La journée-type de Peggy se partage entre la programmation, les séances scolaires ou associatives en matinée, et les avant-premières et séances de festivals en soirée, en plus des séances classiques. Des journées bien remplies, de tôt le matin jusque tard dans la nuit, week-ends inclus. "On est une petite équipe, et s’il manque quelqu’un, c’est moi qui viens travailler. La retraite ? Si je travaillais dans une banque, je l’aurais prise depuis longtemps (rires) ! Mais c’est une passion. Et puis avec les difficultés actuelles, il faut encore plus être au four et au moulin…"
Après deux années exsangues de crise Covid, les cinémas se pensaient sortis du bois… quand est arrivée la crise énergétique. Entre ça et la consommation en streaming de vidéos à la demande (VOD) montée en flèche pendant les confinements, c’est peu de dire que le cinéma traverse une période compliquée. "Dans les dossiers de subsides, on te demande des prévisions jusqu'en 2026. Il y a dix ans, je les faisais à l’aise. Aujourd’hui, je ne sais pas…"
A côté des tâches administratives rébarbatives mais nécessaires, visionner des films reste ce qu’elle préfère dans son métier. Et le public, même plus rare, même âgé, continue de venir et de les soutenir. "On essaie d’ouvrir à un public plus jeune, entre 30 et 40 ans. En-dessous, c’est vrai que c’est compliqué."
Autre facteur, la ligne entre ‘art et essai’et ‘divertissement commercial’n’est plus aussi claire qu’avant. Cela crée des concurrences en termes de programmation. "Les grands complexes empiètent sur les plates-bandes de l’art et essai. Moi, si je demande une copie de ‘Black Panther’, je sais que je l’aurai. Mais je ne le ferai pas : ce n’est pas intéressant financièrement pour moi… et puis, il faut encore de la place pour l’art et essai !"
En 2022, le Vendôme reste un repaire de cinéphiles, et aussi une affaire de famille, puisque Peggy a transmis sa passion à sa fille : Caroline travaille à la programmation de pair avec sa mère depuis une dizaine d’années. Elle aussi a baigné dans le ciné depuis qu’elle est née. La jeune femme a rejoint la structure après le décès de Roland, beau-frère de Peggy, avec qui elle collaborait aussi. "Ça fait parfois plus de discussions (rires). Elle est plus jeune, elle a aussi un autre point de vue. Mais elle est aussi ‘speed’ que moi, donc on s’y retrouve. Si elle a vu un film et pas moi, et qu’on hésite, je le regarde, mais sinon on se fait confiance."
La retraite ? Si je travaillais dans une banque, je l’aurais prise depuis longtemps !
Avec Caroline, elles sont donc deux femmes aux manettes d’un cinéma, c’est assez inhabituel pour être mentionné. S’il y a bien des programmatrices aux Grignoux, au Cameo ou au Quai10, Peggy est la seule propriétaire de salle en Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour elle, c’est dû au fait que son père "n’a eu que des filles" : un hasard de la vie.
Et si le Vendôme accueille le festival ‘Elles Tournent’chaque année, la question du sexisme, Peggy ne se l’est pas posée car elle dit ne pas y avoir été confrontée : "Zéro. Je suis ‘hard’, je suis franche, et je n’ai jamais eu aucun problème de ce côté-là. J’ai connu tous les anciens distributeurs, et les nouveaux c’est moi qui leur fais l’historique. Et quand je sélectionne un film, je c’est parce qu’il me plaît – je ne regarde pas si c’est fait par un homme ou une femme. Il y a des sensibilités qui me touchent peut-être plus quand c’est une femme, mais je ne mets pas de restrictions. La parité dans l’art, ce n’est pas quelque chose que tu peux atteindre facilement. Je ne parle pas des tournages, c’est une chose. Mais un film ? Est-ce qu’il est bon parce qu’il est fait par une femme, ou non ?"
Elle constate cependant qu’il y a bien plus de réalisatrices aujourd’hui que quand elle a commencé – mais la parité dans la création de films n’est pas encore une réalité. "On n’est pas maîtres de tous les paramètres, de quel film est distribué ou pas. Je ne suis maîtresse que de ce qui arrive en Belgique."