Environnement

Les biokérosènes dans le transport aérien, greenwashing ou vraie filière d’avenir ?

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Ce dimanche, un avion a été pour la première fois ravitaillé en biokérosène à Brussels Airport. D’ici 2026, le biokérosène devrait représenter 5% du kérosène utilisé par la flotte aérienne de la compagnie belge.

Cette compagnie n’est pas la seule compagnie à y travailler, Air France intègre aussi depuis peu du biokérosène dans son carburant. Plus de 50 compagnies dans le monde, l’ont déjà testé, soit 450.000 vols selon l’IATA.

Le biocarburant, solution d’avenir pour diminuer la consommation de CO2 de l’aviation européenne ?

KLM flies a Boeing 747 using biokeresene
KLM flies a Boeing 747 using biokeresene © Tous droits réservés

Le secteur de l’aviation émet à lui seul 2% des rejets de CO² mondiaux dans l’atmosphère. Autre effet indésirable des vols d’avion : leur émission de nuages blancs ou "trails" retiennent la chaleur au sol et contribuent aussi, pour une bonne part, au réchauffement climatique. Les compagnies aériennes du monde entier se sont engagées à atteindre zéro émission nette de CO² pour 2050. Est-ce un vœu pieux ?

Selon Jean Collart, expert en aéronautique, c’est déjà un premier pas de pouvoir utiliser les biocarburants. Il nous explique : "Pour l’instant, les moteurs d’avions ne sont pas encore tous adaptés à fonctionner avec plus de 50% de biokérosènes. Il faut donc le mélanger avec un kérosène classique. Mais à terme, avec des ajustements au niveau des pompes et des joints des moteurs, les avions pourraient utiliser 100% de biokérosène. Dans les cinq à dix ans qui viennent, les avions pourraient polluer deux fois moins. C’est fabuleux !"

À terme, ces biocarburants devraient réduire de 80% les émissions de CO² de l’aviation.

1/1000e de nos besoins en biokérosène sont actuellement produits

Cet expert en est, toutefois, conscient, le biokérosène ne résout pas tous les problèmes : "Nous avons un potentiel mais ça ne va pas approvisionner l’entièreté de la flotte aérienne européenne".

En effet, nous sommes loin du compte au niveau des chiffres. La production mondiale de biokérosène s’élevait à seulement 50 millions de litres l’année dernière, un volume qui devrait doubler cette année, selon l’Association du transport aérien international. Ce qui est toujours peu quand on sait que l’aviation commerciale mondiale a brûlé 200 milliards de litres de kérosène en 2018.

Si nous voulons atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, il faudrait produire près de 450 milliards de litres de ce carburant durable.

Patrick Hendrick, spécialiste en aérodynamique à l’ULB, l’Université libre de Bruxelles, suit attentivement le développement de cette filière et il reste optimiste : "Aujourd’hui, nous produisons peut-être 1/1000e de nos besoins en biokérosène, mais nous assistons à une explosion de la production de ces carburants. La firme finlandaise Neste a produit 15 fois plus en 2022 que l’année précédente et promet de produire 5 fois plus en 2023. Le potentiel de fabrication de biokérosène est énorme parce qu’il peut se développer à travers de multiples filières, déchets solides, liquides de l’alimentaire, des déchets forestiers et agricoles. C’est ce qui en fait ses avantages."

L’hydrogène et l’électrique ne sont pas des solutions d’avenir pour l’aviation

Reste leur prix. Ils sont actuellement trois fois plus chers sur le marché que les carburants fossiles. Selon Francesco Contino, professeur en aérodynamique et spécialiste de l’énergie à l’UCLouvain, si ce prix est élevé, c’est aussi parce que tout n’est pas pris en compte dans le calcul des coûts des carburants fossiles.

Il n’empêche, son constat est formel : "Il est illusoire de penser qu’on passera à 100% de biokérosènes. Et pour une question de poids, l’hydrogène n’est pas une alternative et l’électrification non plus. Vous devez stocker l’hydrogène dans des réservoirs très lourds et les batteries électriques sont également trop lourdes, tandis qu’un avion au kérosène perd une bonne partie de son poids en cours de vol."

Et d’ajouter : "Il faudra développer, à l’avenir, du carburant synthétique ou l’E-fioul (c’est-à-dire que de l’hydrogène sera associé à du carbone pour produire un E-fioul)."

Mais le biokérosène n’est pas seulement une alternative pour l’aviation, il en est une pour toutes les formes de mobilité. Et ce professeur de nous rappeler : "Il faudra choisir quel type de transport, à l’avenir, sera priorisé pour le biocarburant. Les bateaux et les camions qui transportent nos marchandises sont aussi dans la course et le potentiel en biocarburant n’est pas exponentiel. Cette biomasse ne doit pas être non plus en compétition avec l’alimentaire. Elle ne pourra donc pas combler tous les besoins."

La meilleure des solutions : moins voler

Ces experts sont unanimes sur un point : nous utilisons trop l’avion en Europe. Le continent européen est de petite taille. Si nous décidions de remplacer les vols de moins de 700 kilomètres par des trajets en train, nous pourrions diminuer par quatre notre pollution. Encore faut-il le vouloir.

Jean Collart a sa petite idée : "Si nos gouvernements décidaient d’imposer une taxe de 8 à 10 euros sur les vols de courte distance, ça nous obligerait à nous repositionner sur nos choix de transport. Il faut créer une politique incitative."

200.000 vols quotidiens sont, actuellement, enregistrés dans le monde.

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