Et Dieu dans tout ça?

L’écrivain naturaliste Jacques Tassin nous invite à écouter "les voix du monde"

Et dieu dans tout ça ?

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Par Simon Brunfaut & Africa Gordillo via

Dans son dernier essai "Écoute les voix du monde", l’écologue Jacques Tassin nous encourage à écouter "les voix du monde" en partant du constat que nous ne savons plus écouter le chant du monde qui nous entoure.

Selon Jacques Tassin, chercheur au Cirad, le Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, les "voix du monde" sont celles des vivants, des volcans, des arbres, des vagues, du tonnerre, etc. Elles peuvent nous révéler et nous dire le monde : "Nos voix nous dépassent. Elles révèlent la merveilleuse continuité du vivant. Elles appartiennent à cette atmosphère, à l’environnement, où elles se développent et se répandent", explique-t-il au micro de Pascal Claude, dans l'émission de La Première "Et dieu dans tout ça".

Des cigales jugées trop bruyantes ?

Dans un monde où le bruit est omniprésent et où le silence se fait rare, il faut retrouver l’expérience sensible des sons et de la voix. Mais comment apprendre à écouter alors que certains veulent, par exemple, en finir avec les cigales jugées trop bruyantes ?

"Percevoir le chant des cigales comme un dérangement souligne très clairement cette déconnexion de l’humain avec l’ensemble des vivants. La pire des extinctions qui a lieu en ce moment, c’est l’extinction de l’expérience sensible. Confondre le chant des cigales avec le bruit, c’est le signe que nous avons perdu une dimension fondamentale de notre expérience sensible."

Croire aux arbres

Jacques Tassin défend une écologie fondée sur une relation sensible à l’altérité vivante. Il a développé sa pensée à travers une série d’ouvrages tels que "À quoi pensent les plantes ? ", "Penser comme un arbre" ou encore "Je crois aux arbres".

"Lorsque je regarde les arbres de manière attentive, je parviens à me déborder, à aller au-delà de moi-même. C’est un drôle de sentiment, une véritable jouissance. Il n’y a pas de raison de s’en priver." Il y a une manière, selon lui, de regarder les arbres : "Il faut percevoir l’arbre non plus comme une unité, mais comme un collectif".

Mais c’est surtout leur rôle et leurs vertus qu’il faut arriver à mieux comprendre. "Croire aux arbres, c’est avoir confiance dans le fait que les arbres sont des vertus. Ils ont cette capacité à tempérer le monde. Ils maintiennent une certaine uniformité, façonnent notre environnement en préservant la vie. Nous avons besoin des arbres pour nous assurer un devenir."

Le monde qui donne de la voix

Les oreilles peuvent être considérées comme une extension du toucher. Elles nous permettent de toucher le monde à distance. Les oreilles palpent le monde.

Jacques Tassin, écrivain écologue

Parce que la voix redonne chair, Jacques Tassin nous invite à y être plus attentif et surtout à ne pas la sous-estimer : "Le regard est plus restreint que l’audition. La voix donne de la présence davantage que l’image le fait. Les voix permettent de se positionner dans l’espace, par exemple. Les voix sont les guides qui nous permettent de donner une étoffe à l’espace, ce que les images ne font pas. Les images sont dissociées les unes des autres, elles ne structurent pas une ambiance comme les voix sont capables de le faire".

La voix, c’est aussi la révélation de l’humanité : "Le fond de l’être, les états d’âme et le sourire se traduisent dans la voix. La voix, paradoxalement, donne beaucoup à voir. La voix est une mise à nu. Une personne se reflète dans sa voix."

La voix est également ce qui nous permet de retisser des liens entre les vivants, en apprenant à prendre soin : " La voix est la plus belle illustration de la relation de chair à chair."

La voix effleure, touche : "Les oreilles peuvent être considérées comme une extension du toucher. Elles nous permettent de toucher le monde à distance. Les oreilles palpent le monde."

Le chant à l’heure de l’autotune

Bien sûr, la voix peut être aujourd’hui modifiée à l’envi, à travers la musique compressée, l’autotune ou encore nos téléphones : "Dans la musique compressée, tout est fait pour que le niveau sonore reste le même tout au long du morceau. On perd la progression, l’expression. Une voix évolue, elle est charnelle. À force d’écouter ce type de voix, on en vient à parler de manière uniforme et robotique."

Mais à côté de la voix modifiée, il reste le chant qui se distingue de la parole : "Le chant nous libère de notre parole. La parole est très maîtrisée. Le chant est une libération du souffle. En chantant, on réapprend à respirer. Le chant est une respiration. En donnant à entendre sa respiration, on donne à entendre le fond de son âme."

Au final, c’est un appel à retrouver la beauté du monde que lance Jacques Tassin : "Nous sommes tous préoccupés par la beauté. La beauté n’est pas un luxe. Il ne faut pas considérer qu’elle est négligeable ou secondaire. Elle contribue à structurer le monde."

Jacques Tassin – auteur de "Écoute les voix du monde" chez Odile Jacob – est l’invité de Pascal Claude dans "Et dieu dans tout ça ?", ce dimanche 3 juin après le journal de 13 heures.

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