A.D. : Vous avez écrit ce livre qui se découpe en 6 grandes parties : le repas, le sommeil, le jeu, les émotions, les relations entre enfants et les relations avec les familles aussi. Ce livre est destiné aux parents ou grands-parents, mais également aux personnes qui travaillent dans la petite enfance on est bien d’accord là-dessus. Dans chaque partie, il y a des chapitres et ces chapitres sont chaque fois articulés par des questions, des grands classiques de la petite enfance. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous plonger dans l’univers des connaissances scientifiques par rapport aux stéréotypes classiques des bébés et de la petite enfance ?
H.J. : Dans le cadre de ma pratique en crèche, mais aussi dans les diverses conférences avec les familles, j’ai remarqué qu’il y avait des idées reçues qui perduraient de génération en génération. D’où cette idée de faire le pont entre deux univers pour qu’ils communiquent ensemble.
A. D. : C’est un livre très rythmé. Vous y expliquez les tenants et aboutissants des différentes questions que se posent les parents/les grands-parents, les personnels de santé de la petite enfance aussi. Et puis vous y répondez, vous argumentez, avec les différentes thèses scientifiques que vous avez pu trouver dans vos recherches et vous donnez des petits conseils. Tout ça, de manière très graphique avec beaucoup d’humour. On va commencer par un premier chapitre que vous abordez dans votre livre et qui est évidemment un grand débat de société. Est-ce qu’on berce un bébé pour l’endormir ? Il y a des gens qui sont contre car ils ne veulent pas habituer l’enfant à ces fameux bras, ces fameux bercements. Mais vous, vous n’êtes pas du même avis, Héloïse ?
H. J. : Non. Quand on regarde un peu les recherches en anthropologie et en psychologie du développement, on voit que le bébé humain est le mammifère le plus immature de tout le règne animal. Cette immaturité crée une dépendance, qui fait qu’il est programmé pour le corps à corps avec l’adulte pendant les premiers mois de sa vie. Le fait de bercer un enfant pour l’endormir est une pratique ancestrale, traditionnelle, qui relève du personnage proximal. On va avoir tendance à penser que l’enfant s’habitue aux bras. Or le bercement permet de créer des mouvements rythmés et langoureux qui permettent de diminuer le rythme cardiaque de l’enfant, mais aussi, par le contact peau à peau avec l’adulte, de sécréter de la cytosine qui est l’hormone de l’attachement et qui va venir décélérer le système de stress de l’enfant. Ça a beaucoup de bienfaits aussi pour la mémoire et différentes compétences chez l’enfant.
A. D. : Vous parlez du système vestibulaire de l’enfant aussi, qui est situé dans l’oreille interne et qui peut être hyper efficace. Dans votre livre, vous faites un petit bond dans l’histoire. Vous expliquez que le bercement n’a plus la cote depuis que des religieux et des psychanalystes ont mis leur grain de sel. C’est quand même assez incroyable de se dire qu’ils ont eu une influence sur la manière dont on peut penser les choses.
H. J. : Oui complètement, c’est vrai que beaucoup de gens sont encore amoureux de la psychanalyse et que certains psychanalystes aujourd’hui peuvent déconseiller le corps à corps avec l’enfant. On va penser que l’enfant est animé de pulsions sexuelles et la proximité corps à corps peut mettre mal à l’aise pour cette raison-là. Aussi, on pense que l’enfant va s’habituer aux bras. Et la religion aussi a eu une influence par rapport à la distance entre le corps de l’enfant et le corps de l’adulte, qui pouvait être jugée immorale selon les époques. Toutes les religions ne sont pas psychanalystes mais ce sont des courant culturels de pensées qui sont venus un peu teinter l’éducation