Depuis lundi 2 mai, l'Inno fête ses 125 ans. Même si le premier magasin, rue Neuve, n'a ouvert ses portes qu'en octobre 1897 (mais on ne va pas chipoter pour quelques mois). L'occasion de revenir sur cette enseigne connue de tous les Belges mais qui traverse, comme l'ensemble du secteur des grands magasins, des temps difficiles. A l'heure d'Amazon, l'Inno a-t-elle encore un avenir ?
L’histoire démarre quand les familles Bernheim et Meyer ouvrent leur premier grand magasin. A l’époque, il s’appelle A l'Innovation et propose un concept révolutionnaire : un magasin où l’on peut manipuler les objets avant de les acheter, où les prix sont indiqués clairement et où l’on trouve, sous le même toit et pour un prix modique, tout ce dont un ménage a besoin. Le succès ne se fait pas attendre et, suite au rachat de plusieurs concurrents, l’Innovation possède, dans les années 50, 36 magasins.
Puis vient le 22 mai 1967. L’incendie de la rue Neuve. On n'en connaît toujours pas la cause exacte. On connaît par contre le bilan : 251 morts et 62 blessés. Quelques jours plus tard, les travaux de déblaiement des ruines démarrent et, moins de trois ans après, le magasin rouvre, entièrement reconstruit aux normes de sécurité les plus strictes.
Ambiance
Depuis 2001, l’Inno appartient à un groupe allemand. Il reste 16 magasins. Mais, comme l'ensemble du secteur des grands magasins, la chaîne est à la peine : déjà avant le covid, les clients n’étaient plus forcément au rendez-vous, attirés par les boutiques plus spécialisées, ou plus jeunes et moins chères. Attirés surtout par le web. Mais Elly Zwinnen, responsable du marketing, est formelle : même si la chaîne a maintenant son site de vente, le magasin physique reste indispensable.
" Ce qui attire les gens dans les magasins, c’est l’ambiance, le service et les conseils de notre personnel. Le plaisir d’essayer ses vêtements avant de faire son choix. Toute cette expérience que vous ne pouvez pas connaître devant votre ordinateur. Et, pour renforcer notre attractivité, nous allons inaugurer des coffee corners et des bars à jus. "
Un positionnement ambigu
Tout cela ne convainc qu’à moitié Gino Van Ossel. Pour ce spécialiste du marketing, le magasin a raté le coche de la modernisation : "L'Inno reste le N° 1 des listes de mariage. Mais on se marie de moins en moins et, quand on le fait, c'est généralement après quelques années de cohabitation. On a donc déjà tout ce dont on a besoin." Surtout, estime ce professeur à la Vlerick, une école de commerce, l'Inno souffre d’un positionnement ambigu : pas assez bon marché pour concurrencer les chaînes à bas coût, et pas assez exclusif pour attirer la clientèle qui cherche du luxe. Sans compter que les plus petits magasins n’offrent pas un choix suffisant, faute de place.
Alors, dépassée, l’Inno ? Ce n’est pas l’avis d’Anaïs Bertrand, vendeuse dans le magasin de la rue Neuve et déléguée Setca : " Nous faisons des efforts pour moderniser et dynamiser les shops, pour proposer de superbes marques qui attirent les jeunes. "
L’enjeu, pour cette chaîne née au XIX° siècle, ce sera de s’adapter aux goûts changeants et aux nouvelles habitudes de consommation de la clientèle du XXI° siècle.