Week-end Première

Les cheveux des femmes dans l’Histoire, entre liberté et détestation

Histoire avec Valérie Piette

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L’historienne Valérie Piette replace dans un contexte historique général la mort, en septembre dernier, de Mahsa Amini, cette jeune kurde de 22 ans arrêtée et passée à tabac par la police des mœurs iranienne. Son crime : quelques boucles de cheveux dépassaient de son hijab. Pourquoi mourir pour une mèche de cheveux ? Que symbolisent les cheveux au fil des siècles ?

La force symbolique des cheveux chez la femme

Les cheveux sont le symbole de la beauté, de la féminité. Les femmes ont toujours été représentées par leur chevelure abondante.

"L’histoire d’Adam et Eve, c’est évidemment une pomme, un serpent, mais c’est aussi une splendide chevelure", rappelle Valérie Piette. Et Marie-Madeleine, la prostituée pour certains, la maîtresse de Jésus pour d’autres, essuie les pieds du Christ avec son abondante chevelure.

Toute l’histoire de l’art, Botticelli, Véronèse, les impressionnistes, Klimt ou les tenants de l’art décoratif, nous offrent des corps de femmes dont les cheveux sont un élément essentiel de leurs toiles.

Danaé, de Gustav Klimt –
Danaé, de Gustav Klimt – © Ali Meyer/Corbis/VCG via Getty Images

La chevelure qui rend l’homme captif

Les femmes ne seraient donc presque que des cheveux. Comment expliquer cette obsession ?

Le très torturé théologien et philosophe Søren Kierkegaard le résume bien, en écrivant que la chevelure rend la femme belle ; c’est sa force mais aussi sa faiblesse.

"La chevelure est sa beauté, sa force. Elle captive l’homme, l’enchaîne et le lie à la terre.Pour libérer l’homme, il faut donc cacher les cheveux.

Le philosophe Arthur Shopenhauer, pour sa part, écrit, au XIXe siècle, que "la femme est un animal aux cheveux longs et aux idées courtes."

Comment mettre fin à cette obsession des cheveux ?

La seule solution que les religions, ou la société dans son ensemble, ont trouvée, c’est de cacher les cheveux. Le voile, dont parle déjà l’apôtre Saint-Paul, est alors perçu comme signe de soumission et d’autorité de l’homme sur la femme.

Il devient un instrument de pudeur et donc un signe de virginité. Il figure l’hymen de la femme, sa chasteté, et c’est pour cette raison que les mariées portent un voile que l’homme enlèvera lors de la nuit de noces, explique Valérie Piette.

Les femmes 'comme il faut' se couvrent la tête, surtout les femmes bourgeoises. C’est donc un indicateur social. Les perruques au XVIe et au XVIIe siècle, puis les couvre-chefs, les chapeaux, surtout au XIXe siècle, cachent à l’envi les chevelures des femmes et font la richesse des perruquiers et des chapeliers.

Cacher, mais aussi punir

La chevelure représente donc la femme dans la séduction, le désir et donc le péché. Pour combattre le péché, toutes les religions, mais aussi la société civile et laïque, n’auront de cesse de couvrir les cheveux des femmes.

Elles iront même plus loin, par l’obligation du hijab en Iran, par exemple, mais aussi à l’opposé, mais dans le même ordre d’idées, en rasant les cheveux des femmes pour les punir. Rien de plus terrible, de plus humiliant en effet, que de détruire leur chevelure, comme pour les sorcières à la Renaissance ou les femmes considérées comme collaboratrices lors des guerres.

La tonte prive ainsi très symboliquement les femmes de leur pouvoir de séduction. On détruit, on punit, on purifie, on rétablit l’ordre publiquement, aux yeux de tous : on rase les femmes.

Une femme en train d’être tondue à Montélimar, en août 1944. Smith, Photographer (NARA record : 5046417) — U.S. National Archives and Records Administration
Une femme en train d’être tondue à Montélimar, en août 1944. Smith, Photographer (NARA record : 5046417) — U.S. National Archives and Records Administration © Domaine public

Les femmes se sont-elles déjà rebellées ?

L’émancipation des femmes s’est aussi faite physiquement, notamment en se coupant les cheveux ! Durant les Années folles, après la Première Guerre mondiale, les femmes mettent des pantalons et se coupent les cheveux. On pense à Colette par exemple.

On les appelle les Garçonnes. Se couper les cheveux devient un geste symbolique, une révolte urgente et moderne, souligne Valérie Piette.

Les Garçonnes n’en sont pas mortes, à la différence de Mahsa et de toutes les autres Iraniennes qui osent enfin montrer leurs cheveux aux yeux du monde, symboles de liberté et de féminité. Et qui en meurent encore tous les jours…

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