Deux nouvelles initiatives citoyennes à signaler. Celle du collectif “Il faut qu’on parle” à propos du financement des partis. Celle de la Wallonie qui, après Bruxelles, se lance dans une commission délibérative mixte.
Deux versions
Ce sont deux initiatives bien différentes : l’une est privée, l’autre est publique. L’une est extérieure aux institutions, l’autre intérieure aux institutions, l’une est purement citoyenne, l’autre mixte citoyens, citoyennes et élus.
"Il faut qu’on parle" est une initiative de plusieurs think tanks. Elle se finance par un crowdfunding et part de l’idée qu’en matière de financement des partis, les partis sont juges et parties, en plein conflit d’intérêts. Il faudrait donc débloquer le débat, 16 000 invitations, 60 citoyens tirés au sort vont se lancer dans la réflexion.
L’initiative wallonne, elle, vient des élus. C’est une forme de réponse au scandale du Greffier. Comme à Bruxelles et en communauté germanophone, l’idée est de constituer une commission mixte, citoyennes et de députés autour d’un thème qui sera décidé par les citoyens eux-mêmes.
La multiplication de ces initiatives est très clairement une tentative de réponse à la défiance grandissante, mesurée enquête après enquête entre les élus et les citoyens. La démocratie participative est censée selon les versions de sauver, épauler, renforcer, seconder, voire remplacer la démocratie représentative.
Pourquoi ?
Globalement il y a un accord sur le constat de "fatigue démocratique". L'expression est de David Van Reybrouck. Le constat est largement partagé : le citoyen a le sentiment d’être moins souverain, d’être moins acteur du destin collectif. En gros les gouvernements changent, mais pas la politique.
Mais au-delà du constat, comment redonner aux citoyennes et aux citoyens le sentiment qu’il choisit son avenir ? Il faut bien avouer qu’il n’y a plus d’accord.
Deux grands courants s’opposent. Et depuis longtemps. Il y a la vision réaliste, mais le terme est contesté, et la vision idéaliste, mais le terme est contesté aussi.
Réalistes "vs" idéalistes
Les réalistes jugent que la politique c’est toujours une domination, c’est toujours l’imposition d’un pouvoir (Weber, Schumpeter). Le peuple à besoin d’être gouverné. La démocratie c’est avant tout le choix et le contrôle de la domination par l’élection. C’est le sens de la formule du gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peule. Pour cette école il faut généralement renforcer l’exécutif. Il faut construire un lien direct, sans intermédiaires, entre gouvernés et gouvernants. La fatigue démocratique provient du fait que le pouvoir est dilué dans une bureaucratie juridique, parasité par les intermédiaires (partis, syndicats…). De ce point de vue, il ne faut donc pas de commission citoyenne. Par contre, pourquoi pas des référendums, au sens où ils sont un lien direct entre gouvernés et gouvernants.
Pour l’école idéaliste (Dewey, Habermas) le peuple à besoin de se gouverner. La fatigue démocratique est une coupure entre les citoyens et une oligarchie. C’est que la démocratie dépasse largement l’institution électorale. C’est une culture, une culture du débat. Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple c’est l’inverse de l’élection. C’est l’auto gouvernement, la démocratie radicale, ou directe. Dans cette école on prône les solutions comme le tirage au sort, ou comme les assemblées citoyennes.
Ces divisions historiques entre théoriciens de la démocratie, on ne la retrouve jamais de manière pure dans la réalité. La plupart des régimes sont mixtes.
Contradictions
La tendance actuelle est clairement à introduire plus d’idéalisme démocratique dans les institutions. Mais pour l’école dite réaliste, on risque surtout d’affaiblir la capacité d’action des dirigeants et d’affaiblir encore la coupure avec les électeurs.
Au sein de la population, la confusion, voire la contradiction règne. Ainsi la dernière enquête "Noir Jaune Blues" pointait le souhait largement partagé d’un "gouvernement fort" ce qui va dans le sens de la théorie réaliste. Mais elle pointait en même temps le souhait de participer plus largement aux décisions ce qui va dans le sens de la théorie idéaliste.
Cette contradiction est insurmontable. La question est sans doute : Comment l’assumer, l’organiser ? Sans trancher ici, entre réalistes et idéalistes peut-être que la démocratie se doit d’expérimenter pour survivre.