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"Les cases de l'Oncle Sam" : Thierry Bellefroid raconte la rencontre entre les monuments de la BD, Jijé et Goscinny

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La Première vous offre une bulle de détente en plein rêve américain avec le podcast Les cases de l'Oncle Sam. Vivez les aventures des plus grands scénaristes de la BD francophone qui, au tournant de leur impressionnante carrière, ont tenté leur chance aux États-Unis. Vous hésitez encore à suivre les réussites et les échecs des grands contributeurs du Journal de Spirou et des pères de Gaston Lagaffe, des Schtroumpfs et de Lucky Luke ? Thierry Bellefroid, auteur du podcast, répond à toutes vos questions.

► Écoutez Les cases de l'Oncle Sam sur Auvio.

Raconter 75 ans de l’histoire de la BD, c’est grand public, ça ?  

Absolument ! Vous savez, il y a deux manières d’enseigner l’histoire à l’école. La façon 'Marignan 1515'. Et l’autre, sous l’angle 'Il était une fois'. L’histoire de la BD peut exactement suivre le même cours. On peut empiler les dates, les noms et les courants, on intéressera peut-être trois chercheurs en sémiologie. Ou on peut au contraire traquer les anecdotes, les fils rouges, les grands moments qui épousent ceux du siècle. Dès lors, on ne parle plus seulement de la bande dessinée, on parle de la vie ! C’est ce qui m’a guidé dans la première série de dix podcasts consacrée l’an dernier à la vie d’Edgar P. Jacobs. Et c’est ce que j’ai voulu retrouver avec ce sujet beaucoup plus vaste, à la fois passionnant et méconnu. En réalité, le fil que j’ai suivi n’a jamais fait l’objet d’aucun livre, j’ai inventé la route, elle a pris des chemins détournés et m’a surpris moi-même jusqu’au montage, où s’écrivaient des pages d’histoire au gré de la fantaisie et de la précision des témoignages.

Faut-il être un grand lecteur de bande dessinée pour écouter cette série ?  

Non, pas du tout ! Tout le monde connaît les Schtroumpfs, Astérix, Lucky Luke, Spirou et Fantasio, Tintin, même sans les avoir lus. Et au-delà, quand on parlera de Buck Dany, de Valérian et Laureline ou de Métal Hurlant - la revue de science-fiction qui a révolutionné la BD dans les années 70 -, ce sera toujours pour parler de la vie de leurs créateurs et de la façon dont ils se sont nourris d’Amérique avant de la nourrir en retour. Car ce qui est fascinant, quand on tire le fil de cette histoire entre les USA et l’Europe francophone en bande dessinée, c’est que les Européens passent d’une posture d’admiration quasi béate à des échanges qui ont parfois eu des airs de conquête du territoire américain. Et puis, il faut dire qu’on ne parle pas de que de bande dessinée, dans cette série. Il y est beaucoup question de cinéma. Qu’il s’agisse de films d’animation ou des grands blockbusters hollywoodiens comme Alien !

Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné, en travaillant sur ce sujet ?

Sans doute est-ce de réentendre des auteurs comme Jijé, Franquin, Hergé, Goscinny ou Jean-Michel Charlier, dont la SONUMA possède des dizaines d’interviewsCes grands anciens, qui ont fait la bande dessinée moderne, étaient souvent d’une incroyable jovialité et d’une grande sincérité au micro. Jijé, pour rappel a repris Spirou et Fantasio pendant la guerre juste après leur créateur Rob-Vel, et les a ensuite transmis à Franquin. Ce dessinateur génial, qui a été un véritable mentor pour des générations d’auteurs de BD, est un Wallon d’une joie de vivre prodigieuse. L’Amérique ne lui a pas fait perdre son accent truculent et on entend le rire dans sa voix, dès qu’il se met à raconter ! Je ne m’en lasse pas. Quant à Goscinny, que l’on connaît aujourd’hui pour Astérix mais qui a transformé en or presque tout ce qu’il a touché, il est passionnant de l’écouter parler avec un humour corrosif de ses années américaines, durant lesquelles il a bouffé de la vache enragée.

Une anecdote méconnue représentative de ce que vous allez nous raconter ?  

Il y en a mille ! Prenons celle que j’ai choisie pour ouvrir la série : le voyage américain de Jijé en compagnie de sa femme, de ses quatre enfants, de Franquin et de Morris. Ils partent en bateau de Rotterdam, en 1948 ; ils ne savent pas trop ce qui les attend là-bas. Arrivés à New-York, après quelques déboires administratifs, ils s’empressent de partir vers Los Angeles, entassés dans une Hudson Commodore, en l’espoir d’y rencontrer les stars de la bande dessinée américaine dont ils ont lu les traductions dans les revues belges. Et une fois arrivés à Los Angeles, ils apprennent que La Mecque de la BD est dans leur dos, à… New York !  

Ils retournent donc sur leurs pas ?

Eh bien non, parce que leurs visas touristiques vont être bientôt périmés ! Ils vont donc aller au Mexique et y rester un an avant de pouvoir retourner aux États-Unis, tout en envoyant leurs planches au Journal de Spirou chaque semaine ! Ce n’est qu’en 1949 que Morris, le père de Lucky Luke, s’installe à New-York pour cinq ans. Jijé, de son côté, s’installe pour deux ans dans le Connecticut avec femme et enfants. Quant à Franquin… il reprend le premier bateau pour l’Europe. Cette équipée américano-mexicaine de Jijé & Co est totalement rocambolesque, elle va occuper trois des dix épisodes du podcast tant elle réserve d’improbables anecdotes. C’est entre autres choses indirectement ce voyage qui va changer le cours de la carrière de Goscinny. Il est arrivé en 1945 à New York, où il tente vainement de percer comme dessinateur. Il ignore que c’est comme scénariste qu’il va conquérir le monde. Sans sa rencontre avec Jijé, Astérix n’aurait jamais existé ! Pas plus que le magazine Pilote qui a révélé tant de talents. Et on peut parier que Lucky Luke, dont il a été le scénariste à partir du milieu des années 50, n’aurait jamais connu le même succès non plus. Rendez-vous compte : Lucky Luke + Astérix, ce sont environ 750 millions d’albums vendus, aujourd’hui… ça donne le vertige. 

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