Moins d’impôts sur le travail, moins de niches fiscales et plus d’impôt sur le patrimoine. C’est la colonne vertébrale du projet de grande réforme fiscale déposé à la demande du gouvernement par la crème des universitaires spécialistes de la fiscalité du pays coordonnés par le professeur de Gand Mark Delanote. Il y a là de quoi révolutionner la fiscalité belge. Mais les conservateurs vont éviter qu’on touche au système.
Des tares bien connues
Pour faire simple d’abord, les problèmes de la fiscalité belge sont connus. Le travail est trop et trop vite taxé (à partir de 41.000 euros par an on atteint la tranche de 50%), pour tenter d’alléger cette pression les différents gouvernements ont mis en place beaucoup de niches fiscales. Le système est devenu très complexe et injuste. Conséquence, le consentement à l’impôt s’effrite.
L’accord de gouvernement prévoyait donc une grande réforme fiscale et fixait les balises : la réforme doit moderniser, simplifier, être neutre et rendre le système plus équitable. L’accord de gouvernement est même assez précis sur ce qu’il convient de faire : abaisser la fiscalité sur le travail en faisant glisser la charge fiscale sur d’autres impôts, réduire les régimes d’exceptions, minimiser les possibilités d’optimisation fiscales. Et donc, ô surprise, le projet de réforme commandé au professeur Delanote à Gand, respecte les balises fixées par le gouvernement. Des balises largement partagées par le FMI, la Commission européenne et l’OCDE.
Révolutions
Le rapport prévoit donc moins de régime d’exceptions d’abord. L’impôt serait calculé par "individu", ça veut dire la fin du quotient conjugal, cette prime fiscale pour les couples mariés, la note ne retient qu’une différence entre isolé et cohabitant. Grosse révolution : toutes les rémunérations alternatives seraient imposées comme les rémunérations en espèces. C’est-à-dire voiture de société, chèques repas, droits d’auteurs.
Autre révolution, la taxation serait la même en personne physique ou en société. Tout ceci doit permettre de faire baisser l’imposition générale de manière sensible puisqu’outre la suppression des niches fiscales, le projet prévoit aussi de mieux taxer le patrimoine, en taxant tous les revenus du patrimoine, y compris donc les plus-values et les loyers réels, on évoque un taux unique de 30%. On se dirigerait vers une double taxation : progressive pour les revenus du travail, fixe pour les revenus du capital.
C’est donc, sur le papier, beaucoup plus simple. Rappelons que l’idée n’est pas de faire rentrer plus d’argent dans les caisses de l’Etat puisque la réforme vise la neutralité, mais d’égaliser la charge fiscale entre les contribuables.
Un projet militant ?
Ce projet suscite de vives réactions, notamment de la part du président du MR. Il évoque un “tract altermondialiste” et “militant”. Une réaction très vive contre une note qui s’inscrit pourtant dans les balises fixées, y compris par le MR dans l’accord de gouvernement. C’est même insultant pour les experts qui n’ont rien de communistes. Mark Delanote est catalogué Open Vld, Geert Peersman de l’UGent, ou Marc Bourgeois de l’ULG sont loin d’être des gauchistes.
Le conservatisme fiscal du MR revient pourtant à défendre le système le plus antilibéral qui soit : une taxation très élevée du travail compensée par un État paternaliste qui octroie des avantages à certains. Un "Big State" qui vous dit ce que vous devez faire de votre salaire : épargnez pour votre pension, prenez une voiture de société. C’est le résultat d’un compromis historique entre la gauche qui souhaite une taxation importante au nom de l’égalité et la droite qui veut moins de taxes au nom de la liberté. Au bout du compte on a ni l’égalité ni la liberté.
Le rapport Delanotte est un exercice intellectuel qui nous montre ce que pourrait être un système fiscal plus équilibré, un système qui tenterait de mieux concilier égalité et liberté à partir de ce qui existe déjà. Un exercice qui restera très certainement intellectuel tant les conservatismes sont puissants. La Vivaldi n’a sans doute plus la cohésion, la force et l’envie de s’attaquer à un tel chantier.