Enfermés dans un palais-labyrinthe sans pouvoir s’embrasser, se retrouver, s’aimer : "Le Palais enchanté" de Luigi Rossi, écho à notre confinement, est recréé à l’Opéra de Dijon, après près de 400 ans d’oubli. Mis en scène par le Belge Fabrice Murgia, cet opéra monstre, qui trouve un écho dans notre actualité, est dirigé par Leonardo Garcia Alarcon et sera bientôt disponible en visionnage à la demande sur Auvio.
Métaphore du monde actuel
C’est au travers de vitres que les mains des amants Ruggiero et Bradamante se "touchent". C’est par l’intermédiaire d’un téléphone qu’ils se parlent de cellule à cellule. C’est à travers un palais-labyrinthe aux pièces innombrables qu’ils tentent désespérément de se retrouver.
C’est le mage Atlante qui a ainsi frustré leur amour : pour empêcher le chevalier Ruggiero – incarné par Fabio Trümpy - d’épouser Bradamante – campée par Deanna Breiwick -, le sorcier les a enfermés dans un palais dont la magie attire d’autres amants comme des mouches.
"Les personnages se croisent mais s’arrêtent très peu et interagissent très peu ensemble. L’événement s’abat sur plusieurs personnes différentes, comme nous qui sommes confinés à New Delhi ou Barcelone", explique le metteur en scène belge Fabrice Murgia à l’Agence France Presse.
"Sorte de métaphore de la situation extérieure", le palais "organise en quelque sorte la distanciation sociale entre les personnages, les sépare, les empêche de se retrouver, de s’aimer, de s’embrasser", acquiesce Leonardo Garcia Alarcon, chef d’orchestre helvético-argentin et grand maître du baroque.
Au fil du temps, "la nervosité monte", décrit Fabrice Murgia : "les murs deviennent insupportables et le labyrinthe devient un peu fou", à l’image de ces danses de Saint-Guy qu’entame régulièrement sur scène un éphèbe à moitié nu.
Une quête de l’être aimé, éperdue et vaine, s’engage dans la confusion la plus totale, soigneusement entretenue par Atlante, interprété par Mark Milhofer, qui joue de stratagèmes pour mieux perdre ses marionnettes.
Sur scène, un décor de portes et de fenêtres dessine un dédale démoniaque où un système très efficace de tournettes laisse découvrir à chaque demi-tour tantôt un ascenseur, tantôt un aéroport, tantôt une vitrine rose néon du quartier chaud d’Amsterdam…
Avec cet opéra "absolument dingue", Fabrice Murgia, 37 ans, a trouvé peinture sur laquelle utiliser "mes pinceaux, les outils de ma génération", en l’occurrence l’image.