Désormais scénariste professionnelle en freelance, la prédilection de Diane va, sans surprises, sur les scénarios de séries. "Je suis passée d'enfant de la télé à autrice de la télé", sourit-elle en buvant une gorgée de son thé glacé.
Elle jongle actuellement entre plusieurs projets en cours, notamment une série historique avec Rumbacom, une série policière pour Playtime Films, et une sitcom avec Big Trouble – chacun en différentes phases de développement, avec plusieurs scénaristes différents – un travail collectif d’autant plus stimulant. "Chaque projet est différent et j'en apprends toujours plus sur le genre humain."
On sent que c’est là que résident les raisons profondes de sa vocation : "Je suis fascinée par l’aptitude des humains à être d'une bonté immense et d’une cruauté horrible la minute d'après. Les rapports psycho-sociaux, ça me passionne. On dit souvent que les gens s'inspirent de leur vécu pour écrire. Moi, c'est ça que je veux voir, et savoir qui est la personne derrière tout ça, qu’est-ce qu’il ou elle a voulu dire ?"
En tant que femme noire, je suis consciente que je vais avoir des obstacles
Mais un des inconvénients du métier, c’est son manque de visibilité. "Le problème, c’est que tu interviens avant la phase de production (avant que le projet soit validé et que le tournage se mette en place, NDLR). Donc tu peux bosser sur beaucoup de projets, parfois pendant des années, et ne pas voir ton nom au générique, ni dans le scénario. Un scénar’ de série, c’est très collaboratif : il est possible que j'intervienne seulement à certaines étapes de l'écriture, puis d'autres personnes vont prendre le relais, ou je participe en tant que consultante… C’est un métier difficile et souvent précaire, car on n’est parfois pas payé·es à certaines étapes de l’écriture, principalement au début d’un projet. Donc beaucoup se découragent."
Le statut d’artiste, actuellement en révision, reste souvent impossible à décrocher. Mais Diane espère peut-être l’avoir d’ici la fin de l’année. A côté, elle travaille encore parfois dans l’assistanat de production, une bonne solution pour les fins de mois compliquées, qui lui permet de garder un pied – et des contacts - dans l’audiovisuel, un milieu qui, de son propre constat, reste encore très fermé… et formaté.
A la question de savoir si elle ressent du racisme dans le métier, sa réponse est sans appel : "En tant que scénariste, ben oui d'office. Je suis respectée dans les environnements dans lesquels je travaille, parce que je les ai choisis, et qu'avec l'expérience du passé, pas toujours joyeuse, j'ai appris à mettre des limites. Mais je suis consciente qu'en tant que personne racisée, en tant que femme noire, je vais avoir des obstacles, ou devoir justifier des choses dans mon travail à un moment donné. Ça m'est déjà arrivé, donc je le sais."
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Concrètement, comme scénariste est un métier de mots et pas d’images, et que le blanc reste la couleur standard dans beaucoup d’imaginaires collectifs, s’il n’est pas écrit explicitement dans le scénario qu’un personnage est racisé, le lecteur blanc ne va pas se l’imaginer. "On met des détails, on fait comprendre… mais parfois pour certaines personnes – souvent d'un certain milieu et d'un certain âge - c'est pas assez clair. Et le problème, c'est que souvent ce sont ces personnes qui décident… Mais moi, quand je décris des personnages, je raconte leur intériorité, une profondeur psychologique... pas des clichés. Je ne vais pas toutes les 5 lignes écrire 'la fille noire' ou 'le mec avec un boubou' !"
Pourtant c’est encore trop souvent ce qui est attendu pour que le scénario coche la case ‘diversité’. Paradoxal de souligner les différences pour défendre l’idée qu’on est toustes les mêmes, non ?
Bruxelles est une ville hyper cosmopolite, mais ça ne se voit pas encore à la télé
"Du coup je mets des photos dans la bible, par exemple une photo de Viola Davis à côté de la description de l’héroïne... si dans le texte c'est pas clair assez clair pour eux, au moins là ça l’est !", rit Diane, qui confirme que c’est aussi ce qui nourrit son envie de persévérer dans le métier. "J’ai envie de parler d'histoires qu'on a moins l'occasion de voir, de personnages qu'on entend pas – avec ma patte bien sûr : j'aime la comédie, le fantastique... Et ce genre d'histoires légères avec des personnes lambda, des héros et héroïnes qui sont des personnes Noires ou Arabes, on n’en voit pas ! Bruxelles est une ville hyper cosmopolite, t'as des langues différentes à tous les coins de rue... pourtant à la télé belge, ça ne se voit pas encore vraiment." On pense à l’épisode précédent des Bobines, avec Roxanne Gaucherand qui parlait du droit à la banalité, encore trop rare pour les personnages LGBT.