Les critiques d'Hugues Dayez

Les critiques d’Hugues Dayez : "L’événement", le calvaire d’un avortement clandestin

"L’événement", avec Anamaria Vartolomei

© DR

Par Hugues Dayez

En septembre dernier, la réalisatrice Audrey Diwan remportait le Lion d’Or à la Mostra de Venise, devant Jane Campion et Paolo Sorrentino, avec son drame intitulé "L’évènement". Il est probable que le jury présidé par Bong Joon Ho ait été sensible, outre aux qualités du film, à sa thématique : la douleur d’un avortement clandestin.

L’événement

L’affiche de "L’événement"
L’affiche de "L’événement" © DR

La France de 1963. Anne, issue d’un milieu modeste, est une étudiante intelligente et ambitieuse. Lors d’une visite médicale, elle apprend avec effroi ce qu’elle redoutait : elle est enceinte de trois mois. Le père est un jeune homme de bonne famille avec qui elle a eu une brève aventure. Anne veut à tout prix continuer ses études, et se débarrasser de cet enfant non désiré. Mais dans la France corsetée des sixties, l’avortement est un délit, et sa pratique clandestine dangereuse. Les semaines s’égrènent, et l’angoisse d’Anne monte…

Inspirée par un récit de l’écrivaine Annie Ernaux, la scénariste et réalisatrice Audrey Diwan signe avec "L’évènement" un drame ouvertement militant. Mais son talent est de l’avoir presque construit comme un thriller : pour Anne, son héroïne, commence un combat contre la montre, avec très peu d’alliés pour le mener, car l’avortement est un tabou qui fait peur à tout le monde. Avouant volontiers l’influence de "Rosetta" des frères Dardenne, la réalisatrice et sa caméra ne quittent pas Anne d’une semelle, offrant à la jeune actrice française d’origine roumaine Anamaria Vartolomei un rôle qui devrait lui valoir le César du meilleur espoir féminin le 25 février prochain. Et en toute logique, après le Lion d’Or, "L’évènement" devrait décrocher le César du meilleur film.

Radical, efficace, le film d’Audrey Diwan n’a qu’un petit talon d’Achille : un léger déficit d’émotion. Car le personnage d’Anne, enfermé dans son secret, inaccessible comme une forteresse, ne suscite pas une immense sympathie chez le spectateur. A l’image de la littérature d’Annie Ernaux, en somme, qui dit des choses importantes, mais avec une mise à distance qui force le respect plus que l’adhésion du cœur…

plus d’infos sur le roman d’Annie Ernaux

L'Événement (2021) - Trailer

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La Méthode Williams (King Richard)

L’affiche de "La Méthode Williams"
L’affiche de "La Méthode Williams" © DR

Pas besoin d’être un grand spécialiste du tennis pour se souvenir du phénomène constitué par les sœurs Venus et Serena Williams, véritables impératrices des courts pendant de nombreuses saisons. "La méthode Williams" n’est pas leur biopic, ni même une classique "success story" ; c’est un portrait de celui par qui tout est arrivé : leur père, Richard Williams.

Le film montre comment, avant même la naissance de ses deux filles, cet Afro-Américain d’origine modeste, devenu Témoin de Jéhovah, avait écrit une bible de 78 pages pour faire de Venus et de Serena deux championnes mondiales de tennis. Dès leur plus jeune âge, il les emmène dans son vieux van VW sur des terrains de tennis, sous le regard goguenard et menaçant des Noirs des ghettos, qui ne comprennent pas pourquoi cet homme s’évertue à obliger ses fillettes à s’entraîner à un sport réservé aux Blancs. Inflexible, croyant à sa bonne étoile, il tente de contacter tous les coachs réputés, dans l’espoir que l’un d’eux accepte d’entraîner gratuitement ses filles si douées…

"La méthode Williams" dépeint un homme complexe, à la fois tyran domestique et doté d’un flair insensé, qui a fait de sa bible de 78 pages le combat d’une vie. C’est par cet aspect que le film est bien plus qu’un film sur le tennis, c’est une étude psychologique sur une autre facette du "rêve américain". Et – ce qui ne gâche rien – c’est un rôle en or pour Will Smith, qui revient ici sur le devant de la scène après quelques échecs critiques et commerciaux.

KING RICHARD – LA METHODE WILLIAMS

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Nos plus belles années

"Nos plus belles années", de Gabriele Muccino
"Nos plus belles années", de Gabriele Muccino © DR

En parlant de Will Smith, le cinéaste italien Gabriele Muccino avait réalisé avec la star hollywoodienne et son fils un mélodrame émouvant, "The pursuit of happiness". De retour dans son pays, le réalisateur de l’"Ultimo baccio " explore un genre déjà très fréquenté, le portrait de groupe de copains, sur la rengaine "Que sont mes amis devenus ?".

"Nos plus belles années", c’est, sans surprise, l’histoire de trois adolescents et de la petite amie de l’un d’entre eux, très soudés pendant l’adolescence, dont les chemins vont diverger presque malgré eux à l’âge adulte. Muccino exploite une veine nostalgique et prétend montrer, en toile de fond, l’évolution de l’Italie des années 1980 à nos jours. Hélas, il ne nous épargne aucun poncif, et demande à des acteurs quinquagénaires (Pierfrancesco Favino, 52 ans, Kim Rossi Stuart, idem) d’être crédibles en jeunes hommes fragiles… Un procédé paresseux pour garder les mêmes acteurs, mais totalement risible ici.

Sur le même thème, plutôt que de subir ce mélo poussif, on préférera revoir quelques vrais grands films du cinéma italien, en priorité "La meglio gioventu" de Marco Tullio Giordana et, bien sûr, "Nous nous sommes tant aimés" d’Ettore Scola.

NOS PLUS BELLES ANNÉES de Gabriele Muccino

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