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Les 20 km de BruZelle : une course contre la précarité menstruelle dans le sport (et au-delà)

© Chloé Olivier

Par Chloé Olivier pour Les Grenades

Ce 28 mai, sur les coups de 10 heures, ce ne sont pas moins de 40.000 sportif·ves qui ont pris le départ de la mythique course des 20 kilomètres de Bruxelles, 43e édition. Agglutiné·es çà et là parmi la foule, une quarantaine de personnes arboraient fièrement une vareuse blanche, floquée aux couleurs de l’ASBL BruZelle. Inscrite dans leur dos, une maxime en rouge et noir : "C’est la course contre la précarité menstruelle."

Un choix de slogan loin d’être anodin puisqu’en ce dimanche, curieux hasard du calendrier, se tenait également la journée mondiale de la santé et de l’hygiène menstruelles. BruZelle a donc décidé de prendre part à l’événement, profitant de cette double occasion pour aborder la question de la précarité menstruelle dans le monde sportif, mais également de manière plus générale.

Le 28 mai, une journée pour briser le tabou

La précarité menstruelle est une réalité en Belgique ; environ 350.000 à 400.000 femmes vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays. Derrière ce chiffre se dessine une réalité : l’incapacité, logistique ou financière, d’acquérir des protections hygiéniques.

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La mise en place de la journée mondiale de la santé et de l’hygiène menstruelle remonte à l’année 2014. Ce jour est destiné à interpeller le public et les politiques autour de la question, encore trop tabou, de l’accès aux produits menstruels et, plus largement, des règles. L’idée derrière cette journée annuelle de visibilisation est de pouvoir améliorer de façon pérenne le quotidien des personnes menstruées.

Sécurité menstruelle et sport, un combo gagnant ?

"Nous réfléchissions à participer aux 20 kilomètres depuis quelque temps, puisqu’il nous a toujours semblé important de faire partie des évènements de notre ville", explique Veronica Martinez, fondatrice et directrice de l’ASBL. "Mais l’agenda ne s’était jamais bien mis. Cette année, quand on a vu cette journée mondiale qui tombait, on a vraiment voulu marquer le coup."

BruZelle, déjà très impliquée dans la sensibilisation à la santé menstruelle en milieu scolaire, notamment via son projet Règles de 3, a vu en ces 20 kilomètres le moment propice pour lancer officiellement son projet de sensibilisation autour des menstruations et du sport.

Car l’univers sportif, indique Veronica Martinez, se veut un microcosme au sein duquel on peut retrouver des tendances s’appliquant à d’autres strates de la société. Ainsi, la précarité menstruelle est un fait quand on parle de sport.

Bien qu’il n’existe aujourd’hui aucune donnée au niveau belge afin de recenser ce phénomène, Veronica Martinez et ses collègues ont pu observer une tendance au fil de leurs échanges avec de nombreux·ses sportif·ves, de niveau professionnel comme amateur : un réel tabou existe dans le monde sportif.

Les menstruations, la charge mentale qui y est assimilée ou encore l’accès souvent compliqué à des sanitaires décents : voilà autant d’éléments impactant les performances sportives et qui, selon BruZelle, méritent d’être pris en compte et réenvisagés pour garantir une pratique sportive en toute quiétude pour les personnes menstruées.

"Les femmes ne devraient pas s’arrêter de faire du sport quand elles ont leurs règles. Les menstruations ne doivent jamais empêcher de prendre soin de soi ou de prendre plaisir à faire du sport", insiste Veronica Martinez, qui prône une vision positive des règles. C’est dans cette même optique que l’association a d’ailleurs mis en place différents projets pilotes, notamment avec les centres ADEPS de la région bruxelloise ou encore avec l’Union Saint-Gilloise.

Résultats : dans ces différentes structures, des distributeurs de produits menstruels gratuits ont pu être installés, la sécurité des sanitaires revue et certain·es coachs ont pu être sensibilisé·es. Pour les clubs professionnels, des moments d’échange ont même pu être organisés afin de repenser la tenue des sportif·ves et de veiller à la rendre plus confortable et sécurisante.

Ensemble pour changer les règles

Afin de participer aux 20 kilomètres, BruZelle avait lancé, au courant du mois de mars, un appel sur ses différents réseaux sociaux, dans le but de rassembler un maximum de participant·es pour porter ses couleurs et son message. Objectif atteint, puisque ce sont au total quarante-deux athlètes qui ont gonflé les rangs de l’association sur la ligne de départ.

Les femmes ne devraient pas s’arrêter de faire du sport quand elles ont leurs règles

Delphine Wauty, bénévole en charge de l’organisation de l’événement pour BruZelle, se réjouit du panel très diversifié de personnes s’étant portées volontaires pour représenter l’association : "Toutes les tranches d’âge sont représentées dans notre équipe. Le plus jeune a 16 ans, la doyenne a 74 ans. Hommes comme femmes, tout le monde est concerné par la précarité menstruelle."

Un constat partagé par l’ensemble des participant·es, venu·es des quatre coins de la Belgique pour l’occasion. Interrogé·es sur leur motivation à porter les couleurs et le message de BruZelle, Mathilde Lemaire, fondatrice et administratrice de l’ASBL R-USE FABRIK, et son amie Émilie Bosquée ont évoqué l’importance de la mission de BruZelle, mais également la méconnaissance de la précarité menstruelle par le grand public.

Pour Marie et Kelly, deux collègues venues grossir les rangs de l’équipe, c’est la dimension humaine de l’ASBL et de ses missions qui ont joué un rôle de moteur. Sophie Pé, chargée de formations au CPAS de Molenbeek, l’accent était à mettre sur le travail formidable réalisé par l’ASBL, qui permet non seulement de briser le silence autour d’un sujet encore trop méconnu, et grâce à qui environ 350 paquets de protections menstruelles peuvent être distribués chaque mois dans les différentes antennes du CPAS Molenbeekois. Théau, enfin, le plus jeune participant, voyait en cette course le moyen d’atteindre un objectif sportif personnel et de représenter une belle cause.

Une première édition couronnée de succès

En courant ou en marchant, les BruZellois·ses auront toutes et tous réussi à passer la ligne d’arrivée, malgré un soleil brûlant. Une fois la course terminée, la troupe se donnait rendez-vous à quelques rues du Cinquantenaire, au "Vestiaire Solidaire", un local rendu accessible à diverses associations participant à la course.

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Après quelques applaudissements et rafraîchissements bien mérités, ainsi qu’une série de photos souvenirs, médailles autour du cou, les discussions allaient déjà bon train sur l’édition prochaine, à laquelle tous·tes aspiraient déjà à participer. "C’était une grande première", confie Veronica Martinez. "L’an prochain, nous préparerons tout ça encore plus en amont, pour faire encore mieux." Le rendez-vous est pris !

Le départ des 20 kilomètres de Bruxelles – JT

Le départ des 20 kilomètres de Bruxelles

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Cet article a été écrit lors d’un stage au sein de la rédaction des Grenades.

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