Contrairement à l’Allemagne et aux Pays-Bas, les textes de loi français ne fixent pas de limitation dans le temps sur la durée d’exploitation des centrales nucléaires. La loi de 2015 mentionnée par Samuel Cogolati dans son Tweet visait à limiter "la production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts", mais "elle ne parlait pas de durée de vie" explique ainsi Ludovic Dupin de la Société Française de l’Energie Nucléaire (SFEN), avant de confirmer qu'"il n’existe pas de loi en France qui limite à 40 ans l’exploitation des centrales nucléaires".
Les centrales françaises peuvent donc continuer de fonctionner "ad vitam aeternam" ? Ce n’est pas aussi simple.
Comme tous les pays membres de l’Union européenne (UE) et la Suisse, la France est tenue de respecter les dispositions de la directive EURATOM de 2014, qui dans son article 8 précise que "le titulaire d’une autorisation sous le contrôle réglementaire de l’autorité de réglementation compétente [est tenu de] réévalue [r] systématiquement et régulièrement, au moins tous les dix ans, la sûreté de l’installation nucléaire". Les règles de ces évaluations sont déterminées nationalement.
En d’autres termes, "le feu vert" qui est initialement délivré à l’exploitant par le gouvernement français et l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) pour créer une centrale nucléaire "est remis en question tous les 10 ans dans le cadre d’un réexamen approfondi de l’installation, appelé réexamen périodique" par l’agence nationale chargée du contrôle de la sûreté nucléaire, peut-on lire dans une publication de 2018 de l’ASN. "Ce réexamen doit permettre d’apprécier la situation de l’installation au regard des règles qui lui sont applicables et d’actualiser l’appréciation des risques ou inconvénients que l’installation présente […], en tenant compte notamment de l’état de l’installation, de l’expérience acquise au cours de l’exploitation, de l’évolution des connaissances et des règles applicables aux installations similaires" lit-on dans la loi de 2006 qui fixe le cadre législatif de cette procédure.
Dans le cas où le cadre de la sûreté d’une centrale n’est plus considéré comme acceptable, soit l’ASN demande l’arrêt de l’installation, soit l’ASN prescrit à l’exploitant de remédier au défaut.
Ainsi, bien que "les experts parlent souvent d’une durée de vie technique pour les centrales nucléaires allant de 40 à possiblement 60 ans pour les plus récentes, des opérations de maintenance régulières sont requises, et des visites en profondeur pour assurer la sûreté nucléaire sont indispensables", indique ainsi Murielle Gagnebin d’Agora Energiewende.
En février 2021, l’ASN a validé le principe de la prolongation des réacteurs 900 Mégawatts jusqu’à 50 ans, c’est-à-dire au-delà de leur quatrième examen périodique.
Dans le contexte actuel de crise énergétique et climatique, c’est la totalité des réacteurs français qui pourrait être concernée par ces prolongations au-delà de 40 ans, estime Ludovic Dupin de la SFEN : "On se rend compte que la prolongation, c’est ce qui est le plus efficace à moindre coût pour décarboner l’économie française. Donc on peut imaginer que tous les réacteurs sont prolongés au moins jusqu’à 50 ans. Du moins, c’est la direction que veut prendre EDF [Electricité De France - fournisseur d’énergie français] aujourd’hui".