conclure sur le yéti, je dirais que je suis d’un optimisme relatif. Une partie des témoignages dans la region du Népal et du Bhoutan pourrait s’expliquer par la présence d’un orang-outang relique, mais existe-t-il encore ? A la vitesse où se fait la déforestation de ces zones himalayennes, on peut être perplexe. Et c’est bien dommage, mais il se peut qu’on n’ait jamais le fin mot de cette histoire de yéti.

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