"J’ai beaucoup manqué de représentations LGBT quand j’étais ado. Surtout d’histoires de jeunesse avec des gens de mon âge, des gens lambda. On a beaucoup de représentations de lesbiennes très politiques, ou des histoires qui finissent mal… Heureusement qu’internet est arrivé !", se souvient-elle, citant pêle-mêle But I’m A Cheerlader, If These Walls Could Talk, Lost and Delirious ou Naissance des Pieuvres, qu’elle a regardés en boucle adolescente, avant de réaliser plus tard avec hilarité que ces films ont figuré sur le disque dur externe de toute lesbienne trentenaire digne de ce nom.
Sans oublier la série culte ‘The L Word’, qui a comblé un vide énorme en termes de représentation. "Avec tous les problèmes qu’a cette série aussi, mais c’était incroyable de voir tous ces personnages incarner une normalité." C’est tout ce dont la jeune femme avait besoin à cette époque-là : "Savoir que je pouvais avoir une vie tranquille, tout en ayant ça dans ma vie…"
Entre bienveillance et précarité
Aujourd’hui c’est un savoir acquis – du moins dans sa vie privée, parce qu’au cinéma en général le terme LGBTQIA + n’est pas encore vraiment associé à la tranquillité. Mais des cinéastes comme Roxanne contribuent à déplacer le curseur de la normalité. Par les histoires qu’elle raconte, le regard qu’elle pose sur le monde, mais aussi par une façon de travailler en équipe, de partager des idées, des rencontres et des collaborations safe et bienveillantes.
Le revers de la médaille, en revanche, c’est la précarité, encore très forte dans le métier. Dans le créneau un peu "bâtard" du clip vidéo, cela se ressent d’autant plus. "On espère avoir un jour accès à des budgets qui permettent de vivre décemment. Souvent des labels me contactent pour prendre quelques idées et ne donnent pas suite. Moi en attendant, j’ai fait un dossier complet qui m’a pris 3 jours de travail, sans argent. J’ai l’impression parfois qu’on doit prouver qu’on sait faire des trucs ‘mainstream’, mais sans avoir le budget ‘mainstream’ qui va avec ! Ça ne me dérangerait pas de faire un projet plus classique, qui me permettre de bien vivre, et de faire un bon travail. Je ne suis pas snob", assène celle qui n’a pas oublié sa culture teenage des années 2000.
"Le but, à la fin, c’est de se comprendre"
Entre deux tournages pour ses projets, Roxanne comble le manque à gagner par des contrats d’assistante sur des tournages. "Quand je réalise, la charge mentale est infinie, en assistanat c’est quand même plus gérable. J’adore découvrir des décors incroyables et voyager. Parfois l’équipe est très chouette et on fait de belles rencontres."
Mais entre les faibles budgets, les horaires éprouvants, la hiérarchie stricte des plateaux et le manque de professionnalisme de personnes se sentant protégées par leur notoriété, joindre les deux bouts en conservant sa santé mentale et ses valeurs tient souvent de l’exploit. D’autant plus quand ces valeurs incluent le féminisme, qui hors des cocons façon Kokoro et ses tournages à petit budget, n’est pas (encore) une notion ‘mainstream’ dans l’industrie du ciné. Au contraire. Il suffit d’aller voir les témoignages réguliers sur ‘Paye Ton Tournage’…
"Oui, montrer qu’on défend des lignes féministes, de respect et de bienveillance, ça nous met souvent dans des positions de gens exigeants. La radicalité ça peut aussi effrayer, faire qu’on nous fait moins confiance…" Or pour Roxanne, cinéma et féminisme sont tout à fait conciliables : "Le cinéma permet de démocratiser ces questions. C’est aussi intéressant de rencontrer ces frictions : le but à la fin, c’est de se comprendre."